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Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot

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s’exécute et cite: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de<br />

toute ta force et de tout ton esprit et ton voisin comme toi-même».(27) Jésus renforce son<br />

avantage dans ce jeu, c’est-à-dire gagne le coup, en répliquant par une validation où il se<br />

donne l’autorité que la réponse lui concède: «Tu as répondu juste; fais cela et tu vivras!»(28)<br />

Bien entendu, cette réplique transgresse «naturellement» la donnée, en impliquant<br />

qu’il ne s’agit pas seulement de citer juste mais aussi de «faire cela». Non seulement Jésus<br />

met le docteur sur la défensive, mais, toujours par feinte, il se découvre et permet une<br />

attaque: pour «faire cela», il faut que je puisse donner un sens pratique à cet impératif. Il est<br />

donc encore possible de reprendre la position d’examinateur et de demander à ce Iêsous des<br />

précisions. Le Nomikos ne voit pas que, ce faisant, et en feignant de ne pas savoir qui est son<br />

«voisin», il renforce l’image de lui que Iêsous lui impose: celui qui sait ce qui est écrit<br />

(gégraptaï) mais ne sait pas comment le vivre (touto poïeï kaï zêsé). Nous, lecteurs de Luc, qui<br />

savons que Iêsous est du côté de la parole qui vivifie et qu’il aime à ridiculiser ceux qui<br />

défendent la lettre qui tue, nous percevons à la fois l’habileté apparente de la nouvelle<br />

question du Docteur (il attend de toute évidence une autre «citation») et l’image négative<br />

qu’offre celui qui ne sait où il doit se positionner dans la Loi, où s’inscrire comme sujet pour<br />

revivifier la lettre et l’entendre comme parole. Nous sommes donc invités à ne pas faire ce<br />

qu’il fait c’est-à-dire à deviner où je suis, qui est mon voisin et où je suis par rapport à Dieu.<br />

Car évidemment, le Docteur a cru dans son aveuglement que le seul mot qui faisait<br />

difficulté et dont on pouvait se servir pour éprouver Iêsous dans cette citation du<br />

Deutéronome, c’était le mot «voisin» (plèsiòn). L’autre objet d’amour, c’était Kuriòn tòn Théòn<br />

sou, le-seigneur-ton-Dieu, et il ne pouvait décemment, lui un théologien, demander des<br />

précisions sur Dieu. Il est possible que le lecteur, voyant la confusion mentale du<br />

personnage, soit déjà invité à penser le contraire et à s’interroger sur la nature de cet amour<br />

de Dieu censé connu et sur son rapport inexpliqué (au fond) avec cet amour du «voisin»<br />

censé inconnu.<br />

«Le docteur, cherchant à se justifier, demanda alors à Iêsous: ‘Et qui est mon voisin?’»<br />

(29) «Reprenant la parole, Iêsous lui dit:...» (30)<br />

Son interlocuteur ne répondra pas, toujours pas, par une citation, c’est-à-dire par un<br />

lieu commun tiré de la Loi; il n’offre pas un lieu commun aux entreparleurs d’où on pourrait<br />

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