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Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot

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Si je suis assez humble pour me mettre là, cette position me révèle tout ce qui est<br />

nécessaire à mon salut: la nature de Dieu, l’effet et la nature de la grâce et de la rédemption,<br />

la relation (laissée dans l’obscurité) entre l’amour de Dieu et l’amour des hommes, – relation<br />

qui apparaîtra du seul fait qu’il était nécessaire de lire le récit deux fois.<br />

C’est parce que l’évêque d’Hippone, Augustin, a lu «complètement» ce passage, et<br />

d’autres analogues de l’Évangile, et c’est parce qu’il a choisi dans le récit la position la plus<br />

«humble» que lui a été révélée avec certitude la doctrine de la grâce.<br />

Si donc nous lisons ce texte jusqu’au bout nous comprenons quelle grâce nous est faite<br />

et que rien n’était caché: l’âme chrétienne descend insouciamment la route de la vie, mais<br />

bientôt elle succombe au milieu des tribulations du péché et, à demi-morte, ne peut plus rien<br />

pour son salut. Les puissances connues de ce monde ne peuvent ni ne veulent la sauver. Et<br />

dans la nuit du péché, réduite à l’impuissance, l’âme ne peut qu’attendre un hasard: que<br />

passe sur son chemin, le médiateur de la grâce (et nous savons alors qui est Jésus, posé dans<br />

le second récit comme l’Étranger dont le cœur s’émeut).<br />

Le médiateur de la Grâce conduit l’âme quasi-anéantie par le péché au Père (XI, 2:<br />

Patêr émôn ò ‘en toïs ouranoïs), et la rachète (ekbalôn duo denaria) par un don absolument<br />

gratuit, indépendant des mérites et des œuvres, d’autant plus «généreux» qu’il ne sera pas<br />

remboursé et qu’il n’est pas mérité. C’est ici que la vraisemblance agit sur le récit: la victime<br />

des brigands, une fois remise sur pieds ne remboursera pas son bienfaiteur. La grâce, si elle<br />

m’est donnée, n’est pas ménagée: deux deniers d’abord, mais la garantie donnée au Père<br />

aubergiste que toutes les «dépenses» seront couvertes. Ma volonté n’y est pour rien (je suis<br />

dans le coma), mon espérance et mon amour de Dieu c’est justement connaître cela.<br />

Pas plus que la victime, assommée, ne connaît celui qui l’a pris sur son âne et conduit<br />

à l’auberge, l’âme chrétienne ne connaît pas Dieu: elle ne peut que connaître par l’amour son<br />

voisin (retour au premier récit herméneutique). Aimer Dieu c’est donc escompter sur<br />

l’inconnaissable; croire connaître Dieu, c’est la présomption du Nomikos. Croire en Dieu,<br />

c’est espérer, c’est-à-dire le connaître dans le manque (qui ne sait pas de quoi il manque) et<br />

la souffrance, et me remettre à une grâce que je ne puis acquérir et qui ne m’est pas garantie.<br />

C’est pourquoi il n’y a pas de paradoxe à aimer Dieu sans avoir la certitude d’en recevoir<br />

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