Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot
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de créer un «malaise» chez des usagers féminins à l’esprit obsédé, disparaissent des espaces<br />
de travail.<br />
Ainsi que le note Nadine Strossen, il y a un axiome implicite absurde à la base de ce<br />
mouvement: «What is troubling though, remarque-t-elle, is the spreading sense – perpetuated<br />
by the feminist anti-pornography movement – that any sexual expression about a women, or<br />
in her presence, necessarily constitutes [sexual] harassment ... This dangerous equation of<br />
sexual expression with gender discrimination, which is at the heart of the feminist antipornography<br />
movement, is a central reason that movement is so threatening to the women’s<br />
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right cause. » Il faut désormais aux défenseurs des libertés civiques des centaines de pages<br />
pour développer les thèses suivantes: que la notion «panique» de harcèlement sexuel repose<br />
sur deux sophismes, « – that all sexually oriented expression is gender-discriminatory – and<br />
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second, that all such expression is harassing ». J’ajouterais que, dans son obsession du sexe,<br />
ces définitions monomanes du «harcèlement» des femmes sur le lieu de travail sont à la fois<br />
trop étendues et trop étroites: il est évidemment d’autres façons sournoises de rendre la vie<br />
sur un lieu de travail irrespirable à des femmes (ou à d’autres individus) que l’intérêt sexuel!<br />
L’activisme anti-porn canadien est aussi contigu du – ou complété par le – militantisme<br />
de la «cultural appropriation» qu’analyse Walter Moser ailleurs dans ce numéro, et qui a sa<br />
variante féministe – visant à interdire aux hommes de représenter par le texte ou l’image,<br />
c’est à dire de s’«approprier» symboliquement ce corps qui n’est pas le leur, le corps féminin.<br />
La question juridique nouvelle est de savoir si l’existence de la pornographie est<br />
dommageable, non pas – comme dans les anciennes lois sur «les bonnes mœurs» et sur<br />
l’«obscenity» – aux personnes qui en font usage, mais si elle est directement dangereuse pour<br />
celles qui n’en font pas usage et pour la société tout entière. Cela serait si l’on pouvait<br />
démontrer, en des termes analogues à ceux mis de l’avant dans le débat états-unien, que la<br />
production de sexualité «explicite» serait produite et consommée par et pour les seuls<br />
hommes (ce qui évidemment n’est pas) et serait la cause directe de certaines conduites<br />
criminelles à l’égard des femmes et des enfants (démonstration qui jusqu’ici n’a pu être faite).<br />
On rencontre cependant une argumentation d’une autre nature (quoique complémentaire)<br />
79 Strossen, 1995, 24.<br />
80 Strossen, 1995, 119.<br />
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