Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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© DALMAS/SIPA. © DOMINIQUE BERRETTY/RAPHO.
Que prévoyaient
les accords signés
le 18 mars ?
La question des représentants
fixée, s’était posée celle du but des
négociations. La position française avait
crûment été exposée par le chef de l’Etat
à son Premier ministre, Michel Debré,
originellement partisan virulent de l’Algérie
française, dans une lettre du 18 août 1961 :
«A ce point de vue [la modernisation
de l’armée] comme à beaucoup d’autres,
il faut nous dégager de l’affaire algérienne.
C’est nécessaire, absolument. » La stratégie
était claire : l’Algérie française était morte
dans l’esprit du président de la République.
L’impératif militaire et stratégique
qui lui était cher – la création de la force
de frappe nucléaire – croisait cependant
la question du «dégagement » de l’Algérie
à travers celle du Sahara, où le pétrole
avait jailli en 1956 et qui était devenu
le lieu d’expérimentation des premiers
essais nucléaires français. Le Sahara
n’avait jamais, historiquement, fait partie
de l’Algérie. Il n’était donc pas question
de le laisser, lui aussi, au FLN. Dans son
appel à «la paix des braves » du 23 octobre
1958, De Gaulle avait d’ailleurs pris
le soin d’évoquer séparément l’Algérie
et le Sahara en parlant de «cet ensemble
complété par le Sahara », lequel, comparé
à l’Antarctique, était assimilé à une mer
intérieure, dont les ressources étaient
exploitées par l’Organisation commune
des régions sahariennes, créée en 1957
et conservée par la V e République.
La France gaullienne commence
donc par affirmer ses droits sur le Sahara,
mais la délégation algérienne refuse
de les prendre en considération, ce qui
provoque en grande partie la suspension
des discussions de Lugrin. Or, dans une
conférence de presse du 5 septembre 1961,
De Gaulle cesse soudain de revendiquer
la «souveraineté du Sahara ». Il escompte
seulement qu’il sorte d’un accord futur
«une association qui sauvegarde nos
intérêts ». On ne saurait être plus clair
sur les priorités fixées, qui sont «un pas
DÉSACCORDS Page de gauche : les délégués du Gouvernement provisoire de la République
algérienne (GPRA) lors des premières réunions de la conférence d’Evian, du 20 mai
au 13 juin 1961. Les négociations entre la France et le FLN achoppèrent sur la question du
Sahara. Ci-dessus : des Algériens célèbrent la signature des accords d’Evian, le 18 mars 1962.
en avant » pour le GPRA. Celui-ci
a fort bien compris en effet l’importance
de la question nucléaire pour le chef
de l’Etat et il entend bien faire payer
chèrement cette concession en organisant
une indépendance qui pourrait prendre
le chemin d’une association/coopération
avec financements à l’appui.
Outre le Sahara, le futur statut
de la «minorité européenne » importe
aussi au gouvernement, dans la perspective
d’une Algérie indépendante dont
le principe n’est plus discuté. Pour les
autorités françaises, nullement acquises
à l’idée de l’existence d’un «peuple
algérien » comparable au «peuple
français », mais qui soulignent au contraire
la diversité des populations présentes
sur le territoire de l’Algérie, la minorité
européenne devrait voir ses droits garantis
en bénéficiant notamment de la double
nationalité française et algérienne.
Or les négociateurs algériens refusent
catégoriquement tout régime particulier
pour les Français d’Algérie. C’est un point de
blocage que les autorités françaises tentent
de dénouer en proposant un système
optionnel transitoire : chaque Français
d’Algérie disposerait de la double
nationalité et d’un délai pour trancher
sa situation ; la France propose dix ans,
puis cinq. L’accord se fera sur trois.
Les accords d’Evian sont un document
hybride, ce qui n’en fait nullement
un traité au sens du droit international.
Outre une clause de cessez-le-feu, qui
doit être effectif à la date du 19 mars,
à 12 heures, ils comportent une série
de déclarations que chaque partie
publie séparément, puisque la France
ne reconnaît toujours pas le GPRAcomme
le représentant de droit d’un Etat algérien
qui, pour elle, ne verra le jour qu’après les
référendums d’approbation dont le premier
est prévu en métropole le 8 avril et le second
en Algérie le 1 er juillet. Les documents signés
à Evian sont au nombre de trois. Le plus
connu est le plus bref, la «Déclaration
générale », qui prévoit la mise en œuvre
d’un processus d’autodétermination
et l’organisation des pouvoirs en Algérie
pendant la période transitoire. Mais
il en existe deux autres, beaucoup plus
développés et fort instructifs.
Les «Conditions et garanties
de l’autodétermination » fixent les
conditions de la tenue en Algérie
de la «consultation d’autodétermination »,
l’«organisation des pouvoirs publics
en Algérie pendant la période transitoire »,
l’«accord de cessez-le-feu » et une
«déclaration concernant l’amnistie »
qui prévoit notamment que «seront
amnistiées toutes infractions commises
avant le 20 mars 1962 en vue de participer
ou d’apporter une aide directe ou indirecte
à l’insurrection algérienne, ainsi que
les infractions connexes ». Le référendum
d’autodétermination sera ouvert aux
citoyens résidant en Algérie et à ceux
inscrits sur des listes électorales en Algérie
mais résidant en dehors du territoire.
Quant aux «Déclarations de principes
relatives à la solution d’indépendance
de l’Algérie et de coopération entre la France
et l’Algérie », elles s’ouvrent par une
«Déclaration des garanties » qui affirme
garantir la sécurité des personnes puisque
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