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invasions et transferts biologiques - Centre d'Océanologie de ...

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Une invasion biologique terrestre : Miconia calvescens en Polynésie<br />

Miconia calvescens est une magnoliophyte (famille <strong>de</strong>s mélastomatacées) connue du Sud du Mexique au Nord<br />

<strong>de</strong> l'Argentine ; elle est partout relativement rare. C'est un arbre qui peut atteindre 15 m <strong>de</strong> haut ; on le rencontre<br />

dans les clairières où il joue le rôle d'espèce pionnière. Une forme <strong>de</strong> M. calvescens à feuilles bicolores, présente<br />

au Sud du Mexique, au Guatemala <strong>et</strong> au Costa-Rica, particulièrement esthétique, a intéressé les horticulteurs<br />

<strong>de</strong>puis le début du 19 ième siècle : ils l'ont plantée dans la plupart <strong>de</strong>s jardins botaniques du mon<strong>de</strong>. A Tahiti, M.<br />

calvescens (la forme à feuilles bicolores) a été planté en 1937 dans un jardin botanique privé par un professeur<br />

<strong>de</strong> physique américain à la r<strong>et</strong>raite, H. W. Smith. Les graines provenaient du Royal Botanic Gar<strong>de</strong>n <strong>de</strong> Sri-lanka<br />

(Ceylan), où l'espèce était présente <strong>de</strong>puis 1888, en provenance directe du Mexique. En 1971, M. calvescens a<br />

commencé à s'échapper du jardin botanique d’H. W Smith, à Tahiti, <strong>et</strong> à envahir les milieux naturels. Miconia<br />

calvescens, après un temps <strong>de</strong> latence <strong>de</strong> 34 ans, s’était donc naturalisé. En 1978, il couvrait déjà 100 à 200 ha.<br />

Dans les années 1990s, il occupait 70 000 ha, soit 65% <strong>de</strong> l'île. De Tahiti, il a été introduit sur <strong>de</strong>s îles voisines<br />

<strong>de</strong> Polynésie, où l'invasion a commencé : Moorea <strong>et</strong> Raiatea. Miconia calvescens, ou tout au moins la souche qui<br />

envahit la Polynésie, possè<strong>de</strong> tous les caractères <strong>de</strong> l'espèce invasive compétitive : croissance rapi<strong>de</strong> (jusqu'à 1<br />

m/a), trois floraisons par an, maturité sexuelle précoce (4-5 ans), forte production <strong>de</strong> graines (un grand arbre en<br />

produit jusqu'à 5 millions/a), dispersion <strong>de</strong>s graines par le vent, les rongeurs <strong>et</strong> les oiseaux, possibilité <strong>de</strong> reproduction<br />

végétative. En outre, les forêts <strong>de</strong> M. calvescens sont très <strong>de</strong>nses <strong>et</strong> génèrent une ombre très forte, qui<br />

gêne (<strong>et</strong> élimine) les espèces indigènes, mais pas ses propres graines qui peuvent germer en situation sciaphile.<br />

Les forêts à Miconia calvescens remplacent en particulier la forêt indigène à Pandanus <strong>et</strong> Cyathea (fougères<br />

arborescentes) ; la moitié <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> MPOs endémiques <strong>de</strong> Tahiti sont directement menacées. De plus, les<br />

Miconia ne maintiennent pas bien le sol, déterminant <strong>de</strong>s glissements <strong>de</strong> terrain.<br />

Meyer (1994, 1996)<br />

8.12. Homogénéisation planétaire<br />

Les introductions d'espèces, si elles se poursuivaient au rythme actuel, pourraient déboucher<br />

sur une homogénéisation planétaire, à une latitu<strong>de</strong> donnée, <strong>de</strong>s espèces, <strong>de</strong>s peuplements <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s paysages (voir également, plus loin, les conséquences culturelles : § 10). A l'horizon<br />

2050, en Méditerranée, les écosystèmes continentaux pourraient par exemple être dominés par<br />

<strong>de</strong>s espèces introduites (Gritti <strong>et</strong> al., 2006). Une telle homogénéisation constituerait un évènement<br />

biologique <strong>et</strong> biogéographique majeur, sans équivalent au cours <strong>de</strong>s temps géologiques.<br />

C'est la raison pour laquelle il a été suggéré que l'homogénéisation planétaire <strong>de</strong>s<br />

faunes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s flores ferait entrer la Terre dans une nouvelle ère géologique, pour laquelle le<br />

nom <strong>de</strong> Homogocène (ou Homogéocène) a été suggéré (Bayon <strong>et</strong> al., 1998 ; Simberloff,<br />

2000 ; Clout, 1998, 2002).<br />

Certaines espèces ont déjà plus ou moins acquis une répartition planétaire. C'est le cas en<br />

milieu marin du crabe vert Carcinus maenas, originaire d'Europe (Fig. 88 ; Carlton <strong>et</strong> Cohen,<br />

2003 ; Roman, 2006) <strong>et</strong> du chlorobionte Codium fragile var. tomentosoi<strong>de</strong>s, originaire du Japon.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier est aujourd'hui présent dans l'Atlantique Nord européen <strong>et</strong> américain, en Méditerranée,<br />

au Chili, en Afrique du Sud, en Australie <strong>et</strong> en Nouvelle Zélan<strong>de</strong> (Provan <strong>et</strong><br />

al.,2005).<br />

Quelle que soit l'intensité <strong>de</strong> l'impact <strong>de</strong>s espèces introduites sur les espèces <strong>et</strong> les écosystèmes<br />

indigènes, <strong>de</strong>ux points sont à considérer. Tout d'abord, il s'agit d'un impact irréversible,<br />

compte tenu <strong>de</strong> la difficulté ou <strong>de</strong> l'impossibilité d'éradiquer une espèce introduite (voir § 12).<br />

D'autre part, c<strong>et</strong> impact n'est pas limité dans l'espace (région d'introduction) mais peut<br />

s'étendre sur d'immenses étendues, sans respect <strong>de</strong>s frontières administratives, qu'il s'agisse<br />

d'un pays ou d'un espace protégé (Réserve, Parc national, <strong>et</strong>c.) (Usher, 1986 ; Boudouresque<br />

<strong>et</strong> Verlaque, 2005 ; Boudouresque <strong>et</strong> al., 2005) (voir § 1).<br />

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