01.04.2022 Views

Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

PUTSCH D’ALGER Page de gauche, de gauche

à droite : les généraux Edmond Jouhaud, Raoul Salan,

Maurice Challe et André Zeller, le 24 avril 1961,

après leur prise de contrôle d’Alger. Ci-contre : la foule

en liesse, place du Gouvernement à Alger, deux jours

après le putsch des généraux réalisé dans la nuit

du 21 au 22 avril 1961.

PHOTOS : © DALMAS/SIPA. EN BAS : © KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO.

reporters etdesphotographesde lapresseinternationale. Suffisamment

pour perdre une autre guerre : celle de l’image.

A Alger, le terrorisme OAS mobilise des civils pieds-noirs, en

général issus des quartiers populaires comme Bab el-Oued ou

Belcourt, ainsi que des paras ou des légionnaires en cavale

depuis l’échec du putsch. Bien structurés, ces commandos

Delta comptent quelque 120 membres, mais il faut également

compter avec d’autres groupes armés, issus par exemple de

l’extrême droite étudiante. A Oran, les commandos Collines

alignent des effectifs comparables aux leurs. Tous s’emploient

à passer « du pain de plastic à la balle dans la nuque », selon la

formule du chef des Deltas, le lieutenant Roger Degueldre.

Dans les grandes villes d’Algérie, les « opérations ponctuelles »

de l’OAS coûtent la vie à des militants communistes ou socialistes,

à des syndicalistes, des fonctionnaires, des policiers, des

officiers de tout grade, du sous-lieutenant Moutardier au généralquatreétoilesGinestet,mortellementblesséàOranlorsd’un

traquenard visant son supérieur hiérarchique, le général Katz.

En métropole, l’opinion ne veut plus entendre parler de cette

guerrequiadéjàtropduré.Lesattentatsfontémergerlafigurerepoussoirdes«assassinsdel’OAS».Quandunedesdeuxtendances

de l’OAS métropolitaine, la Mission III d’André Canal,

se lance à Paris dans des plastiquages en série appelés les

« nuits bleues », l’impact est encore plus fort. Et pour cause :

c’est en métropole que ça se passe.

Le 7 février 1962, une fillette de 4 ans, Delphine Renard,

perd un œil parce que des membres de la Mission III, voulant

plastiquer André Malraux, se sont trompés d’étage. L’efficacité

du terrorisme se mesure aussi à l’impression qu’il crée. A

la longue, on avait fini par « s’habituer » aux crimes du FLN.

Mais avec son parfum de guerre civile, le martyre de la gamine

provoque, lui, un rejet instinctif, dont l’OAS ne parvient pas à

comprendre l’ampleur. Elle a beau arguer que de nombreux

enfants victimes du FLN sont morts en Algérie dans des conditions

aussi atroces, les métropolitains refusent de l’écouter.

Le lendemain soir, les partis de gauche et les syndicats

convoquent une manifestation place de la Bastille. Comme

toujours, Papon applique les consignes. Puisque le chef de

l’Etat déteste que l’opposition interfère dans sa politique algérienne,

on frappe. On tue même. Au métro Charonne, 3 manifestantes

et 5 manifestants meurent sous les coups de la

police. Tous sont membres de la CGT, 7 du PCF. Le 13 février,

jour de grève générale, la gauche manifeste de nouveau en

masse. La virulence de ses propos contre le « pouvoir personnel

» de De Gaulle cache pourtant mal son embarras. Elle

scande « Le fascisme ne passera pas ! », tout en préférant laisser

lesgaullistessesalirlesmains.Silesmoyensemployésdépassent

le cadre légal, on pourra toujours s’en servir pour discréditer

De Gaulle. Mais une fois l’OAS vaincue, pas avant.

Pour contrer l’organisation secrète, le pouvoir mobilise les

éléments loyalistes de l’armée, de la police et de la gendarmerie.

La Sécurité militaire surtout. Son chef, le général Feuvrier,

ira jusqu’à commanditer des contre-plasticages visant les

ultras d’Algérie avec la bénédiction du ministre des Armées,

Pierre Messmer, ancien Français libre comme lui. Entrent aussi

en lice ceux que De Gaulle appellera plus tard « des éléments

irréguliers du service d’ordre ». A Paris, quatre hommes actionnent

ces « barbouzes » : le ministre de l’Intérieur, Roger Frey ;

son conseiller Alexandre Sanguinetti ;DominiquePonchardier,

qui a gardé de la Résistance le goût des solutions expéditives ;

l’avocat gaulliste Pierre Lemarchand. Sur le terrain, à Alger, ils

sont deux : André Goulay et Lucien Bitterlin.

Recrutés pour des motifs parfois politiques, mais le plus souvent

par appât du gain, les « policiers parallèles » débarquent de

métropole. Les barbouzes pratiquent des échanges de renseignementsavecleFLN.Ilsenlèvent,torturentetassassinentdes

responsables OAS comme Camille Petitjean. Ses ravisseurs

feront couler de l’acide goutte à goutte sur le front de cet ingénieur

des usines Berliet et on retrouvera son cadavre découpé

en morceaux dans un terrain vague.

Degueldre fait de l’éradication des barbouzes une affaire

personnelle. Il lance ses Deltas à l’assaut. Une cinquantaine de

barbouzes trouvent la mort, dont 19 dans l’explosion d’un colis

piégé ou 4 brûlés vifs dans leur voiture. Peu efficaces sur le terrain,

ces hommes auront surtout détourné l’OAS du travail,

très professionnel, lui, des 200 policiers de la « Mission C » aux

ordres du directeur de la PJ, Michel Hacq, ou des 30 gendarmes

d’élite du capitaine Lacoste. Deux formations qui s’interdisent

la torture, à l’inverse des gendarmes mobiles du colonel

Debrosse, mais pas le traditionnel passage à tabac.

A partir du 19 mars 1962, jour de l’entrée en vigueur des

accords d’Evian, tout change. L’autorité française continue en

47

h

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!