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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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est penché sur un coffre de

chêne carré, trapu, dont il badigeonne

L’homme

soigneusement les barreaux formant

plancher, à mi-hauteur, d’une couche de

colle, mélange de poudre d’os et de nerfs,

maintenue au chaud en permanence.

«L’os adhère très bien, le nerf, lui, permet

d’assouplir, précise-t-il. Ensuite, je vais fixer

la peau de mouton dessus avec une colle

de lapin, enrichie de pigments d’os ! Pour les

orgues historiques, on utilise toujours

ces colles naturelles réversibles. »

Nous sommes à Lodève, dans l’Hérault.

Olivier Henry fait partie de l’équipe de la

Manufacture languedocienne de grandes

orgues, établie dans une ancienne

foulonnerie au bord de la Lergue, une rivière

qui prend sa source un peu plus haut sur le

causse du Larzac, et ce coffre de chêne est

l’un des dix-neuf sommiers du grand orgue

de Notre-Dame en cours de restauration.

«Le sommier est une pièce maîtresse,

explique Charles Sarelot, le facteur d’orgues

et harmoniste qui gère la manufacture

depuis 1998, c’est un peu le cœur de l’orgue.

Lorsque l’organiste enfonce une touche, une

soupape s’ouvre, l’air accumulé dans la partie

MIRACULEUSEMENT RESCAPÉ Recouverts d’une poussière chargée de monoxyde

de plomb après l’incendie du 15 avril 2019 (page de gauche en bas), les tuyaux du grand

orgue de Notre-Dame ont été démontés par les facteurs d’orgues entre août et

décembre 2020 (page de gauche en haut). Ci-dessus : à la Manufacture languedocienne

de grandes orgues de Lodève, dans l’Hérault, sont restaurés les sommiers. Mathilde

Sarelot change les joints pour assurer leur étanchéité. Les traits de gouge dans le bois

permettent au vent de s’échapper.

basse du sommier pénètre dans les gravures,

ces interstices entre les barreaux, et il est

ensuite distribué dans les tuyaux fichés dans

la chape, qui ferme le sommier. »

«Regardez ces tirettes de bois qui

coulissent entre la chape et la gravure,

montre-t-il en actionnant des planches

percées de trous. Ce sont les registres,

que l’organiste active en tirant les boutons

de la console et qui donnent la couleur,

le timbre de l’orgue : bourdon, trompette,

hautbois… les sommiers du grand orgue

de Notre-Dame sont exceptionnels !

s’émerveille-t-il. Seize d’entre eux datent

encore de la création de l’instrument par

Aristide Cavaillé-Coll en 1868. Ici, à Lodève,

nous avons effectué des restaurations

complètes des grandes orgues des

cathédrales d’Aix-en-Provence, d’Agen,

de Carcassonne, de Lodève… Jamais

© PATRICK ZACHMANN/MAGNUM PHOTOS. © AFP. © SOPHIE HUMANN.

je n’avais vu de sommier aussi grand que les

deux sommiers de pédale de Notre-Dame :

chacun d’entre eux mesure 2 m sur 2 ! »

Pour que l’orgue sonne juste, le sommier

doit être parfaitement hermétique, d’où

l’importance des opérations d’encollage,

et Mathilde Sarelot, novice dans le métier,

colle, cette fois avec une poudre de poisson

diluée, de nouveaux joints de feutre blanc

sur les trous qui accueilleront les tuyaux du

grand orgue de Notre-Dame. Par la fenêtre,

un carré de soleil vient dorer la blondeur

du chêne, soulignant des stries obliques

plus sombres gravées dans le bois.

Des tuyaux, il y en a partout dans

l’atelier, certains en bois, la plupart en alliage

d’étain et de plomb, à bouche ou à anche,

de toutes les tailles. Ils n’appartiennent pas

à l’instrument parisien mais à celui de la

collégiale Saint-Vincent de Montréal, dans 1

127

h

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