Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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© PINATEL, PHOTO CHRISTOPHE PARRY.
JOUER AVEC LE FEU
En 1968, le caricaturiste Pierre Pinatel
fut traîné devant les tribunaux pour avoir
commercialisé trois modèles de cendriers
sur lesquels se trouvaient des dessins
moqueurs représentant un De Gaulle
aux traits exagérés. Les deux premiers
montraient – chacun avec de légères
variantes – le président de la République
engoncé dans son costume de général
deux étoiles, le nez proéminent
et la bouche pincée, dans cette attitude
hautaine et froide que ses proches
lui connaissaient bien. Ces cendriers
portaient respectivement les légendes
suivantes : «Un général qui n’est
décidément à l’aise que dans les cendres » ;
«Devenu cendrier, le général connaît
enfin le feu » (ci-contre). Le dessin
du troisième modèle se montrait encore
plus vindicatif : représenté avec un nez
immense en forme de scie, De Gaulle
y avait les jambes dénudées, tandis
qu’un pied de couleur noire lui portait
un coup bien placé. Le texte, quant
à lui, était sans ambages : «Ayant,
notre Grand Tamanoir, coupé l’Algérie
de la France, la France a repris son pied
noir mais pour le lui mettre où je pense. »
Pinatel et son «complice » céramiste
furent condamnés à des amendes
de 2 000 et de 1 500 francs (leurs
montants furent finalement diminués
de 1 000 francs en appel) pour outrage
au chef de l’Etat. Ce procès provoqua
une vive émotion dans le cercle restreint
des dessinateurs humoristiques,
à l’instar de Roland Moisan du Canard
enchaîné, qui n’eut pas peur d’écrire :
«Les poursuites dans ce cas sont des
réflexes de crainte, des aveux de faiblesse. »
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