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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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H ISTORIQUEMENT

Par Jean Sévillia

INCORRECT

ÇA IRA MIEUX DEMAIN

ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

24

h

© BALTEL/SIPA.

Unpostulat domine, depuis quelques

années, la vie publique française : le

clivage gauche-droite serait dépassé,

puisque la droite s’est ralliéeaux idées sociétales

de la gauche et que la gauche s’est rangée

aux lois économiques du marché, naguère apanage de la

droite. Le véritable clivage opposerait désormais les progressistes

aux populistes ou aux conservateurs. Emmanuel Macron a, quant

à lui, franchement choisi son camp. « Le véritable clivage aujourd’hui

est entre les conservateurs passéistes (…) et les progressistes

réformateurs qui croient que le destin français est d’embrasser la

modernité », écrivait-il, en 2017, dans son livre Révolution. Le futur

chef de l’Etat s’y était engagé à « réinventer » la France et à lutter

contre «l’immobilisme » en levant les «blocages ». En 2022, candidat

à sa succession, il s’est contenté, du fait de la situation internationale,

d’une déclaration de candidature d’un format modeste,

mais où il assurait que «l’enjeu est de bâtir la France de nos enfants,

pas de ressasser la France de notre enfance ». Une affirmation qui

posait en principe que le monde de demain devrait nécessairement

être meilleur que celui d’hier, conception propre au progressisme,

idéologie qui présupposeun progrès inéluctable, non point

seulement dans le domaine technique ou scientifique, qui relève

de l’évidence, mais dans le domaine politique, social, moral et

culturel, que l’expérience historique ne vérifie pourtant pas. En

quoi, par exemple, le XX e siècle, qui vit deux guerres mondiales, le

goulag, Auschwitz et Hiroshima, aurait-il été plus civilisé que le

siècle de Périclès ou celui de Louis XIV ?

C’est en vue d’explorer ce panorama idéologique que trois universitaires

ont entrepris une œuvre collective d’une dimension

considérable puisqu’elle s’est traduite, in fine, par la parution de

trois dictionnaires de plus de 1 200 pages chacun. En 2017, Christophe

Boutin, professeur à l’université de Caen-Normandie où il

enseigne le droit constitutionnel et l’histoire des idées politiques,

Olivier Dard, professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université,

et Frédéric Rouvillois, professeur de droit public à l’université

Paris-Descartes, codirigeaient un Dictionnaire du conservatisme.

Deux ans plus tard, les mêmes patronnaient un Dictionnaire

des populismes. Cette année, enfin, leur Dictionnaire du progressisme

vient achever le triptyque. Chacun des volumes a fait appel à

une centaine de collaborateurs, dont certains ont participé à deux

Après deux premiers opus consacrés

au conservatisme et aux populismes,

Le Dictionnaire du progressisme

vient clore le monumental triptyque

fruit du travail collectif de plus

d’une centaine de contributeurs.

dictionnaires, voire aux trois, si bien que la liste des contributeurs,

philosophes, juristes, historiens, sociologues ou journalistes, forme

un ensemble éblouissant. Retenons notamment, outre les trois

codirecteurs qui ont signé de nombreuses notices, les noms d’Eric

Anceau,EugénieBastié,PhilippeBénéton,GuillaumeBernard,Jean-

Paul Bled, Mathieu Bock-Côté, Rémi Brague, Stéphane Courtois,

Chantal Delsol, Alexandre Devecchio, Patrice Gueniffey, Jean-Louis

Harouel, Alain Lanavère, Gérard Leclerc, Anne-Marie Le Pourhiet,

Pierre Manent, Philippe Pichot-Bravard, Olivier Rey, Ingrid Riocreux,

Catherine Rouvier, Jacques de Saint Victor, Pierre-André

Taguieff ou Arnaud Teyssier. Une équipe rédactionnelle orientée

dans un sens conservateur que les maîtres d’œuvre ne cherchent

pas à dissimuler, mais qui n’est pas non plus un parti pris systématique,

car ce sont les compétences qui ont été recherchées.

Premier paru, Le Dictionnaire du conservatisme visait à explorer

la pensée conservatrice sous toutes ses formes, et pas seulement

en France, à travers ses permanences, depuis Burke et les penseurs

contre-révolutionnaires du XIX e siècle, mais aussi son renouveau

actuel. Un renouveau tangible, à partir des années 2000-2010, à

travers le virage idéologique opéré par des intellectuels qui avaient

commencé leur carrière à gauche mais que leur désaccord avec le

credo multiculturaliste devenu la norme chez les ex- ou postmarxistesatransforméspeuàpeuenadversairesdeleursamisd’hier

(un personnage comme Alain Finkielkraut est très représentatif de

cette tendance), ou par l’émergence d’une jeune génération de journalistes,

d’essayistes ou d’universitaires décidés à rompre des lances

avec le politiquement correct et aidés en cela, outre leur talent, par

la diversification des moyens audiovisuels, notamment la multiplication

des débats sur les chaînes d’information en continu, et par la

caisse de résonance créée par les réseaux sociaux.

En France, le mot «conservateur », apparu en 1818 à l’occasion

de la fondation du journal de Chateaubriand, Le Conservateur,

n’a jamais acquis une légitimité indiscutée.Defait, il a été peu utilisé,

au rebours de l’Angleterre ou des pays germaniques, sauf à la

fin du XIX e siècle pour désigner des monarchistes privés de roi.

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