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Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot

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prendre en considération la totalité des échanges discursifs dans un état de société donné, il<br />

18<br />

nous faut cependant couper court et conclure cette esquisse .<br />

Retour au roman<br />

Ici venus, après avoir indiqué les grandes lignes d’une migration intertextuelle du littéraire<br />

au scientifique, il est bon de chercher à resituer la littérature et à dire ce qu’en dehors de<br />

toute surdétermination esthétique, la narration proprement littéraire opère dans l’intertexte.<br />

La littérature post-romantique est, antérieurement à tout jugement esthétique critique, ce<br />

non-lieu où tout peut se (re)dire parce que rien de spécifique ne doit s’y dire, cet espace<br />

indifférencié, ce lieu du «n’importe quoi», où tous les fragments épars du discours social<br />

peuvent s’agglutiner hors de l’hégémonie d’une finalité déterminée. Ce «n’importe quoi» peut<br />

alors être reconquis dans une esthétique critique comme polyphonie, ouverture, dialogisme,<br />

Vieldeutigkeit. Mais il y a d’abord ce fait élémentaire que la littérature est une activité sans<br />

mandat – qui peut, elle aussi, parler de l’homme préhistorique parce que rien ne l’y<br />

prédétermine et que rien ne le lui interdit. Dès lors, sa polyphonie virtuelle est d’abord un<br />

manque, une négativité, une absence de transitivité, de finalité. Le texte scientifique est au<br />

contraire un collimateur dans lequel l’hétérogène de l’intertexte est rendu isotope, et n’a de<br />

sens qu’en devenant tel. La rhétorique scientifique vise à refuser la dépendance de sa pratique<br />

envers l’économie symbolique globale. En se donnant des contraintes textuelles, la science<br />

croit se donner des objets hors-texte. La littérature est cette pratique diagonale, transverse,<br />

dont l’hétérogénéité n’a pas à être réduite, où l’intertexte peut s’insinuer de façon erratique.<br />

Une certaine pratique critique peut découler de la réarticulation de monades discursives<br />

qu’opère la littérature. C’et ce que l’examen du roman préhistorique et de la fiction<br />

darwinienne en général permettrait de montrer. Nous ne pourrons que laisser entrevoir le<br />

retour de la narration préhistorique à la fiction littéraire.<br />

18 Références bibliographiques aux ouvrages évoqués dans ce paragraphe: Yvette Conry, L’Introduction du<br />

e<br />

darwinisme en France au XIX siècle, Paris, Vrin, 1974; Herbert Spencer, Principes de biologie, Paris, Baillière,<br />

1877-1878 (trad. de l’original, 1864). – Félix Le Dantec, Les Influences ancestrales, Paris, Flammarion, 1905.<br />

Cesare Lombroso, L’Uomo delinquente, Milan, Hoepli, 1876 (trad. fr. 1887). – Max Nordau, Entartung,<br />

Berlin, Duncker, 1892-1893 (tr. fr.: Dégénérescence, 1894). – Victor Courtet de l’Isle, La Science politique<br />

fondée sur la science de l’homme..., Paris, Bertrand, 1838. – Ludwig Gumplowicz, Der Rassenkampf, Innsbrück,<br />

Wagner, 1883. – Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire, 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris,<br />

Seuil, 1978. – Jean Borie, Zola et les mythes, Paris, Seuil, 1971.<br />

77

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