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Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot

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l’analyste, l’analyse du discours est d’une certaine manière antagoniste de la conception<br />

linguistique de la langue comme d’un système dont les fonctions sociales doivent être<br />

neutralisées et scotomisées. L’analyse du discours travaille directement sur la division du<br />

travail symbolique et, selon sa démarche, il n’y a pas des «sujets parlants» socialement<br />

abstraits qui parleraient «français», par exemple, avec des variations heuristiquement<br />

négligeables. Il y a des gens qui – dans des pragmatiques déterminées – parlent en<br />

mandement épiscopal, en homélie, en fait-divers de journal «tabloïd», en propagande<br />

syndicale, en paroles de chansonnettes, en conseil de médecin etc.<br />

L’analyse du discours s’intègre ici de droit dans l’ordre général des sciences sociales.<br />

Loin du «textocentrisme» qui a été un effet de mode intellectuelle des vingt dernières années<br />

dans les études de lettres et même en philosophie et en historiographie, l’analyse du discours<br />

pose comme principe heuristique la nécessité d’appréhender globalement les formes, les<br />

contenus et les fonctions, ce qui se dit, la manière dont cela se dit, qui peut dire quoi à qui<br />

et selon quelles fonctions apparentes ou occultes, en occupant quelles positions et avec quels<br />

résultats socialement probables. Second axiome donc: ce principe selon lequel les pratiques<br />

de langage forment des totalités fonctionnelles (ce qui revient toujours à dire<br />

sociologiquement: en partie dysfonctionnelles) – qu’on peut analyser sans doute selon des<br />

points de vue divers, mais dont on ne peut dissocier radicalement la globalité même.<br />

L’objet discours ne se confond pourtant ni avec ses conditions de production et ses<br />

déterminations (contextes historiques au sens plus ou moins large; conditions<br />

socio-institutionnelles), ni avec les champs d’idées et de concepts à partir desquels il se<br />

définit (histoire des idées, analyse des idéologies, analyse de contenu), ni même encore avec<br />

l’ensemble des pratiques signifiantes qui structurent le champ social (sémiotique générale,<br />

sémiologies diverses, kinésique, etc.). Les chercheurs en analyse du discours postulent que<br />

l’émergence de notions, de syntagmes, de locutions, d’éléments langagiers composés,<br />

l’évolution de ces éléments, leurs oublis et leurs reprises dans des conjonctures diverses,<br />

leurs transformations sémantiques enfin, obéissent non seulement à des périodicités qui leur<br />

sont propres, mais encore, ne reflètent pas tout de go les déterminations lourdes qui à<br />

certains égards les engendrent, pas plus que les règles de la langue qui à d’autres égards les<br />

contraignent.<br />

À première vue, la vaste rumeur des paroles et des discours qui coexistent et<br />

interfèrent dans une société, donne l’impression à la fois du brouhaha, du tohu-bohu et d’une<br />

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