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tome 3 (n°7-9) - Université Libre de Bruxelles

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114 DELPHINE FOUSSERET<br />

venir, lui rappellent cette allégresse <strong>de</strong> son âme.<br />

Victor Donjeux s'est arrêté dans l'ombre <strong>de</strong> la<br />

route. Après un court prélu<strong>de</strong>, une voix grave et lente<br />

<strong>de</strong> jeune femme a commencé <strong>de</strong> chanter. Le piano<br />

doit être dans cette maison à peine visible <strong>de</strong>rrière<br />

<strong>de</strong>s bosquets, au <strong>de</strong>là d'une pelouse, à quelque distance<br />

du chemin. La voix est très juste et elle vibre<br />

en se posant sur les notes longues; elle a le moelleux<br />

du velours, mais l'éloignement en atténue la précision,<br />

ce qui permet au jeune homme d'en assimiler<br />

le timbre à celui d'une autre voix bien connue...<br />

Bientôt l'illusion est plus complète encore. Oubliant<br />

l'heure et l'endroit, Victor entend une romance écoutée<br />

quelques jours auparavant, et il est prêt à croire que<br />

<strong>de</strong>rrière ces feuillages que le vent fait bruisser, c'est<br />

Jeanne Chambois qui prononce les couplets et frappe<br />

les accords.<br />

Dans ce soir chargé d'arômes capiteux, dans l'air<br />

frais venu du fleuve, dans l'obscurité <strong>de</strong> plus en plus<br />

<strong>de</strong>nse sous le ciel bas précurseur d'orage, la mélodie<br />

se lamente avec une poignante tristesse. Plus d'une<br />

fois le jeune homme a entendu ces quelques phrases<br />

<strong>de</strong> passion intense et douloureuse dites par M lle Chambois<br />

: le désespoir d'Orphée <strong>de</strong>vant sa morte. L'émotion<br />

<strong>de</strong> ces pages avait le don <strong>de</strong> le pénétrer plus<br />

qu'aucune autre. Et la jeune chanteuse exprimait très<br />

justement le charme poignant <strong>de</strong> cette musique.<br />

Elle nuançait avec art le regret à jamais inconsolable<br />

et le reproche désespéré : J'ai perdu mon Eurydice...;<br />

ou bien elle gémissait <strong>de</strong> faiblesse impuissante : Sort<br />

cruel, triste rigueur.<br />

En cette minute, il semble à Victor que c'est<br />

Jeanne elle-même qu'il entend. Ce contralto, c'est la<br />

voix sympathique et chère. Invinciblement requis par

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