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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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EN COUVERTURE

BELKACEM KRIM (AÏT YAHIA MOUSSA, 1922-FRANCFORT, 1970)

Sur les photos prises lors des accords d’Evian, Belkacem Krim, qui dirige la délégation

du FLN, est un homme d’apparence anodine. De petite taille, rond, le crâne dégarni : rien

ne laisse déceler le combattant irréductible qu’il est depuis des années, ce qui lui a valu

le surnom de «lion du djebel ». Titulaire d’un certificat d’études obtenu à l’école d’Alger,

il effectue un court passage par les chantiers de jeunesse durant la Seconde Guerre

mondiale puis rejoint le 1 er régiment de tirailleurs algériens où il sert comme caporal-chef

jusqu’à la démobilisation. En 1947, il milite au PPA-MTLD avant de prendre le maquis

kabyle. A deux reprises, il est condamné à mort par contumace pour les actions violentes

qu’il conduit à l’époque. Juste avant l’insurrection de novembre 1954, il rompt avec

Messali Hadj et intègre la direction du FLN intérieur. Chef de la wilaya III (Kabylie),

il entreprend de réduire les oppositions internes – sans hésiter à ordonner d’impitoyables

massacres – avant d’intensifier l’action armée contre les forces françaises dont il devient

l’un des plus redoutables adversaires. En août 1956, il accueille le congrès de la Soummam

qui débouche sur la création du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA),

une étape majeure dans la structuration de la rébellion. Belkacem Krim participe ensuite

à l’organisation de la Zone autonome d’Alger (ZAA) en vue de la grande vague terroriste

de 1957. Appelé à des fonctions plus politiques, il devient en 1958 vice-président du GPRA

et, avec Lakhdar Bentobbal et Abdelhafid Boussouf, il forme le triumvirat, les «trois B »,

qui dirige de fait la révolution. Après la signature des accords d’Evian et l’indépendance,

il doit céder face au binôme Boumediene-Ben Bella. Il entre dans l’opposition et finit

par partir en exil. Condamné à mort par contumace par la cour révolutionnaire d’Oran

en 1969, il est retrouvé étranglé avec sa cravate dans une chambre d’un hôtel de Francfort,

probablement liquidé par les services secrets de Boumediene.

92

h

HOUARI BOUMEDIENE (AÏN HASSAINIA, 1932-ALGER, 1978)

«Un loup maigre au regard fuyant, sanglé dans un trench-coat d’agent secret, mi-traqué, mi-chasseur,

verrouillé dans un mutisme agressif coupé d’explosions. Un personnage marginal et corrosif, tout en mèches,

en angles, en méplats, un archétype de la révolte et du refus. » Le portrait que dressait Jean Lacouture

de Houari Boumediene dans Le Monde, en 1978, laisse percevoir la complexité et la dimension presque

inquiétante du personnage, de son vrai nom Mohammed Boukharouba. A l’âge de 13 ans, il est marqué par

la répression conduite par les forces françaises dans le Constantinois. «Ce jour-là, j’ai vieilli prématurément.

L’adolescent que j’étais est devenu un homme », dira-t-il. Formé à l’école primaire et à l’école coranique,

il se destine à l’enseignement et part étudier à Tunis puis au Caire. La guerre d’Algérie éclate. Après une

phase d’entraînement militaire en Egypte, il rejoint l’Oranie et la wilaya V, dirigée par Abdelhafid Boussouf

à qui il succède en 1957. C’est à cette époque qu’il s’emploie à organiser le «clan d’Oujda », base arrière

majeure de l’ALN située au Maroc, à proximité immédiate de la frontière avec l’Algérie. Il en fera le tremplin

de son ascension politique dans la rivalité qui va rapidement l’opposer au GPRA «de l’intérieur ». Dès

l’indépendance acquise, il n’a plus qu’un objectif : prendre le pouvoir à Alger. Et l’on dit parfois qu’il ne serait

pas étranger au massacre d’Oran du 5 juillet 1962, secrètement fomenté pour démontrer l’incapacité

du GPRA à assurer le maintien de l’ordre. Le 9 septembre 1962, à la tête de l’armée des frontières, il entre

dans Alger. Trois ans plus tard, il renverse Ben Bella et s’empare du pouvoir à la tête duquel il restera jusqu’à

sa mort. Dirigeant l’Algérie d’une main de fer – il semble sincèrement hermétique à la quête de popularité

ou d’admiration –, il parachève l’éradication des derniers signes de la présence française (évacuation

de la base de Mers el-Kébir en 1968, nationalisation des hydrocarbures de Hassi Messaoud en 1971), impose

une approche socialiste de l’économie et s’impose dans le concert des leaders influents du tiers-monde.

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