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onvautmieuxqueca_votre_livre-1.1

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Je suis doctorante contractuelle<br />

depuis 3 ans<br />

Précarité<br />

« T'avais qu'à faire <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> »<br />

Je suis doctorante contractuelle depuis 3 ans dans une fac parisienne (ça veut dire<br />

que je touche 1350 par mois pour faire ma thèse) avec mission d'enseignement (ça veut<br />

dire que je donne quelques cours pour 300 euros de plus). Pour ceux qui ont déjà été à la<br />

fac, je suis de ceux que les étudiants surnomment « les jeunes profs », « chargés de TD<br />

», « les vacataires ».<br />

Me lancer dans cette grande aventure n'allait pas de soi. Fille d'ouvriers au<br />

chômage, dire que « je n'ai pas mes parents derrière » c'est bien peu dire. J'ai un jour pris<br />

rendez-vous avec une assistante sociale pour obtenir une aide d'urgence. Je lui expose<br />

mon projet, elle est scandalisée : « et nous devrions tout vous payer de la sorte jusqu'à la<br />

fin du Master ? Ça n'est pas réaliste. Pourquoi ne pas chercher un métier plus approprié à<br />

votre condition ? » de sale pauvre quoi. Les pauvres ne deviennent pas Maître de<br />

Conférence. Obtenant tout de même ma licence, et pas grâce à l'assistanat, pleine de<br />

naïveté (il m'en restait), j'ai quitté ma douce province dans l'espoir de faire progresser mon<br />

cursus en « montant à Paris », pour la filière qui m'intéressait le plus. Faire carrière à<br />

l'université est mon rêve de toujours, mais la vie à la fac est vite devenu un cauchemar.<br />

Ça fait doucement rigoler de voir ces politiques dire que nous ne seront concernés<br />

par la loi que lorsque nous rentrerons dans la vie active, car se payer cinq ans d'étu<strong>des</strong><br />

avant d'arriver à la thèse, ça ne tombe pas du ciel. J'ai été serveuse, hôtesse d'accueil,<br />

équipière à Quick, femme de ménage, fait <strong>des</strong> intérim, jusqu'à <strong>des</strong> petites missions<br />

payées de la main à la main. J'en ai tiré <strong>des</strong> brulures à l'huile chaude <strong>des</strong> frites, <strong>des</strong><br />

irritations de la peau à cause <strong>des</strong> produits, <strong>des</strong> mal de dos récurrents, et un stress qui<br />

n'est jamais parti. Rien de tout ceci ne m'a jamais permis de vivre décemment, a généré<br />

<strong>des</strong> relations on ne peut plus orageuses avec le joyeux petit monde <strong>des</strong> banques et<br />

créanciers de tous bord. Pendant ma première année à Paris, je travaillais de nuit jusqu' à<br />

5h, et la RATP me conduisait de justesse à mon deuxième emploi pour un deuxième petit<br />

boulot de 3h et demie. Je terminais à 9h, juste assez tôt pour être à l'heure pour tourner<br />

de l’œil en cours. Tous ces emplois étaient complètement détestables, <strong>des</strong> chefs<br />

tyranniques, <strong>des</strong> clients odieux, qui n'avaient de cesse de conclure qu'ils n'avaient pas<br />

face à eux un être humain, mais une « femme de ménage », que j'étais venue au monde<br />

avec cette blouse avec pour mission de nettoyer leur merde. Si j'avais l'outrecuidance de<br />

riposter, on me rétorquait invariablement « Mais qu'est-ce que t'es ? T'avais qu'à faire <strong>des</strong><br />

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