Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
- No tags were found...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
ce pour quoi il avait été appelé en 1958
parlesFrançais,àl’époqueencoremajoritairement
favorables à l’Algérie française.
Contrairement à la plupart
des spécialistes de la
période, vous affirmez que
De Gaulle savait exactement
ce qu’il voulait faire en
arrivant aux affaires. Sur
quoi vous fondez-vous ?
Au sortir de la guerre, conscient de ce
quelalibérationdelaFrancedevaitàson
empire colonial, De Gaulle était encore
un impérialiste assumé, voire forcené,
comme en témoignent ses ordres en
faveur de la répression la plus extrême
tant à Thierry d’Argenlieu en Indochine,
qu’à Beynet au Levant et à Chataigneau
en Algérie, lors des émeutes de Sétif
en mai 1945, puis, durant la période du
RPF, ses diverses prises de position sans
concession. Mais, en 1954, une visite du
démographe Alfred Sauvy, qui dit l’avoir
sensibilisé aux différents problèmes que
ferait peser le maintien de l’Algérie dans
la France, semble l’avoir convaincu de la
nécessitédeladécolonisation,souspeine
devoirlanatalitémusulmanesubmerger
la population métropolitaine et envoyer
80 députés à la Chambre, et, parallèlement,
de voir s’accroître un déficit chronique
entre la France et sa colonie qui
a toujours coûté cher en subventions.
Sauvy, qu’il y a tout lieu de croire, confie
l’avoir alors entendu se prononcer dès
cette époque pour l’«abandon ».
Comment expliquer que ce
changement ait été ignoré ?
Tout simplement parce que De Gaulle
fait en 1955 ses adieux à la presse et
annonce son retrait de la vie politique,
retrait confirmé par la mise en sommeil
du RPF en septembre suivant.
Un vrai faux retrait ?
En effet, il s’agit d’une pure tactique de la
part de celui qui s’est fait une méthode
de «progresser par les couverts ». Disant
alors en privé à chacun ce que chacun
veut entendre, l’ermite de Colombey
regarde les convulsions du « régime »
© SOLANUM-PHOTOGRAPHE. © BRIDGEMAN IMAGES.
MENSONGE D’ÉTAT Ci-dessus : le 4 juin 1958, le général De Gaulle, depuis le balcon
du Gouvernement général à Alger, lance à la foule enthousiaste : «Je vous ai compris ! »
Cette formule ainsi que le «Vive l’Algérie française ! » qui conclura son discours de
Mostaganem, deux jours plus tard, entretiendront les illusions des partisans du maintien
de l’Algérie dans la France auxquels il devait son retour au pouvoir. Selon Henri-Christian
Giraud (page de gauche), De Gaulle était pourtant déjà décidé à l’«abandon ».
honni avec gourmandise et, profitant favorable ; qu’il est le seul à pouvoir véritablement
régler l’affaire algérienne et
du relâchement de la curiosité des journalistes,
il programme soigneusement qu’aussitôt aux affaires, il négociera avec
son retour. Ainsi, le 10 octobre 1956, les représentants des Algériens.
troissemainesavantl’opérationdeSuez, Le mot important de ce message est le
qui a pour but d’assécher militairement mot « négociation ». Il l’emploie alors
la rébellion algérienne soutenue par que le rejettent aussi bien le socialiste
l’Egypte et dont il connaît les préparatifs Robert Lacoste, ministre résident en
grâce à Christian Pineau, le ministre des Algérie, que son prédécesseur en Algérie
Affaires étrangères, De Gaulle passe JacquesSoustelle,députéduRhônesous
secrètement à l’offensive : il délègue l’étiquette gaulliste. Au même moment,
Gaston Palewski, l’un de ses principaux le FLN vient en effet de faire connaître
intermédiaires avec Moscou depuis lors du congrès de la Soummam sa
novembre 1940, auprès de Serge Vinogradov,
l’ambassadeur soviétiqueà Paris, ne peut à ses yeux viser qu’à l’indépen-
« doctrine de la négociation ». Celle-ci
àquil’ondoitlarévélationdecettevisite, dance plénière de l’Algérie dans le cadre
pour lui faire savoir qu’il va arriver incessammentaupouvoir,
GuyMolletn’étant son territoire, Sahara compris, et à la
de l’unité du peuple et de l’intégrité de
pas en mesure de faire face à la situation condition d’être reconnu comme l’interlocuteur
unique, en refusant tout terroriste ; que le président Coty y est 1