Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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DANS LA SPHÈRE RUSSE A gauche : Charge cosaque, par Franz Roubaud, fin XIX e -
début XX e siècle (collection particulière). Page de droite : à la faveur des partages de
la Pologne, à la fin du XVIII e siècle, entre la Prusse, l’Autriche et la Russie, cette dernière
achève de réunir sous sa férule les territoires de l’ancienne Rus’, sauf la Galicie et une
partie de la Volhynie tombées dans l’escarcelle de l’Autriche. Ce n’est qu’en 1918 qu’un
Etat ukrainien indépendant voit le jour, très vite incorporé dans l’Union soviétique.
Le traité de Versailles accorda la Galicie à la Pologne qui retrouva sa frontière de 1772.
Mais en 1945, l’URSS imposa l’attribution de ce territoire à l’Ukraine, au prix d’un
échange de populations massif et d’une soviétisation forcée particulièrement violente.
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soldats en rupture de ban, disposés à mettre
leurs talents guerriers au service de ces
communautés libres qui échappaient aux
autorités polonaises. Une bonne partie de
ces hommes étaient des déserteurs des
armées du khan de Crimée. Le terme turciqueqazaq,quidésignaitdesmercenaires,des
pilleurs ou, par extension, des aventuriers,
servait à les désigner : il donna «Cosaque ».
Russes et Polonais virent très vite le parti
qu’ils pouvaient tirer de ces soldats aguerris
pour protéger leurs frontières. Cependant,
leur sort fut différent en fonction de leur
localisation géographique. La politique tsariste
depeuplement desrégions frontalières
consistait à créer des zones libres de taxes et
de contraintes, les slobody, où les Cosaques
qui faisaient allégeance au souverain moscovite
pouvaient mener une vie libre aux
confins du royaume. En Pologne, en revanche,
les Cosaques furent assez vite soumis à
l’enregistrement et acquirent un statut particulier
de troupes de garnison dans les voïvodies
frontalières. Un troisième groupe de
Cosaques, les Zaporogues, établit sa sitch
(centre politique et militaire) dans les communautésdelasteppe.Enthéorie,ilsétaient
sujets du roi de Pologne, mais il ne s’agissait
que d’une allégeance de principe. En fait, ils
étaient vassaux du grand-duc de Lituanie,
qui leur accordait une grande autonomie.
Le roi était loin et le grand-duc ne se mêlait
pas de leurs affaires.
Après l’Union de Lublin, les choses changèrent
: les Cosaques zaporogues se retrouvèrent
directement soumis aux autorités
polonaises, qui supportaient difficilement
leur singularité. De plus, les puissants
nobles polonais, les magnats, louchaient
sur leurs terres pour agrandir leurs domaines.
Pour couronner le tout, comme le
raconte Nicolas Gogol dans son roman
Taras Boulba, ils étaient orthodoxes et les
Polonais, catholiques, cherchaient à imposer
leur foi. De ce fait, la révolte grondait et
les soulèvements qui se produisirent, en
particulier dans la première moitié du
XVII e siècle, furent sévèrement réprimés.
En 1648, Bogdan Khmelnitski, un Cosaque
enregistré qui avait été dépossédé
par un magnat polonais et injustement
condamné, se réfugia dans la sitch zaporogue,oùilpritlatête
d’unenouvelleinsurrectiond’ampleur.
Après des succès initiaux,les
offensives contre les Polonais marquèrent
le pas et, après de longues négociations, il
décida, en 1654, de placer l’Hetmanat cosaque
– le nouvel Etat qu’il avait constitué –
sous la protection du tsar de Russie, Alexis
Mikhaïlovitch, par un accord de vassalité, le
traitédePereïaslav.PourMoscou,cetévénement
fut interprété comme l’entrée des territoires
ukrainiens dans le tsarat de Russie.
Naturellement, le pouvoir polonais ne
pouvait laisser faire. Dans la guerre qui
s’ensuivit, les Russes prirent le dessus et en
1667, après treize ans de combats, une
trêve fut conclue à Androussovo : la république
des Deux Nations céda à la Russie
toute la rive gauche du Dniepr, y compris
Kiev. Cet accord devint définitif en 1686
par la signature d’un « traité de paix éternelle
» entre les deux Etats.
Progressivement, les slobody, ces territoires
de la Couronne moscovite laissés libres
pour le peuplement, devinrent des provinces
russes avec Kharkov comme principal
centre, tandis que les Cosaques qui y habitaient
étaient intégrés dans l’armée impériale.L’Hetmanatetlasitchzaporoguefurent
également intégrés comme provinces de
l’empire pendant la seconde moitié du
XVIII e siècle. Ainsi, après les trois partages
de la Pologne entre l’Autriche, la Prusse et la
Russie en 1772, 1793 et 1795, cette dernière
reprit la totalité des territoires de l’ancienne
Rus’ à l’exception de la Galicie et d’une partie
de la Volhynie, qui tombèrent sous le
contrôle de Vienne. A la même époque,
l’impératrice Catherine II établit sa suzeraineté
sur les territoires du khanat tatar de
Crimée qui, russifiés, reçurent le nom de
Novorossija (Nouvelle Russie).
Il faut comprendre que, pour les tsars,
ces différentes contrées ne constituaient
pas un ensemble unique, mais différentes
régions deleurempire dont leseuldénominateur
commun était d’avoir jadis fait partie
de l’ancienne Rus’. Pour les désigner de
manièregénérique,onparlaitdePetiteRussie.
Ce nom faisait référence à une division
de l’Eglise orthodoxe datant du XIV e siècle :
l’autorité religieuse était alors partagée
entre deux métropolites (archevêques),
dont l’un, à l’ouest (Galitch, puis Kiev), avait
sousson autorité moins d’éparchies(diocèses)
que l’autre, à l’est (Vladimir, puis Moscou),
d’où les appellations de « Petite » et
de «Grande » Rus’.
IDENTITÉ NATIONALE
ET RÊVE D’INDÉPENDANCE
CefutaudébutduXIXsiècle,danslaGalicie-
Volhynie intégrée dans l’empire d’Autriche,
qu’un sentiment national ukrainien naquit
pour la première fois. A rebours de la pratique
jacobine qui, en France, cherchait à
créer une nation française en gommant les
particularismes régionaux, les Habsbourg
privilégiaientlesautonomieslocales.Lesouverain
était le principal fédérateur des territoires
réunis sous sa main régnante. Chaque
peuple de l’empire devait bénéficier d’un
territoire, d’une langue enseignée à l’école
primaire (l’allemand était de rigueur dans le
secondaire et le supérieur) et d’assemblées
électives chargées de régler les problèmes
locaux. Ainsi les autorités autrichiennes
favorisèrent l’ukrainien, dialecte essentiellement
parlé dans les campagnes, en permettant
sa structuration grammaticale à partir
duslavonliturgique,dupolonaisetdurusse.
Bientôt,desalmanachs,desrecueilsfolkloriques
et même des livres d’histoire locale
furent publiés en ukrainien.
Au siècle du printemps des peuples, la
prise de conscience d’une identité nationale
ne s’accompagna pas en Galicie-Volhynie de
revendications indépendantistes. Du moins
pastoutdesuite.Vienne,capitaledel’empire
puis de la double monarchie austro-hongroise,
apparaissait aux nationalistes ukrainiens
comme une alliée plutôt qu’un adversaire
: leur territoire était également habité
par une population polonaise et, dans un
© CHRISTIE’S IMAGES/BRIDGEMAN IMAGES. CARTES : © PHILIPPE GODEFROY.