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tome 3 (n°7-9) - Université Libre de Bruxelles

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278 DELPHINE FOUSSERET<br />

<strong>de</strong> savoir que, tantôt, lorsqu'ils seraient séparés,<br />

Louis Fousseret penserait à elle. Or comment y<br />

mieux penser qu'en accomplissant, qu'en tenant tel<br />

engagement pris vis-à-vis d'elle ? Mais pourquoi<br />

Henriette serait-elle heureuse d'occuper le souvenir<br />

<strong>de</strong> ce jeune homme hier encore inconnu? En se<br />

posant cette question, Mlle Donjeux se raille et se<br />

tient pour très sotte. Un premier chagrin sentimental<br />

a mis <strong>de</strong> la rancune au cœur d'une enfant jusque là<br />

sans expérience sur l'inconstance, la vanité <strong>de</strong>s<br />

paroles, la fragilité <strong>de</strong>s amours d'une heure. Et<br />

comme, en un certain moment, elle surprend le profond<br />

regard doux et bleu <strong>de</strong> Louis fixé sur elle, sur<br />

ses yeux, sur son visage qui rosit involontairement,<br />

elle croit comprendre ce qu'exprime cette immobile<br />

et muette confi<strong>de</strong>nce :<br />

— Il va tantôt me promettre <strong>de</strong> m'écrire <strong>de</strong>s vers<br />

aussi celui-là, se dit-elle en quittant sa chaise pour<br />

échapper au regard obstinément doux, profond et<br />

bleu bien plutôt que pour aller au piano écheveler<br />

une valse nerveuse que personne n'avait <strong>de</strong>mandée.<br />

Mais en se disant ces mots méchants et injustes à<br />

elle-même, Henriette agissait comme ces passants<br />

qui, la nuit, parce qu'ils ont peur, prononcent <strong>de</strong>s<br />

paroles à voix haute quand ils traversent un bois<br />

sombre ou qu'ils marchent vite dans un chemin<br />

désert. Ils se rassurent en feignant d'être très crânes.<br />

A partir <strong>de</strong> cet instant Henriette ne cessa plus <strong>de</strong><br />

penser à Louis Fousseret. Elle ne s'étonna pas <strong>de</strong><br />

cette persistance <strong>de</strong> la présence du jeune homme dans<br />

sa mémoire : n'était-il pas naturel qu'il s'agît <strong>de</strong> lui,<br />

dont on avait tant parlé <strong>de</strong>puis un mois, qu'on avait<br />

si longtemps attendu, lorsqu'à toute heure il était<br />

question <strong>de</strong> promena<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> réunions, <strong>de</strong> projets<br />

auxquels il <strong>de</strong>vait prendre part, dont sa présence à

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