Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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EN COUVERTURE
LAISSÉS-POUR-COMPTE
Ci-contre : quelques membres
de la section des 48 harkis du poste
de M’Zaourat, dans le secteur
de Mascara, à une centaine
de kilomètres au sud-est d’Oran,
en 1961. Après l’indépendance
de l’Algérie, le 5 juillet 1962,
les recrues musulmanes de l’armée
française seront considérées
comme des traîtres par le FLN.
Ni les autorités algériennes
ni les autorités militaires françaises
n’interviendront pour empêcher
la chasse aux «collabos » et
les massacres de milliers de harkis
durant le reste de l’année 1962.
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h
et 8 500 hommes des groupes mobiles de sécurité. Ces effectifs
étaient trois fois supérieurs à ceux de l’ALN, les maquisards
du FLN. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que les
« Français de souche nord-africaine » (FSNA) – expression
administrative désignant, à partir de 1958, les musulmans
d’Algérie – étaient appelés, étant citoyens français, à effectuer
leur service militaire. En moyenne, ce sont 45 000 jeunes
hommes qui se trouvaient sous les drapeaux, soit un total de
120 000 appelés pour la période 1954-1962. A cet effectif
s’ajoutaient15000à20000musulmansengagésdanslesunités
régulières, essentiellement dans les régiments de tirailleurs
algériens. En 1960, le nombre de Français de souche nordafricaine
servant soit comme engagés dans l’armée, soit
comme appelés, soit comme supplétifs, tournait par conséquent
autour de 220 000 hommes, environ 10 % de la population
masculine adulte musulmane d’Algérie.
En 1959-1960, à partir du moment où le général De Gaulle
lance le processus d’autodétermination de l’Algérie, les autorités
militaires observent une crise du moral chez les supplétifs
musulmans, une baisse du recrutement et même des défections
au profit des maquis de l’ALN, à un rythme accru au
cours des premiers mois de 1962, quand les négociations
avec le FLN sont rendues publiques. Les accords d’Evian sont
signés le 18 mars 1962. Aucun de leurs textes ne mentionne
explicitement la catégorie des Français musulmans. En théorie,
ces derniers sont protégés par la déclaration des garanties
(chapitre II, partie A, article 2) qui promet une absence de
représaillespourtouteslesopinionsexpriméesetpourtousles
actes commis pendant la guerre. Les négociateurs français
avaient abordé le sujet, à l’automne 1961, exigeant l’assurance
de non-représailles à l’égard des musulmans engagés
avec la France, exigence à laquelle les émissaires algériens
avaient souscrit. Lespréfets d’Algérie,toutefois, avaient averti
que la seule protection réaliste des musulmans loyalistes
serait leur transfert de l’autre côté de la Méditerranée.
Fin février 1962, le ministre des Armées, Pierre Messmer,
informe les « Français musulmans en service » des options qui
leur sont offertes. Les militaires engagés pourront continuer à
servir ou demander leur libération en bénéficiant d’avantages
matériels. Les appelés seront maintenus dans leurs unités ou
versés dans la future Force locale qui relèvera de l’Exécutif
provisoire, organisme franco-algérien devant assurer la transition
avant la mise en place de l’Etat algérien. Les supplétifs,
dont les harkis, se voient proposer trois solutions : le retour à la
vie civile avec une prime de démobilisation, l’engagement
dans l’armée française ou la Force locale, ou un poste dans les
centres d’aide administrative appelés à remplacer les SAS.
Tous les personnels libérés, enfin, pourront demander un
reclassement en métropole, les instructions officielles insistant
cependant sur les difficultés d’une installation en France.
Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, si quelques enlèvementsoumeurtresdesupplétifssontsignalés,cesontdesfaits
isolés. En réalité, le FLN se donne le temps de procéder à un
recensement de ceux qu’il regarde comme des traîtres et dont
il compte s’occuper après l’indépendance. Le 15 avril, trois
semaines après qu’un décret eut fixé les trois options proposées
aux supplétifs, le ministère des Armées ordonne le désarmement
de tous les harkis, en précisant qu’il appartient au
© JEAN-PIERRE LAFFONT/ROGER-VIOLLET. © JEAN-LOUIS SWINERS/GAMMA RAPHO. © BRIDGEMAN IMAGES.