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invasions et transferts biologiques - Centre d'Océanologie de ...

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10. Les conséquences culturelles <strong>de</strong>s introductions d'espèces<br />

Les introductions d'espèces ont longtemps constitué un élément culturel : l'homme, dans ses<br />

migrations, a cherché à recréer autour <strong>de</strong> lui le paysage qui lui était familier dans sa terre<br />

d'origine (Bright, 1998). Introduire dans le mon<strong>de</strong> entier les espèces européennes (forcément<br />

‘supérieures’) a constitué un corollaire <strong>de</strong> la supériorité <strong>de</strong> la civilisation européenne (Crosby,<br />

1986). Par la suite, au 19 ième siècle, se sont développées en Europe <strong>de</strong>s ‘Sociétés d'Acclimatation’<br />

dont l'objectif était inverse : introduire en Europe <strong>et</strong> aux USA le meilleur <strong>de</strong>s espèces<br />

exotiques. Ce comportement fait référence à un sentiment <strong>de</strong> supériorité <strong>de</strong> l'homme sur la<br />

nature : l'améliorer, lui imprimer sa marque indélébile. Acclimater une espèce exotique <strong>de</strong>venait<br />

une marque <strong>de</strong> civisme (Bright, 1998). En France, Geoffroy <strong>de</strong> Saint-Hilaire a ainsi<br />

créé la ‘Société Impériale Zoologique d'Acclimatation’ en 1854 ; en Gran<strong>de</strong> Br<strong>et</strong>agne, la ‘Soci<strong>et</strong>y<br />

for the Acclimatization of Animals, Birds, Fishes, Insects and veg<strong>et</strong>ables within the United<br />

Kingdom’ a été créée en 1860 ; dans la secon<strong>de</strong> moitié du 19 ième siècle, ce type <strong>de</strong> sociétés<br />

s'est multiplié à travers le mon<strong>de</strong> (Lefeuvre, 2004 ; Planhol, 2004 ; Fag<strong>et</strong>, 2007).<br />

Les conséquences culturelles <strong>de</strong>s introductions d'espèces font référence à l'extermination <strong>de</strong><br />

certaines populations humaines (<strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs cultures) par <strong>de</strong>s maladies introduites (rougeole,<br />

variole), ainsi qu'à la dimension éthique <strong>de</strong>s introductions d'espèces <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'érosion <strong>de</strong> la biodiversité<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'écodiversité qui peut en découler.<br />

Les espèces, les écosystèmes, les paysages <strong>et</strong> leur diversité font partie du patrimoine <strong>de</strong> l'humanité<br />

; ce patrimoine nous a été légué par les générations antérieures, <strong>et</strong> bien sûr par l'évolution,<br />

<strong>et</strong> nous <strong>de</strong>vons le léguer aux générations futures. Nous <strong>de</strong>vons donc préserver ce patrimoine<br />

biologique au même titre que Lascaux <strong>et</strong> Altamira, l'Alhambra <strong>de</strong> Granada <strong>et</strong> Nôtre-<br />

Dame <strong>de</strong> Paris, un tableau <strong>de</strong> Goya ou la Neuvième Symphonie <strong>de</strong> Be<strong>et</strong>hoven.<br />

Dans le cas <strong>de</strong>s espèces introduites, le risque <strong>de</strong> banalisation mondiale <strong>de</strong>s paysages, pour<br />

une latitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> un climat donné, est également un problème éthique : voulons-nous une forêt<br />

d'eucalyptus à la place <strong>de</strong>s sansouires <strong>de</strong> Camargue, <strong>de</strong>s garrigues à romarin ou <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong><br />

hêtre <strong>de</strong> la Sainte-Baume ? Voulons-nous une prairie à Caulerpa taxifolia à la place <strong>de</strong>s herbiers<br />

à Posidonia oceanica, <strong>de</strong>s peuplements à Cystoseira <strong>et</strong> <strong>de</strong>s tombants à gorgones ? Voulons-nous<br />

<strong>de</strong>s tours <strong>de</strong> béton, aluminium <strong>et</strong> verre à la place du Barrio Gótico <strong>de</strong> Barcelone, <strong>de</strong><br />

la Plaza Mayor <strong>de</strong> Madrid <strong>et</strong> du forum <strong>de</strong> Rome ? (<strong>et</strong> ceci indépendamment <strong>de</strong> la valeur présente<br />

ou future, pour le tourisme, <strong>de</strong> ces quartiers ou <strong>de</strong> ces monuments).<br />

Outre la banalisation, il convient <strong>de</strong> se poser la question <strong>de</strong> l'artificialisation <strong>de</strong>s paysages.<br />

Dans <strong>de</strong> nombreuses régions du mon<strong>de</strong>, la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s paysages sont déjà artificialisés,<br />

soit par l'agriculture, soit par les espèces introduites. En Nouvelle-Zélan<strong>de</strong>, par<br />

exemple, les 2/3 du territoire terrestre sont occupés par <strong>de</strong>s magnoliophytes introduites<br />

(Bright, 1998). Nous ne savons pas quelles seront les conséquences psychologiques, <strong>et</strong> donc<br />

culturelles, d'un mon<strong>de</strong> dont tout paysage naturel aurait disparu (Bright, 1998).<br />

‘L'homme a assez <strong>de</strong> raisons objectives pour s'attacher à la sauvegar<strong>de</strong> du mon<strong>de</strong> sauvage. Mais la<br />

nature ne sera en définitive sauvée que par notre cœur’.<br />

Jean Dorst<br />

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