invasions et transferts biologiques - Centre d'Océanologie de ...
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l’échelle <strong>de</strong>s temps géologiques (12 Ma). Des évènements géologiques (assèchement partiel<br />
<strong>de</strong> la Méditerranée lors <strong>de</strong>s crises messiniennes entre 5.6 <strong>et</strong> 5.3 Ma) <strong>et</strong> climatiques (une trentaine<br />
<strong>de</strong> maximums glaciaires, <strong>de</strong>puis 2.6 Ma), ainsi que le refroidissement global <strong>de</strong> la planète<br />
au cours du Tertiaire, ont exclu les espèces d’affinités chau<strong>de</strong>s, ainsi que certains écosystèmes<br />
(mangroves, récifs coralliens) <strong>de</strong> la Méditerranée. La présence en Méditerranée, il y a 6<br />
ou 3 Ma, d’un certain nombre d’espèces lessepsiennes, est effectivement attestée (Por, 2009).<br />
Mais considérer que l’entrée en Méditerranée <strong>de</strong> plusieurs centaines d’espèces indopacifiques<br />
est une sorte <strong>de</strong> ‘r<strong>et</strong>our à la maison’, comme le fait Por (2009), constitue une approche<br />
très anthropocentrique. En eff<strong>et</strong>, le peuplement <strong>de</strong> la Méditerranée, comme celui <strong>de</strong><br />
toutes les régions du mon<strong>de</strong>, avec son origine biogéographique <strong>et</strong> son endémisme, constituent<br />
le leg <strong>de</strong> l’histore géologique, <strong>de</strong> l’histoire du climat <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’évolution. Si c<strong>et</strong>te logique du ‘r<strong>et</strong>our<br />
à la maison’ était adoptée, on pourrait tout aussi bien considérer que, si les évènements<br />
géologiques n’avaient pas isolé le continent australien, son peuplement (<strong>et</strong> l’endémisme qui<br />
s’y est développé) y serait très différent, <strong>et</strong> qu’il est donc naturel que l’homme perm<strong>et</strong>te à tous<br />
les taxons exclus d’Australie d’y venir ou d’y revenir !<br />
‘Everything is everywhere, but, the environment selects’. C<strong>et</strong>te phrase 187 a été écrite par le<br />
grand microbiologiste hollandais Baas Becking (1934). Avec la théorie neutre <strong>de</strong> l'écologie,<br />
elle revient à la mo<strong>de</strong>, non pas comme une vérité, mais comme l'hypothèse que l'on doit s'efforcer<br />
<strong>de</strong> rej<strong>et</strong>er. En la sortant <strong>de</strong> son contexte, certains la traduisent par ‘Toutes les espèces<br />
sont déjà partout : la notion d'introduction n'existe donc pas’. Que voulait dire Baas Becking<br />
? Que toutes les espèces <strong>de</strong> procaryotes sont présentes partout, disséminées d'un bout à<br />
l'autre <strong>de</strong> la planète, en particulier, avec le plancton aérien ; mais que le milieu où elles arrivent<br />
va sélectionner celles qui vont se développer ; c'est ce qu'il pouvait vérifier en faisant <strong>de</strong>s<br />
bouillons <strong>de</strong> culture, à partir d'un même échantillon, mais dans <strong>de</strong>s conditions (température,<br />
substrat, <strong>et</strong>c.) différentes. C'<strong>et</strong>ait peut être vrai pour <strong>de</strong> nombreuses bactéries continentales<br />
cultivables ; mais ce n'est pas démontré pour les bactéries <strong>et</strong> archées marines. En outre, Baas<br />
Becking ignorait qu'au moins 99% <strong>de</strong>s procaryotes ne sont pas cultivables, <strong>et</strong> sont donc inaccessibles<br />
à ce type d'expérimentation (De Wit <strong>et</strong> Bouvier, 2006). La prise en compte <strong>de</strong> toutes<br />
les espèces <strong>de</strong> bactéries, via les séquences 16S RNA, démontre même le contraire : 0.5% seulement<br />
<strong>de</strong>s séquences <strong>de</strong> bactéries sont présentes partout dans le plancton (Gilbert <strong>et</strong> al.,<br />
2009). Quoi qu'il en soit, ce qui est possible, mais pas toujours démontré, pour les procaryotes,<br />
est clairement inexact pour la majorité <strong>de</strong>s eucaryotes (mais voir Cermeño <strong>et</strong> Falkowski,<br />
2009 ; Caron <strong>et</strong> Countway, 2009). Les hypothèses incroyablement naïves <strong>et</strong> alambiquées<br />
proposées par <strong>de</strong>s ‘techniciens <strong>de</strong> la séquence’ sans culture écologique pour expliquer la répartition<br />
aujourd'hui mondiale <strong>de</strong> certaines espèces sont à ranger ici ; voir par exemple Boissin<br />
(2008).<br />
‘La majorité <strong>de</strong>s espèces introduites n'ont pas d'impact négatif’. Des sociologues, parfois<br />
<strong>de</strong>s écologistes, s'insurgent contre le fait que l'on ‘culpabilise’ les espèces introduites en se<br />
basant sur une minorité (moins <strong>de</strong> 10%) d'entre elles : ‘(…) inva<strong>de</strong>rs do not represent a major<br />
extinction threat to most species in most environments’ (Davis <strong>et</strong> al., 2011). S’il est exact que<br />
la majorité <strong>de</strong>s espèces introduites ne constituent pas une menace d’extinction pour <strong>de</strong>s espèces<br />
indigènes, dans la majorité <strong>de</strong>s habitats (voir § 8.1), les ‘moins <strong>de</strong> 10%’ d’espèces introduites<br />
qui posent un problème méritent d’être prises en compte 188. Par ailleurs, entre ‘ex-<br />
187 Le texte original, en hollandais, est ‘alles is overal, maar h<strong>et</strong> milieu selecteert’.<br />
188 Dans le domaine économique, le fait que la frau<strong>de</strong> financière <strong>de</strong> Bernard Maldoff (arrêté <strong>et</strong> emprisonné le 12<br />
Décembre 2008) soit très minoritaire, peut-être même marginale, par rapport aux flux financiers générés par<br />
l’économie mondiale, ne signifie pas qu’elle soit sans importance : c<strong>et</strong>te frau<strong>de</strong> a provoqué un cataclisme planétaire<br />
qui a failli couler l’économie mondiale.<br />
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