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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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EN COUVERTURE

62

h

«nul ne peut être inquiété, recherché,

poursuivi, condamné, ni faire l’objet

de décision pénale, de sanction disciplinaire

ou de discrimination quelconque, en raison

d’actes commis en relation avec les

événements politiques survenus en Algérie

avant le jour de la proclamation du cessez-lefeu

». Le même texte comporte un alinéa 2

qui s’applique aux «paroles et opinions ».

La troisième partie de cette

«Déclaration des garanties » dispose dans

son article 5 qu’«aucune mesure arbitraire

ou discriminatoire ne sera prise à l’encontre

des biens, intérêts et droits acquis des

ressortissants français ». Le même article

ajoute : «Nul ne peut être privé de ses droits

sans une indemnité équitable préalablement

fixée. » Cette «Déclaration des garanties »

est suivie d’autres «déclarations de

principes » qui s’attachent à la «coopération

économique et financière », à la «coopération

pour la mise en valeur des richesses du soussol

du Sahara » (elles seront exploitées

conjointement jusqu’à la nationalisation

unilatérale du pétrole par l’Algérie en

1971), à la «coopération culturelle » et à la

«coopération technique », le document

s’achevant sur le traitement des «questions

militaires » (présence de l’armée française

jusqu’au scrutin d’autodétermination, base

de Mers el-Kébir concédée à bail pour

quinze ans) et le règlement des «différends »

éventuels, qui devrait s’effectuer par

la conciliation et l’arbitrage.

Le régime né d’Evian en Algérie est

quant à lui un régime transitoire qui voit

cohabiter un haut-commissaire français

(Christian Fouchet) et un Exécutif

provisoire algérien (Abderrahmane

Farès, ancien président de l’Assemblée

algérienne), chargés de faire fonctionner

des accords qui suscitent des réserves

et des oppositions chez les Européens

d’Algérie et du côté de l’OAS, mais

aussi nombre de doutes, interrogations

et oppositions au sein de l’Armée de

libération nationale (ALN), en particulier

chez Houari Boumediene, et du FLN.

Pour qu’ils fonctionnent, il faudrait que

les populations y croient et que leurs

concepteurs soient en mesure de les mettre

en œuvre. La suite montrera que le cessezle-feu

ne sera nullement la paix.

VERS

L’INDÉPENDANCE

Ci-contre :

dans la casbah

d’Alger, le 21 mars

1962, de jeunes

Algériens fêtent

la fin de la guerre.

Page de droite :

l’attentat à la

voiture piégée

commis par l’OAS

dans le port d’Alger,

le 2 mai 1962,

fit 62 morts

parmi les dockers

musulmans.

Pourquoi le cessez-le-feu

n’est-il respecté ni par le FLN

ni par l’OAS ?

Les semaines qui suivent les accords d’Evian sont considérées

par beaucoup comme le temps d’une violence apocalyptique,

qui culmine au printemps 1962. Si elle est attribuée à

l’OAS par les autorités françaises et par le FLN, celui-ci n’est

pas en reste. Renforcé par des ralliements croissants d’éléments

soucieux d’en découdre, le FLN n’entend pas renoncer

à la violence pour asseoir son influence, lutter contre ses

adversaires politiques du MNA et perpétrer attentats et enlèvements

contre des civils européens – sans oublier de nombreux

heurts avec les forces de l’ordre, dûment mentionnés

dans les rapports parvenant aux autorités françaises. Si des

membres du FLN siègent effectivement dans l’Exécutif provisoire,

nombre de ses dirigeants se méfient de Farès, qu’ils

jugent trop tiède. Le FLN joue donc son propre jeu en profitant

detouteslesambiguïtésdecettepériodetransitoireetdelafaiblesse

des autorités françaises.

Quant à l’OAS, qui s’est affirmée comme un acteur incontournable

du jeu algérien, diffusant sa propagande par de multiples

moyens, des tracts aux émissions radiophoniques voire

télévisées, dotée d’un service de renseignement performant

en Algérie, elle est passée maître dans l’exercice des attentats

et desassassinats ciblés(« opérationsponctuelles »)perpétrés

par ses commandos (les Deltas de Roger Degueldre). C’est

une organisation terroriste efficace qui inquiète les autorités

gouvernementales autant qu’elle mobilise le FLN contre elle.

Son refus des accords d’Evian est radical et renforcé par le fait

que la grande majorité des Européens sont convaincus qu’ils

ne seront pas respectés. L’OAS décide donc sciemment de

jouer sa dernière carte en cherchant à démontrer sur le terrain

l’impossible viabilité des accords.

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