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tome 3 (n°7-9) - Université Libre de Bruxelles

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PAUL ANDRÉ 115<br />

cette sensation, heureux <strong>de</strong> se leurrer, il écoute, il ne<br />

pense plus...<br />

A la reprise, il retrouve le sanglot familier, il<br />

reconnaît la parole <strong>de</strong> désolation d'Orphée se convainquant,<br />

en la redisant, <strong>de</strong> cette horrible réalité : Tai<br />

perdu mon Eurydice... Rien n'est changé : le forte<br />

lui-même monte, grandit, s'épanouit; la phrase<br />

s'achève sur un cri douloureux, tragique, maudissant.<br />

Victor Donjeux, tout captivé par le prestige <strong>de</strong><br />

cette voix, par la similitu<strong>de</strong> d'émotions précé<strong>de</strong>mment<br />

ressenties, n'entend pas quelques applaudissements et<br />

<strong>de</strong>s mots, <strong>de</strong>s bruits qui retentissent alors que l'accord<br />

final du piano vibre encore. Par les fenêtres ouvertes<br />

toutes sonorités cependant s'échappent, emplissent le<br />

jardin, traversent les bosquets d'arbustes, s'éparpillent<br />

sur la route autour <strong>de</strong> lui, sont emportées, effritées<br />

par le vent. Victor reste <strong>de</strong>bout et attend encore.<br />

Mais le piano commence une autre ritournelle. Et<br />

c'est un refrain inconnu du jeune homme. Le mirage<br />

s'efface. Le leurre bizarre <strong>de</strong> l'esprit, <strong>de</strong> l'ouïe et du<br />

cœur est fini. Pourquoi rester encore là? Tout est<br />

désormais étranger : le décor <strong>de</strong>vient sinistre sous<br />

l'orage approchant; la Meuse dit une complainte<br />

lugubre: le vent soulève <strong>de</strong>s tourbillons d'invisible<br />

poussière qui pique les yeux. M. Donjeux marche<br />

vite vers les lumières <strong>de</strong> la ville qu'il voit <strong>de</strong>vant lui,<br />

alignées le long du quai.<br />

Plus rien ne reste en sa mémoire <strong>de</strong> Delphine et <strong>de</strong><br />

ses ruses innocentes. C'est le souvenir, c'est l'image<br />

<strong>de</strong> Jeanne Chambois qui seuls occupent sa pensée et<br />

son cœur. Et Victor ne s'étonne pas <strong>de</strong> découvrir<br />

combien il aime profondément cette simple et rieuse<br />

fillette, car <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s jours déjà il s'en est rendu<br />

compte délicieusement.

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