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Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot

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concrète. Le livre de 1994 approfondit une argumentation déjà présente dans son livre<br />

antérieur (1993) avec Alison Assiter, Bad Girls and Dirty Pictures. Toute cette argumentation<br />

me paraît illustrer fort clairement le backlash immanent, les effets pervers pour la cause<br />

défendue des militantismes de censure.<br />

Ces deux livres qui critiquent avec force – et ironie – l’argumentation anti-porn des<br />

féminismes américain et anglais, montrent que leur argumentation repose sur une image<br />

lamentable de la femme comme victime asexuée, angoissée, passive et impuissante, – image<br />

qui reflète au fond ou transpose un antique sexisme victorien. Loin de favoriser<br />

l’empowerment du sexe dominé, une telle image ne peut que plonger celles qui se laissent<br />

convertir par cette sorte d’argumentation dans une morne dénégation de soi, une angoisse<br />

pathologique du monde et des hommes. Je ne crois pas extrapoler en disant qu’Avedon Carol<br />

juge les doctrinaires du féminisme anglophone non comme simplement tombées dans une<br />

erreur tactique ou stratégique, mais arrivées à ce point où la névrose collective devient le<br />

stade suprême de l’idéologie, – point où cesse en effet le débat.<br />

À la même époque est paru, aux États-Unis cette fois, le livre de Katie Roiphe, The<br />

Morning After: Sex, Fear, and Feminism, livre que les féministes pro-censure ont accueilli aussi<br />

comme faisant aussi partie de cette campagne de renégates qui, pourtant nées dans le bon<br />

gender, se déchaînent inexplicablement contre elles. K. Roiphe qui termine un doctorat à<br />

Princeton et est diplômée de Harvard, analyse non seulement les campagnes de censure antiporn<br />

et pro-Speech Codes (codes que les tribunaux américains ont d’ailleurs commencé par<br />

déclarer inconstitutionnels), les lexiques orwelliens de la political correctness, la rectitude<br />

politique, mais encore tous les rituels obligatoires sur les campus, les séances de confession<br />

publique coercitive, les procédures punitives secrètes contre d’éventuels délinquants et les<br />

exorcismes anti-viol, anti-«date rape» qui ont marqué sa vie d’étudiante sur les campus de la<br />

Ivy League. Elle esquisse, à travers une série de portraits notamment, un tableau des formes<br />

de fausse conscience, de rigidité mentale, de vision hallucinée du monde extérieur et<br />

d’angoisse névrotique que ce dispositif de prophylaxie académique engendre chez les esprits<br />

prédisposés.<br />

Tout récemment enfin (1995), Nadine Strossen, présidente de l’AMERICAN CIVIL<br />

LIBERTIES UNION, a publié un ouvrage qui, plus directement et systématiquement encore, à<br />

la fois d’un point de vue féministe et du point de vue des droits civiques, prend pour cible<br />

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