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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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L E JOUR OÙ

Par Guillaume Zeller

Oran

la

Sanglante

EN COUVERTURE

68

h

Alors que l’Algérie fête son indépendance le 5 juillet 1962,

des centaines d’Européens disparaissent à Oran au cours

d’une effroyable chasse à l’homme à laquelle assistent les forces

françaises, réduites à l’impuissance sur ordre de leurs autorités.

Etrange atmosphère que celle qui règne

ce matin du 5 juillet 1962 dans les rues

d’Oran. Voici des mois, depuis le printemps

1961 et l’échec du putsch, que « la

radieuse », longtemps préservée des violences

de la guerre, est quotidiennement

ensanglantée par un impitoyable affrontement

ternaire opposant le FLN, l’OAS et

les forces de l’ordre françaises. Assassinats

sauvages, enlèvements, plasticages, rafles,

mitraillages,tortures…Lesmortss’accumulent

et les haines fermentent. Les accords

d’Evian,entrésenvigueurle19mars,ontclarifié

la situation : l’indépendance est désormais

inéluctable. Tandis que l’OAS hésite

entre la stratégie de la terre brûlée et la tentative

désespérée de préserver un réduit

européen en Algérie, les représentants du

FLN et les autorités françaises locales établissent

des contacts distants et nouent

une forme d’alliance tacite pour éradiquer

les activistes européens et préparer le transfert

de souveraineté. Le général Katz, commandant

du secteur d’Oran puis patron du

corps d’armée depuis la mort du général

Ginestet – victime d’un attentat commis

le 14 juin 1962 par un jeune homme lié à

l’OAS –, est devenu la bête noire des Français

d’Oran. Et il le leur rend bien.

Aux toutes premières heures du 5 juillet

donc, les Oranais, toujours cloisonnés dans

leurs quartiers respectifs, s’éveillent encore

étonnés par le silence qui s’est abattu depuis

quelques jours sur la ville. Plus de coups de

feu, d’explosions, de cris. Juste une odeur

pestilentielle qui émane des ordures qui

macèrent depuis des jours sous le soleil. Les

dernierscommandosdel’OASontquittéles

lieux le 29 juin, non sans avoir commis une

dernière action d’éclat, le 25, en incendiant

les citernes de la British Petroleum. Pendant

plusieursjours,lecielestrestéobscurciparla

fumée dantesque qui s’échappait du brasier.

Curieusement, alors que l’exode des piedsnoirs

oranais a commencé depuis de nombreuses

semaines – plus de 100 000 seraient

partis depuis le début de l’année –, certains

d’entre eux commencent à se demander s’il

ne serait pas possible d’envisager de demeurer

sur place, dans cette Algérie algérienne

dont l’avènement les horrifiait. Après tout,

rien ne les attend en métropole et, si les violencessontamenéesàs’estomper,iln’estpas

exclu qu’un avenir soit encore possible sur

cette terre à laquelle ils sont si attachés. Un

«comité de réconciliation » comprenant le

chef local du FLN, Si Bakhti, le préfet Thomas,

le préfet de police Biget, le général Katz

et l’évêque d’Oran Mgr Lacaste s’est même

réuni le 30 juin pour envisager l’avenir. Aussi

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