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Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot

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la volonté éclairée de chacun de ses membres. L’individu conscient doit coïncider avec son<br />

être social, avec son rôle social. Émancipation individuelle et discipline collective peuvent<br />

alors être postulées comme non-contradictoires.<br />

L’antinomie de la liberté et de l’égalité n’est pas, encore un coup, propre au système<br />

collectiviste: elle apparaît dans tout système social qui prétend rechercher le droit et la<br />

justice et tout particulièrement dans les idées démocratiques «bourgeoises». Mais l’idéologie<br />

de la Deuxième Internationale, en prétendant concevoir une organisation sociale qui soit la<br />

plus juste et égalitaire possible, en garantissant aussi le maximum de liberté possible<br />

s’épuise à rechercher la quadrature du cercle et, concrètement, n’aboutit qu’à des formules<br />

bancales, impliquant toujours un citoyen libre qui aurait totalement intériorisé et faits siens<br />

les besoins de l’organisation collective. L’émancipation des hommes est le but final dont les<br />

moyens sont la centralisation, la discipline, l’abnégation et le terme intermédiaire une<br />

économie en plein rendement et la satisfaction optimale des besoins. Entre ce qui profite à<br />

la communauté et la liberté individuelle de diverger d’avis ou de contrecarrer les intérêts<br />

collectifs, le choix est fait d’emblée, mais la doctrine se doit d’affirmer qu’une fois la<br />

«socialisation des moyens de production» décrétée, rien ne s’accomplira par la contrainte. Le<br />

collectivisme ne brime pas la liberté (sauf celle qu’exigent les anarchistes individualistes)<br />

en ce qu’il fixe des règles sociales impersonnelles où chacun a des devoirs et trouve des<br />

limites à ses droits, mais il ne conçoit bien la liberté que comme sécurité (du travail, de<br />

satisfaction des besoins, d’assurance contre les aléas de la vie) et éprouve beaucoup de<br />

difficulté à la définir positivement comme «la possibilité d’agir, sans faire intervenir dans<br />

les décisions à prendre la crainte d’un châtiment sociétaire». 16<br />

Une fois encore, il ne fait que mettre en lumière, de façon parfois caricaturale,<br />

l’antinomie universelle établie entre liberté et égalité et aussi bien entre liberté et rationalité<br />

(d’où le conflit parmi d’autres entre libre choix du travail, planification et statistiques<br />

d’État). Tant que l’homme vit sous le règne de la nécessité, autant vaut que celle-ci soit<br />

régulée par un principe de justice et le calcul de la meilleure rentabilité des efforts associés<br />

des humains: la précellence de la justice égalitaire sur la liberté est donc fondée en<br />

vraisemblance pratique, mais rien ne permet de fixer alors quelle quantité de liberté<br />

incompressible doit subsister, fût-ce au détriment de la justice.<br />

16. P. Kropotkine, Communisme et anarchie (Paris, 1903), 15<br />

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