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d’un bond. Les spectateurs hoquetèrent d’étonnement. Il resta<br />
un instant immobile, la cible des regards de tous les gens réunis<br />
sur la plateia. Puis il se mit à danser.<br />
Pendant près d’une minute je n’entendis pas un son.<br />
Redfield virevoltait lentement, sur un rythme intérieur. Il<br />
reproduisait des pas qu’il avait vu exécuter devant nous, mais il<br />
en résultait une sorte de danse grecque moderne éclectique –<br />
quelques pas d’un côté, un petit coup de pied et un pas en<br />
arrière, avant de repartir sur le pourtour du cercle – qu’il<br />
effectua en tournant autour de Diktynna et de son groupe. Il<br />
gardait les bras levés et, au lieu de tenir la main d’un danseur ou<br />
un mouchoir, il serrait dans son poing le filet aux mailles<br />
brillantes dont il drapait ses épaules avant de le faire glisser sur<br />
la longueur de ses bras.<br />
Les joueurs de tambour, puis les autres musiciens – le<br />
flûtiste excepté – se mirent à l’accompagner.<br />
Ils débutèrent timidement mais furent rapidement<br />
encouragés par son ardeur qu’alimentait leur musique. Il faisait<br />
à présent des bonds et des pirouettes sous la clarté papillotante<br />
des lampes, et j’étais fasciné par ce spectacle au même titre que<br />
tous les autres membres de l’assistance. La mélodie l’emporta<br />
bien vite au sommet de la frénésie. Je vis le jeune compagnon de<br />
Diktynna s’agiter comme si l’envie de prendre son instrument le<br />
démangeait, à moins qu’il n’eût souhaité participer à la danse.<br />
Quels que soient ses désirs, la prêtresse le dissuada de passer<br />
aux actes en exerçant une brusque pression sur son poignet.<br />
Redfield tournait sur lui-même. Il laissa le filet glisser de ses<br />
épaules à ses mains et le voile de mailles s’épanouit autour de<br />
lui tels les pétales d’une fleur, doré par la clarté des lampes qui<br />
lui apportait la douceur d’une vision sous-marine. Ses longs<br />
cheveux noirs brillants et embrasés de reflets cuivrés se défirent<br />
et volèrent librement autour de son crâne. Ses yeux sombres<br />
d’Asiatique étaient mi-clos par l’extase. Son chiton ample se<br />
défit. Graduellement, sa respiration profonde dilata ses<br />
poumons… et ses ouïes.<br />
Tous les spectateurs les virent. L’expression de Diktynna se<br />
fit hésitante, comme si elle s’interrogeait brusquement sur nos<br />
origines, mais elle eut tôt fait de se reprendre. Elle vivait dans<br />
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