Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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FERHAT ABBAS (BOUAFROUNE, 1899-ALGER, 1985)
Né dans la région de Djidjelli, fils d’un caïd aisé, Ferhat Abbas fait de solides études à Alger, ouvre
une pharmacie à Sétif et épouse une fille d’Alsaciens. Le profil parfait pour devenir un emblème de
l’assimilation réussie… Bien au contraire, il va devenir le défenseur résolu de l’identité arabo-islamique
à partir des années 1930. En 1936, dans l’hebdomadaire L’Entente, il écrit pourtant un passage qui lui
sera longtemps reproché par les indépendantistes : «je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce
que cette patrie n’existe pas. (…) J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les vivants et les morts ; j’ai visité
les cimetières ; personne ne m’en a parlé. (…) On ne bâtit pas sur du vent. Nous avons donc écarté une fois
pour toutes les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l’œuvre française dans
ce pays ». Pour autant, Ferhat Abbas milite avec acharnement pour l’émancipation des musulmans.
En témoigne son «Manifeste du peuple algérien » de 1943, qui réclame un statut unique pour tous les
habitants d’Algérie, ainsi qu’une nouvelle Constitution. Au lendemain des émeutes de Sétif, soupçonné
d’avoir fomenté le mouvement, il est arrêté plusieurs mois. Il fonde en 1946 l’Union démocratique
du manifeste algérien (UDMA) qui envoie plusieurs députés au Parlement. Ses propositions de réforme
se heurtent à un mur du côté français. Face à cette inertie, les partisans de l’action s’échauffent,
en particulier dans les rangs du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD)
rival. Ferhat Abbas s’efforce de demeurer sur une ligne de crête, mais en 1953, désabusé, il aurait déclaré
au maréchal Juin : «Il n’y a plus que les mitraillettes… » Il franchit le Rubicon en 1956 et rejoint le FLN.
En 1958, il est le premier président du GPRA et oppose un refus tranché à l’offre de «paix des braves »
du général De Gaulle. S’il fait le choix de Ben Bella et Boumediene en 1962, il dénonce vite la mise
en place d’un parti unique. Emprisonné au Sahara, il est libéré en 1965 et se retire de la politique active,
tout en continuant à prendre position en faveur de la démocratisation du régime.
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ILLUSTRATIONS : © SÉBASTIEN DANGUY DES DÉSERTS POUR LE FIGARO HISTOIRE.
AHMED BEN BELLA (MAGHNIA, 1916-ALGER, 2012)
Alors qu’il fut détenu en métropole par les autorités françaises de 1956 à 1962, et donc
privé de la possibilité d’agir pendant la majeure partie de la guerre d’Algérie, Ahmed Ben Bella
demeure presque paradoxalement la figure la plus emblématique des indépendantistes
algériens de ce côté-ci de la Méditerranée. Issu d’un milieu modeste d’origine marocaine
et berbère, il fait partie des enfants «indigènes » privilégiés qui peuvent accéder
à la scolarisation. Intelligent et sportif, il atteint le niveau du brevet et se signale
par son talent au football. Appelé sous les drapeaux, nommé sergent, il participe
à la défense antiaérienne de Marseille en 1940. Rappelé en 1943, il sert au 5 e régiment
de tirailleurs marocains, en première ligne durant la campagne d’Italie, en particulier lors de la
bataille de Monte Cassino. Il se distingue alors par sa bravoure, récompensée par la médaille
militaire et quatre citations. La répression des émeutes de Sétif et Guelma, le 8 mai 1945, est
le catalyseur de son engagement militant. Il rejoint le Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques (MTLD) de Messali Hadj en 1946 puis passe rapidement de l’action politique
à l’action armée au sein de l’Organisation spéciale (OS). Arrêté en mai 1950, il parvient à s’évader
en mars 1952 et gagne Le Caire d’où il contribue à la préparation de la Toussaint rouge de 1954
et s’impose comme l’une des figures incontournables du FLN extérieur. En octobre 1956,
l’appareil qui l’emmenait du Maroc vers la Tunisie est intercepté par l’aviation française.
Cet événement est l’occasion d’une forte médiatisation qui contribue à bâtir sa légende. Libéré
le 20 mars 1962, il fait alliance avec les militaires de Houari Boumediene et du «clan d’Oujda »
contre les «politiques » du GPRA, établis à Alger, qui finissent par perdre le bras de fer
en septembre 1962. Un an plus tard, il devient le premier président de la République algérienne
démocratique et populaire, mais il est renversé par un coup d’Etat fomenté par Boumediene
en juin 1965. Ben Bella retourne en prison, pour quatorze ans cette fois-ci, avant de partir en exil
après sa libération. Il ne reviendra à Alger qu’en 1990.