L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal – Septembre 2005CHAPITRE IEducation, le CERFI, le Groupe <strong>de</strong> Sociologie Urbaine ou <strong>en</strong>core la SCOOPER 47 . Entre la forme la plusclassique, émanation <strong>de</strong> la Caisse <strong>de</strong>s Dépots, tel que le BERU (qui s’inscrit un peu dans la lignée duCEDER) et la forme la plus subversive dans la mouvance <strong>de</strong> 68 à savoir le CERFI créé par Félix Guattari,on va trouver tout une série d’organismes indép<strong>en</strong>dants qui vont alim<strong>en</strong>ter, conforter ou infléchir lediscours sur l’intégration et l’approche globale <strong>de</strong>s services, sur leur ouverture et sur leur coordination,sur la participation <strong>de</strong>s usagers.Dans le cadre <strong>de</strong> la recherche (voir chapitres suivants) nous nous sommes plus particulièrem<strong>en</strong>tintéressé à <strong>de</strong>ux parcours, celui d'un bureau d’étu<strong>de</strong> « sérieux », QUATERNAIRE EDUCATIONdéveloppant avec constance un savoir-faire et un « savoir opératoire » autour <strong>de</strong> la programmationd’équipem<strong>en</strong>ts éducatifs (au s<strong>en</strong>s large) sur un terrain privilégié qui est celui <strong>de</strong> Marne-la-Vallée 48 , etcelui d’un bureau d’étu<strong>de</strong> plus atypique, le CERFI qui a développé à partir <strong>de</strong> concepts dérivés <strong>de</strong> lapsychanalyse (la notion d’ « investissem<strong>en</strong>t inconsci<strong>en</strong>t du champ social », la notion <strong>de</strong> « psychologieinstitutionnelle », ou <strong>en</strong>core les notions « d’objets <strong>de</strong> travail » et « d’objets érotiques ») une critique <strong>de</strong> laplanification <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs et une démarche expérim<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> « programmationinstitutionnelle » <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> <strong>en</strong> particulier dans le domaine <strong>de</strong> l’hygiène m<strong>en</strong>tale et dans celui <strong>de</strong> lapetite <strong>en</strong>fance.A côté <strong>de</strong> ces bureaux d’étu<strong>de</strong>, on va trouver parmi les interv<strong>en</strong>ants extérieurs un certain nombred’associations ayant poussé assez loin une démarche <strong>de</strong> théorisation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés 49 . Laplus connue est l’Association pour <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> la Petite Enfance animée par une anci<strong>en</strong>neinstitutrice Françoise L<strong>en</strong>oble-Prédiné. De façon un peu similaire à la Fondation pour le Développem<strong>en</strong>tCulturel mais <strong>de</strong> manière plus efficace et opérationnelle, cette association créée <strong>en</strong> 1968 s’est faitconnaître par l’organisation d’une exposition à l’INRDP (Institut National <strong>de</strong> Recherche et <strong>de</strong>Docum<strong>en</strong>tation Pédagogique) et par l’établissem<strong>en</strong>t d’une brochure intitulée « Pour <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> laPetite Enfance » . Elle va développer comme nous le verrons plus loin, une réflexion assez poussée <strong>en</strong>particulier sur le thème <strong>de</strong> la spatialisation <strong>de</strong>s exig<strong>en</strong>ces éducatives <strong>en</strong> faisant interv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s architectespour formaliser les dispositions modèles préconisées [voir FIG. 18] . Fort <strong>de</strong> ce bagage qui traite à lafois <strong>de</strong>s considérations pédagogiques et <strong>de</strong>s considérations spatiales, l’association s’impose comme unpart<strong>en</strong>aire incontournable dans la programmation <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>fance <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>, on la retrouveassociée à la conception du CPE <strong>de</strong> Vill<strong>en</strong>euve d’Ascq, <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s 7 mares à St Qu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong> Yvelines,<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> l’Arche-Guédon à Marne-la-Vallée, etc.D’autres acteurs associatifs intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin sur le sujet <strong>en</strong> liaison avec les équipes d’aménageurs <strong>de</strong>sEPA, ce sont les équipes <strong>de</strong> pré-animation. Celle-ci sont c<strong>en</strong>sées participer activem<strong>en</strong>t au travail<strong>de</strong> programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs. Ce fut le cas du groupe Organon à Saint Qu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong>Yvelines qui rédigea un certain nombre d’ori<strong>en</strong>tations pour les équipem<strong>en</strong>ts du quartier d’Elancourt-Maurepas 50 . Cep<strong>en</strong>dant l’investissem<strong>en</strong>t sur le sujet est très variable suivant les <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, leséquipes <strong>de</strong> préanimation ont souv<strong>en</strong>t adopté une position très critique vis-à-vis <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts quifig<strong>en</strong>t l’animation et il ne reste au final que peu <strong>de</strong> traces <strong>de</strong> l’implication <strong>de</strong> ces équipes dans lesprocessus <strong>de</strong> planification.I.2.3 – La mobilisation <strong>de</strong>s administrations déconc<strong>en</strong>trées47 Les principaux bureaux d’étu<strong>de</strong> sollicités sur le sujet <strong>de</strong> la programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs sont les suivants :− ABCD− l’AREA (Fondation pour le Développem<strong>en</strong>t Culturel)− le BERU (Bureau d’Etu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> Réalisations Urbaines)− le CERFI (C<strong>en</strong>tre d’Etu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> Recherche et <strong>de</strong> Formation Institutionnelle)− Groupe <strong>de</strong> Sociologie Urbaine (GSU, Lyon)− Quaternaire éducation− La SCOOPER48 Guy Le Boterf, « Le savoir créé par les pratici<strong>en</strong>s : l’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Quaternaire Education », in Education Perman<strong>en</strong>te,n°80, 1985, p77-82.49 Martine Rivet cite aussi parmi les organismes d’étu<strong>de</strong> actifs <strong>en</strong> Ville Nouvelle, l’Association pour une politique <strong>de</strong> la petite<strong>en</strong>fance <strong>de</strong> F. L<strong>en</strong>oble-Predine, l’ALU (Association pour les Loisirs Urbains) et le GERSPA (pour les personnes agées). Op.cit.50 Organon, op. cit.20
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal – Septembre 2005CHAPITRE IDu fait <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts concernés par la formule <strong>de</strong> l’intégration et du fait du mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>déconc<strong>en</strong>tration <strong>de</strong>s décisions et <strong>de</strong>s <strong>en</strong>veloppes budgétaires <strong>en</strong>gagées par l’Etat, la plupart <strong>de</strong>sprogrammes et <strong>de</strong>s financem<strong>en</strong>ts impliqués dans les opérations d’équipem<strong>en</strong>ts intégrés relèv<strong>en</strong>td’instances régionales ou départem<strong>en</strong>tales. A l’exception <strong>de</strong> quelques élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> programmeparticuliers relevant <strong>en</strong>core directem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s administrations c<strong>en</strong>trales (équipem<strong>en</strong>ts culturelsprincipalem<strong>en</strong>t), ces instances jou<strong>en</strong>t donc un rôle croissant dans la validation <strong>de</strong>s opérations.La région ou le départem<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t donc se donner pour rôle <strong>de</strong> rassembler et <strong>de</strong> coordonner lesfinancem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs. Ainsi Jacques Mull<strong>en</strong><strong>de</strong>r, <strong>en</strong> charge du « service <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts collectifs » au district <strong>de</strong> la région Ile <strong>de</strong> France, a-t-il été un <strong>de</strong>s protagonistes <strong>de</strong> laplanification <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés, participant comme on l’a vu à la commission interministérielle. Ila développé ce rôle <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong> la Région par rapport aux différ<strong>en</strong>tes administrations, <strong>de</strong> façonsimilaire et complém<strong>en</strong>taire à l’action <strong>de</strong> la Commission Interministérielle <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrées ouà celle du SGGCVN (avec cet état d’esprit <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>ant et débrouillard <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s colonies qu’il asouligné lors <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> qu’il nous a accordé 51 ).Cette politique s’est traduite <strong>en</strong> région Ile <strong>de</strong> France par la mise <strong>en</strong> place d’une ligne budgétairespécialem<strong>en</strong>t affectée au financem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés 52 .Concrètem<strong>en</strong>t le rôle coordonnateur <strong>de</strong> la Préfecture <strong>de</strong> région s’est surtout exercé <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> dansle domaine spécifique <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong> loisirs 53 .Au niveau départem<strong>en</strong>tal, ce sont les inspecteurs départem<strong>en</strong>taux <strong>de</strong> la Jeunesse et Sports et aussi lesinspecteurs d’académie qui ont été très prés<strong>en</strong>ts dans les démarches d’établissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s programmesexpérim<strong>en</strong>taux. Leur mobilisation a été relayée par les Missions d’Education Perman<strong>en</strong>te, lesquelles ontété mises <strong>en</strong> place dans chaque <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> par l’Education Nationale et sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ues <strong>de</strong>s acteursimportant <strong>de</strong> la politique d’animation <strong>de</strong>s nouveaux quartiers.Enfin, au niveau local d’autres part<strong>en</strong>aires administratifs ont été aussi très impliqués, ce sont lesCaisses d’Allocations Familiales et la DDASS.I.2.4 – Les mobilisations communale et intercommunaleEn ce qui concerne l’échelon politique local, le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>manifeste un paradoxe. En théorie l’équipem<strong>en</strong>t intégré est un dispositif dérogatoire qui s’accor<strong>de</strong> avecune plus gran<strong>de</strong> autonomie <strong>de</strong>s acteurs locaux <strong>en</strong> offrant la possibilité <strong>de</strong> s’affranchir <strong>de</strong>s normesnationales: C’est ainsi qu’il est appréh<strong>en</strong>dé par Guy Saez à partir <strong>de</strong> l’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Gr<strong>en</strong>oble, commedispositif qui requiert une conception <strong>de</strong> l’autonomie locale 54 , et c’est ainsi aussi qu’il est prés<strong>en</strong>té dansla circulaire du 19 nov. 1973 55 .Dans le cas <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, cette liberté est exploitée principalem<strong>en</strong>t au départ par les missions etles EPA et elle échappe aux communes préexistantes. On <strong>en</strong> arrive ainsi au paradoxe que l’équipem<strong>en</strong>tintégré a pu symboliser au contraire dans la plupart <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s le pouvoir technocratique et sanspartage <strong>de</strong>s EPA et la position <strong>de</strong> cobaye <strong>de</strong>s habitants (c’est le cas <strong>de</strong> façon flagrante pour l’Agora51 Interview <strong>de</strong> J. Mull<strong>en</strong><strong>de</strong>r, annexe 02, op. cit., p 105.52 Le budget <strong>de</strong> la Région Ile <strong>de</strong> France comporte jusque <strong>en</strong> 1982 une ligne budgétaire spécifiquem<strong>en</strong>t dédiée auxéquipem<strong>en</strong>ts intégrés (chapitre 916-4, « Equipem<strong>en</strong>ts intégrés <strong>de</strong>s Villes Nouvelles»)53 Les bases <strong>de</strong> loisirs « concern<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nombreux services, ceux <strong>de</strong> la jeunesse, <strong>de</strong>s sports et <strong>de</strong>s loisirs, mais aussi ceux<strong>de</strong> l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t (…), <strong>de</strong> l’agriculture (…), <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t (…), du tourisme, <strong>de</strong>s affaires culturelles (…), ou <strong>de</strong>l’industrie (…). Dès lors la mission <strong>de</strong> la Préfecture <strong>de</strong> région apparaît dans toute sa complexité : rassembler <strong>de</strong>sapproches diverses afin <strong>de</strong> satisfaire une exig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> dét<strong>en</strong>te, tant physique que morale, que le citadin perçoit comme untout. » in Préfecture <strong>de</strong> la Région Parisi<strong>en</strong>ne, « La Région Parisi<strong>en</strong>ne, 4 années d’aménagem<strong>en</strong>t et d’équipem<strong>en</strong>t –1969-1972 », texte dactyl., 21 janvier 1973 [archives J. Mull<strong>en</strong><strong>de</strong>r].54 « L’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts suppose la satisfaction <strong>de</strong> besoins multiples dans une perspective d’animation globale,par <strong>de</strong>s <strong>en</strong>sembles d’équipem<strong>en</strong>ts aux fonctions nombreuses et diversifiées mais dont l’unité <strong>de</strong> conception et <strong>de</strong> gestionest la qualité majeure. Cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne peut être réellem<strong>en</strong>t maîtrisée qu’au niveau local par une instance apte à définirla nature et l’ampleur <strong>de</strong>s besoins réels (...) De ce point <strong>de</strong> vue, l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts implique l’accroissem<strong>en</strong>t<strong>de</strong>s pouvoirs réels <strong>de</strong>s collectivités locales. Réciproquem<strong>en</strong>t, cette déc<strong>en</strong>tralisation qui développerait leur pouvoird’initiative suppose que dans la programmation notamm<strong>en</strong>t ces collectivités locales puiss<strong>en</strong>t nouer le dialogue avec uninterlocuteur unique à l’échelon c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong>s administrations ». Jean A<strong>de</strong>r, L’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts éducatifs etculturels <strong>en</strong> France. Colloque <strong>de</strong> Yerres, Paris AREA, 1970. Cité par Guy Saez dans Innovation difficile, dominationaléatoire : les équipem<strong>en</strong>ts intégrés. Op. cit., p33.55 « Les administrations concernées souhait<strong>en</strong>t : le mainti<strong>en</strong> d’une initiative émanant <strong>de</strong> la collectivité locale, (commune,syndicat <strong>de</strong> communes, communauté urbaine) ou pour les <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, <strong>de</strong>s missions d’aménagem<strong>en</strong>t ouétablissem<strong>en</strong>ts publics ». Circulaire du 19 novembre 1973, op. cit.21