invasions et transferts biologiques - Centre d'Océanologie de ...
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espèces ; les perturbations peuvent y accroître le nombre <strong>de</strong>s espèces (Intermediate Disturbance<br />
Hypothesis) ; une banale décharge d’ordures peut être plus riche en espèces que certains<br />
écosystèmes à gran<strong>de</strong> valeur patrimoniale.<br />
‘Certaines espèces introduites ont un eff<strong>et</strong> positif sur l'écosystème’. Celà peut être vrai. Par<br />
exemple, lorsque l'homme a exterminé les herbivores indigènes, l'introduction d'un herbivore<br />
contribue à en minimiser les conséquences ; c'est le cas du mouflon en Corse. Toutefois, dans<br />
la majorité <strong>de</strong>s cas, c<strong>et</strong>te affirmation est naïve <strong>et</strong> anthropomorphique. Par exemple quand il est<br />
dit qu'une espèce introduite occupe une ‘niche écologique vacante’ (voir § 8.1, page 109). Ou<br />
bien quand il est dit qu'une ‘magnifique’ forêt <strong>de</strong> conifères (introduits) a remplacé une ‘monotone’<br />
lan<strong>de</strong> à fougères (Davis, 2009). De même, Lévêque <strong>et</strong> Paugy (2006) confon<strong>de</strong>nt, à propos<br />
<strong>de</strong> l’introduction <strong>de</strong> la perche du Nil Lates niloticus dans le lac Victoria, ce qu’ils croient<br />
bon pour la pêche (très discutable par ailleurs) avec ce qui est bon pour la diversité spécifique<br />
ou l’écosystème (voir § 9.8, page 155).<br />
‘Après une phase <strong>de</strong> prolifération initiale, une espèce introduite décline toujours’.C'est parfois<br />
le cas, mais c'est plutôt rare. Dans la plupart <strong>de</strong>s cas, une espèce introduite ne cesse son<br />
expansion que quand elle a atteint la totalité <strong>de</strong>s habitats <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'aire géographique accessibles<br />
(Fig. 48, p. 85). Quand un déclin se produit, il est souvent dû à l'extermination <strong>de</strong> sa proie par<br />
l'espèce introduite : par exemple le déclin du Phylloxera lorsqu'il a exterminé la vigne européenne,<br />
à la fin du 19 ième siècle. Par la suite, le vignoble a été reconstitué avec <strong>de</strong>s vignes<br />
américaines, résistantes au Phylloxera. Le mythe du ‘déclin naturel’ est dû au fait que, pendant<br />
les phases d'expansion <strong>et</strong> <strong>de</strong> persistance, les effectifs <strong>de</strong> l'espèce introduite fluctuent,<br />
souvent dans <strong>de</strong>s proportions considérables (Fig. 48). De telles fluctuations constituent un<br />
phénomène naturel, commun aux espèces indigènes <strong>et</strong> introduites. Un déclin passager fait<br />
l'obj<strong>et</strong> d'une publication scientifique annonçant ‘la fin <strong>de</strong> l'invasion’. Quand l'espèce reprend<br />
son expansion ou r<strong>et</strong>rouve son abondance antérieure, l'auteur <strong>de</strong> la publication ‘oublie’ généralement<br />
<strong>de</strong> faire une nouvelle publication pour expliquer qu'il s'était trompé, car il est un<br />
piètre écologiste qui ne connait pas bien les processus écologiques fondamentaux. C'est humain.<br />
‘Elle finira par s'intégrer à l'écosystème’.C'est une évi<strong>de</strong>nce, sauf qu'il n'est pas nécessaire<br />
<strong>de</strong> se proj<strong>et</strong>er dans le futur : l'espèce introduite s'intègre immédiatement à un écosystème, ou<br />
à un écosystème modifié, ou à un nouvel écosystème qu'elle édifie. Si l'on introduisait le lion<br />
en Andalousie ou en Corse (il semble qu'il pourrait tout-à-fait y survivre ; du reste, il était<br />
présent dans quelques régions du Sud-Est <strong>de</strong> l'Europe dans l'antiquité 184 ), il s'intégrerait immédiatement<br />
à son nouvel écosystème <strong>et</strong> modifierait son régime alimentaire, remplaçant les<br />
antilopes <strong>et</strong> les buffles par les chevreuils <strong>et</strong> les sangliers, éventuellement par quelques promeneurs.<br />
Au total, ‘Elle finira par s'intégrer à l'écosystème’ ne relève pas <strong>de</strong> l'écologie, mais <strong>de</strong><br />
l'anthropomorphisme primaire (Fig. 107). Un exemple récent <strong>de</strong> ce non-sens écologique est<br />
fourni par Blanchard <strong>et</strong> al. (2010), à propos <strong>de</strong> Sargassum muticum (phéophycées, straménopiles)<br />
en Br<strong>et</strong>agne ; les auteurs écrivent en eff<strong>et</strong> : ‘elle semble avoir trouvé sa place dans<br />
l’écosystème’.<br />
‘Quand elle aura achevé sa phase d'expansion, un nouvel équilibre s'établira’. Certes !<br />
Dans une situation plus ou moins stable, il s'établit toujours un ‘équilibre’ (avec toutes les<br />
184 Le lion a disparu <strong>de</strong> Grèce en 200 BCE (Wyatt <strong>et</strong> Carlton, 2002) (BCE = Before the common era, norme<br />
internationale actuelle pour ‘avant Jésus-Christ’).<br />
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