Interventions critiques (Volume I) : Questions d ... - Marc Angenot
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le féminisme pro-censure de son pays, en réfute les arguments et le fait apparaître pour ce<br />
qu’il est, une entreprise ultra-réactionnaire jugée menaçante pour le mouvement des femmes,<br />
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«...threatening for the women’s right cause »: Defending Pornography: Free Speech, Sex, and the<br />
Fight for Women’s Right. Menaçante aussi pour les droits et les libertés dans une portée très<br />
large, dans la mesure où l’argumentation pro-censure, dans son intransigeance et son mépris<br />
de la tradition civique, ne s’arrêtera pas à la suppression de quelques revues libertines, elle<br />
semble devoir avancer comme un Char de Jaggernaut écrasant toute expression libre: «if<br />
accepted, the feminist pro-censorship analysis would lead inevitably to the suppression of far<br />
27<br />
more than pornography... »<br />
Le droit américain, à travers le fameux Premier Amendement de la Constitution et sa<br />
longue quoique contradictoire jurisprudence, semblait offrir une protection presque sans<br />
faille à la liberté d’expression, y compris, comme il va de soi, à des expressions jugées<br />
odieuses par la majorité ou par les «sages». Il offre en effet deux tests: l’un qui est dénommé<br />
«viewpoint neutrality» et/ou «content neutrality»: on déduit du premier Amendement qu’on<br />
ne peut faire de loi aux États-Unis règlementant une forme de communication qui serait<br />
motivée en désignant et réprimant un contenu déterminé ou un point de vue quel qu’il soit.<br />
Le deuxième test est celui qui limite l’abus de la liberté d’expression à ces énoncés seulement<br />
qui causeraient un «clear and present danger»: d’où le cas classique, non protégé par le<br />
Premier Amendement, de la personne qui, sans motif, crierait «Au feu!» dans une salle<br />
bondée. (Il faut reconnaître ici qu’historiquement, en dépit de ces axiomes jurisprudentiels,<br />
l’expression de nature sexuelle, qu’elle fût littéraire et artistique – voir Henry Miller – ou<br />
commerciale et dépourvue de «redeeming interest», a toujours été traitée, dans un pays à<br />
persistante tradition puritaine, comme une forme d’expression de seconde zone en ce qui<br />
touchait à la protection dont elle pouvait ou devait bénéficier).<br />
L’argumentation pro-censure des bio-féministes veut non pas nuancer, mais éliminer<br />
ces deux tests jurisprudentiels: 1) c’est le contenu des écrits et des «simulacres» visuels de<br />
sexualité explicite qui est censé en faire, à tout coup, un instrument de rabaissement et de<br />
victimisation des femmes, ou à tout le moins d’affaiblissement de leur «self-esteem» et 2) la<br />
formule, claire en soi au départ, de «danger clair et immédiat» est sollicitée pour désigner ce<br />
26 p. 25.<br />
27 p. 40.<br />
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