Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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DeGaullelefaitconvoqueràParis,mais
surtout interdit son retour en Algérie
malgré les alarmes de tous les responsables,
civils et militaires. Résultat :
comme prévu, l’éviction de Massu provoque
la révolte connue sous le nom de
la « semaine des barricades ». Bilan :
22mortsetunecentainedeblessésmais,
surtout, un début de scission au sein de
l’armée entre les loyalistes et les autres.
La discorde chez l’ennemi est en cours…
Pour De Gaulle, « l’opération Massu »
est une réussite sur toute la ligne. Le
piège a parfaitement fonctionné.
Qu’en est-il de « l’affaire
Si Salah » qui intervient
quelques mois plus tard ?
Cette offre de reddition du colonel Si
Salah, célébré par le FLN comme le
« prototype du maquisard valeureux et
pur », et des principaux responsables
delawilayaIV(l’Algérois)en opposition
frontale avec la direction du FLN jugée
inapte, corrompue et communisante,
a failli en mai-juin 1960 perturber la
démarche gaulliste qui privilégiait la
négociation avec ladite direction, loin
du champ de bataille. Afin d’éviter que
l’équipe de Matignon, Debré en tête,
se saisisse de cette opportunité pour
fonder la troisième force que Challe, fort
de ses succès militaires et de l’afflux de
ralliements de combattants, met en
chantier avec son « parti de la France »,
DeGaulles’enemparepersonnellement,
allant jusqu’à recevoir nuitamment les
trois chefs fellaghas à l’Elysée le 10 juin
1960. Cette affaire « extraordinaire »,
selon le mot de Tricot, méritait un traitement
extraordinaire. Il fallait choisir
entre les deux parties : les combattants
ou les dirigeants. Mais la « paix des braves
» n’est plus à l’ordre du jour (si tant
est qu’elle l’ait jamais été) et De Gaulle
réduit d’entrée de jeu cet événement à
un rôle secondaire : celui d’un « adjuvant»(lemotestencoredeTricot),c’està-dire
de moyen de pression sur les dirigeants
extérieurs de la rébellion pour
les amener à la table des négociations. Il
choisit donc de s’adresser directement
à eux, le 14 juin, et de les appeler à une
© AKG-IMAGES/ULLSTEIN BILD. © KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO.
rencontre à Melun, sauvant ainsi la mise
àdespolitiquesdiscréditésau détriment
des combattants. Ils vont bien sûr sauter
surl’occasionmais,désormaissûrsd’eux,
sans lâcher un pouce de leurs revendications
concernant la reconnaissance
de l’indépendance de l’Algérie, et ce,
sans aucun préalable sur le cessez-le-feu,
le Sahara, la représentation unique ou
le sort des populations. D’où un hautle-corps
gaullien et l’échec de la rencontre
de Melun qui assure toutefois
au GPRA une grande visibilité aux yeux
de la communauté internationale.
Pourquoi la direction
du FLN reste-t-elle sur
ses positions ?
Parce qu’elle y a tout intérêt puisqu’elle
est assurée d’être incontournable après
le choix de De Gaulle de ne pas traiter
aveclescombattants:commeparhasard
encore, lors de l’ouverture des accords
d’Evian, les deux principaux chefs de la
wilaya IV, Si Salah et Si Mohamed, retournés
les mains vides en Algérie tomberont
sous des balles françaises en pleine
période de « trêve unilatérale », ce qui
signifie que l’ordre est venu de haut, sans
doute pour effacer toutes traces d’une
autre politique possible… Quant au chef
de l’Etat, prisonnier du processus qu’il a
mis en œuvre, il ne peut s’en sortir qu’en
portant tous ses coups au camp Algérie
française pour le neutraliser. Ce qu’il a
anticipé en rétablissant la peine de mort
en matière politique (elle était abolie
depuis 1848), six jours avant de recevoir
les chefs fellaghas à l’Elysée : sachant
d’avance qu’il ne donnerait pas suite à
leur proposition, il se donnait sans doute
les moyens de faire face aux réactions des
«ultras » si l’affaire venait à se savoir. Dès
lors, la tragédie est en marche et elle va