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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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EN COUVERTURE

82

h

le plus souvent des départements du Midi

méditerranéen et de l’Est). C’est l’application

à l’Algérie de la loi du 26 juin 1889 sur

la naturalisation automatique des enfants

d’étrangers nés en territoire français qui a

dissipé la crainte du « péril étranger » en

absorbant les nouvelles générations dans

un nouveau « peuple algérien » de nationalité

française (mais qui se définissait

parfois en s’opposant au peuple français

de France, voire en rêvant d’une « Algérie

libre » suivant l’exemple des Cubains

révoltés contre l’Espagne).

En réalité, l’idée que l’Algérie était destinée

à devenir soit une nouvelle province

française, soit une colonie de peuplement

vouée à devenir indépendante comme les

Etats-Unis d’Amérique et comme la plupart

des autres colonies du Nouveau

Monde était une illusion, fondée sur la

méconnaissance des réalités démographiques.

La colonisation, comprise au sens

d’installation d’un peuplement nouveau

et pas seulement d’une souveraineté politique,

supposait une immigration massive.

Or celle-ci ne fut jamais suffisante pour

submerger la population indigène, que de

nombreux auteurs influencés par le darwinisme

social s’imaginaient vouée à disparaître

parce que moins adaptée aux conditions

du monde moderne. La natalité

française, en repli depuis la fin du XIX e siècle,

ne le permettait pas. Dès lors, le peuplement

français ou européen ne devint

momentanément majoritaire que dans les

VIN DE PAYS Ci-dessus : un propriétaire français et ses employés dans l’Algérois,

en 1959. Vers 1950, l’agriculture en Algérie n’employait que 9 % de la population active

européenne, qui s’élevait alors à 354 500 personnes sur un total de plus d’un million

d’Européens en Algérie. La population européenne, principalement d’origine

métropolitaine, espagnole, italienne ou juive, représentait 10 % de la population totale

d’Algérie en 1954. Page de droite : des pêcheurs dans un port de l’Algérois, en 1959.

principales villes, surtout dans la moitié

occidentale du pays (Algérois, Oranie). La

mainmise sur la terre et sur ses principales

productions, jugée nécessaire par l’Etat

pour installer ce peuplement nouveau par

la création de villages (colonisation officielle)

ou par des lois facilitant les achats

de terres (colonisation privée), ne toucha

que des régions limitées (surtout les plaines

de l’Algérois et de l’Oranie) et la population

n’y fut pas, même là, majoritairement

européenne. Les populations indigènes

ne se sentirent pas moins dépossédées,

refoulées et exploitées à la fois par

les colons et par l’Etat colonial, en contradiction

avec le discours assimilateur que

diffusait la République française.

Pourtant, les Français d’Algérie ne correspondaient

pas à l’image du « colon »

esclavagiste héritée de la colonisation

d’Ancien Régime (le « colon fumant cigare

et monté sur Cadillac » évoqué par Albert

Camus).En dépitdefortesinégalitéssociales,

ils étaient dans leur majorité de condition

sociale modeste (artisans, boutiquiers,

employés, fonctionnaires). La sousreprésentation

parmi eux des « colons »

(agriculteurs) et des ouvriers d’industrie

était une caractéristique originale, dont la

métropole allait se rapprocher dans les

décennies suivant la guerre d’Algérie.

Réputés très à gauche sous le Second

Empire, ils l’étaient beaucoup moins sous

la III e et la IV e République, mais toutes les

tendances politiques y étaient représentées,

de l’extrême droite colonialiste à

l’extrême gauche communiste.

Les Juifs originaires d’Algérie n’étaient

pas,quantàeux,unanimementconsidérés

comme une partie de ce « peuple algérien

», mais comme des «Arabes de confessionisraélite»(selonlegouverneurgénéral

de Gueydon) : leur élévation à la citoyenneté

française par le décret Crémieux

d’octobre 1870 fut violemment contestée

par un puissant mouvement «antijuif » en

pleine affaire Dreyfus, quand de violentes

émeutes antijuives portèrent Max Régis à

la mairie d’Alger, puis dans l’entre-deuxguerres,

avant d’être annulée par le régime

de Vichy en octobre 1940, et par le général

Giraud de nouveau en mars 1943. C’est

seulement après l’annulation de l’abrogation

du décret Crémieux, décidée le

21 octobre 1943 par le Comité français de

libération nationale présidé par le général

De Gaulle, que les Juifs algériens furent

définitivement intégrés dans le peuple

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