L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportdéfinitif - Février 2005CHAPITRE IIEn juillet 1969, la MEA publie un rapport sur l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts à Noisy-le-Grand 145 . L’équiperassemblée par Carle compr<strong>en</strong>d : G<strong>en</strong>eviève Le Cœur (sociologue), Maurice Salesse (géographeprogrammateur),et Thierry Gruber (architecte-urbaniste). Cette équipe cherche à incorporer, au niveau <strong>de</strong>la ZAC <strong>de</strong> Noisy-Est, 4.000 nouveaux logem<strong>en</strong>ts HLM (<strong>en</strong>viron 17.000 habitants) dans une communeexistante <strong>de</strong> 27.000 habitants. Pour arriver à « une organisation plus rationnelle du c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> quartier » età « une meilleure utilisation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> voisinage », l’équipe délimite <strong>de</strong>ux principesd’intégration importants :— La réinsertion au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s fonctions scolaires et leur ouverture sur l’extérieur ;— L’imbrication <strong>de</strong> fonctions pour favoriser la constitution d’un noyau socio-culturel.En esquissant les stratégies possibles <strong>de</strong> cette intégration, l’équipe précise ainsi que le projet« implique le recours à <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s pédagogiques <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>nouvelle</strong>s. »Lors d’une réunion, le 8 octobre 1969 146 , <strong>en</strong>tre l’équipe <strong>de</strong> la MEA et les représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong>s ministèresconcernés – Messieurs Girard et Lefebvre pour la Culture, A<strong>de</strong>r pour l’Éducation Nationale, Ver<strong>de</strong>t pourla Jeunesse et les Sports, Belmont et Lesueur pour l’Association pour le Développem<strong>en</strong>t Culturel – lesori<strong>en</strong>tations <strong>en</strong> matière d’intégration sont r<strong>en</strong>forcées.La création d’une équipe chargée <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> est évoquée, ainsique la procédure pour l’obt<strong>en</strong>tion, auprès du ministère <strong>de</strong> l’Éducation nationale, d’un statut expérim<strong>en</strong>tal<strong>en</strong> éducation. C’est à la suite <strong>de</strong> cette réunion que Marne-la-Vallée confie fin 1969, les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s troispremiers quartiers opérationnels à l’Atelier <strong>de</strong> Recherche sur l’Environnem<strong>en</strong>t Scolaire et Culturel(l’ARESC).Entre 1969 et 1970, l’ARESC établit <strong>de</strong>s propositions pour Noisy-Est, Noisiel-Torcy (Arche Guédon), etChamps-Noisiel (Luzard) 147 <strong>en</strong> développant les implications programmatiques et urbanistiques <strong>de</strong> laformule <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t intégré c’est-à-dire avec le double principe d’une intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts<strong>en</strong>tre eux et <strong>de</strong> l’intégration <strong>de</strong> ces équipem<strong>en</strong>ts dans la trame urbaine 148 : l’ARESC esquisse ainsi uneanimation à partir <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts scolaires <strong>en</strong> liaison avec les foyers <strong>de</strong> Jeunes Travailleurs, MJC,<strong>en</strong>sembles sportifs et services communs (restauration, services médico-sociaux, c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>docum<strong>en</strong>tation-bibliothèque, zone d’accueil, etc.).Il faut souligner que d’emblée aucun <strong>de</strong> ces regroupem<strong>en</strong>ts d’équipem<strong>en</strong>ts, n’est considéré comme objetisolé. Chaque c<strong>en</strong>tre est <strong>en</strong>visagé à partir d’une animation continue <strong>de</strong> la <strong>ville</strong>. À Noisy-Est, l’ARESCprojette l’animation <strong>en</strong>tre Noisy-Est et le c<strong>en</strong>tre commercial; au Quartier 5 (l’Arche Guédon) est<strong>en</strong>visagée la création d’un relais <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts incluant l’anci<strong>en</strong> c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> Torcy, un c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>voisinage CET, le nouveau c<strong>en</strong>tre du quartier et le c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> Noisiel; au Quartier 2 (Luzard), est<strong>en</strong>visagée la création d’une trame fine et régulière d’équipem<strong>en</strong>ts légers <strong>en</strong> vue d’animer le quartier.Les plans <strong>de</strong> ces projets montr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s figures qui, dans un premier temps, seront explorées à <strong>de</strong>s<strong>de</strong>grés différ<strong>en</strong>ts à Marne-la-Vallée : à Noisy-Est et à l’Arche Guédon les équipem<strong>en</strong>ts intégrés neressembl<strong>en</strong>t plus à un bâtim<strong>en</strong>t mais plutôt à un <strong>en</strong>semble urbain. Ainsi la conception urbaine fonctionnecomme conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés et remplace finalem<strong>en</strong>t la conception architecturale ellemême.De même pour le C<strong>en</strong>tre Urbain Régional localisé à Noisy-le-Grand et prévu par le schéma directeur <strong>de</strong>la Région parisi<strong>en</strong>ne, l’équipe <strong>en</strong> charge <strong>de</strong> ce sujet à l’EPA -emm<strong>en</strong>ée par l’ingénieur J. P. Baietto, legéographe programmateur M. Lemaistre et l’architecte urbaniste A. Zubl<strong>en</strong>a- cherche surtout à éviter le145 Mission d’Étu<strong>de</strong>s et d’Aménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la Vallée <strong>de</strong> la Marne, P. Carle (dir.), Commune <strong>de</strong> Noisy-le-Grand et OpérationFFF-Emmaüs : Projet d’étu<strong>de</strong> pour une intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts, Juillet 1969, [EPAMARNE 71W12].146 Préfecture <strong>de</strong> la Région parisi<strong>en</strong>ne, Mission d’Étu<strong>de</strong>s et d’Aménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la Vallée <strong>de</strong> la Marne, Réunion sur leséquipem<strong>en</strong>ts intégrés 8 oct. 69, [EPAMARNE 17/VM/08].147 ARESC, Propositions pour les Équipem<strong>en</strong>ts Scolaires, Culturels et Sociaux <strong>de</strong> la ZAC <strong>de</strong> Noisy-Est, Paris, décembre1969, [EPAMARNE 71W11] ; ARESC, Note sur les Équipem<strong>en</strong>ts du Quartier 5 (Secteur II) <strong>de</strong> la Ville Nouvelle <strong>de</strong> la Vallée<strong>de</strong> la Marne, Paris, mars 1970, [EPAMARNE 10/VM/08] ; ARESC, Ville Nouvelle <strong>de</strong> Marne-la-Vallée : Propositions <strong>de</strong>programme pour les équipem<strong>en</strong>ts scolaires, sportifs et socio-culturels du Quartier 2 (secteur II), Deuxième phase, juin1970, [EPAMARNE 11/VM/08].148 Dans un article, « Réflexions sur l’intégration <strong>de</strong>s Équipem<strong>en</strong>ts », datant <strong>de</strong> 1971, Jeanne Chabanne et Philippe Cougnotexpos<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> Yerres, Istres et Gr<strong>en</strong>oble, cette théorie <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts niveaux d’intégration qui fait <strong>de</strong>Gr<strong>en</strong>oble l’aboutissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la formule avec une intégration à la fois urbaine et fonctionnelle et qui repose sur une approcheglobale <strong>de</strong> l’animation permettant <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser simultaném<strong>en</strong>t les fins et les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s « concepts <strong>de</strong> société, <strong>de</strong> culture etd’éducation ». J. Chabanne et P. Cougnot, « Réflexions sur l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts », in Urbanisme, n o 125, 40 eannée, 1971, p. 17-23.54
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportdéfinitif - Février 2005CHAPITRE IIdépérissem<strong>en</strong>t par congestion ou l’hyperc<strong>en</strong>tralité qui conduirait à un marginalisation <strong>de</strong> certainesactivités. L’équipe préconise l’adoption d’une organisation polynucléaire avec trois pôles <strong>de</strong>développem<strong>en</strong>t, chacun servi par le RER. Cette stratégie implique que le c<strong>en</strong>tre urbain n’est pasautonome, mais plutôt un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> noyaux <strong>en</strong> liaison. L’image d’une <strong>ville</strong> <strong>en</strong> chapelets continued’être une image forte. Le premier pôle prévoit d’accueillir les élém<strong>en</strong>ts du rayonnem<strong>en</strong>t régional, le<strong>de</strong>uxième pôle prévoit d’avoir une fonction plus locale, une université, et le troisième—la ZAC <strong>de</strong> Noisy-Est—prévoit d’être un c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> quartier.L’affirmation <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong>s Équipem<strong>en</strong>ts et <strong>de</strong>s Services CollectifsEn 1970, l’équipe <strong>de</strong> programmation au sein <strong>de</strong> la MEA, s’élargit. Bertrand Ousset est recruté pourpr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge spécifiquem<strong>en</strong>t la programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés, tandis que dans lemême temps Philippe Jarry et l’association TRAME début<strong>en</strong>t la politique <strong>de</strong> pré-animation culturelle.Dans un premier temps, B. Ousset observe que la réflexion sur l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts est surtoutprise <strong>en</strong> main par les architectes-urbanistes, mais que ce processus manque une réflexion plus large surla programmation et le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s institutions.A contrario, sa réflexion sur l’importance <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés va valoriser les thèmes <strong>de</strong> l’animationglobale et <strong>de</strong> l’innovation sociale. Bertrand Ousset s’intéresse <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue à l’exemple du CEC <strong>de</strong>Istres qui regroupe trois pôles majeurs d’équipem<strong>en</strong>ts : pôle éducatif ; pôle <strong>de</strong>stiné aux adultes et pôlesocio-culturel. Il remarque aussi que l’éducation perman<strong>en</strong>te est le dénominateur commun <strong>de</strong> cecomplexe d’équipem<strong>en</strong>ts, ce qui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra une idée-clé dans l’évolution <strong>de</strong> la politique et la pratique <strong>de</strong>la programmation à Marne-la-Vallée 149 .Ousset id<strong>en</strong>tifie ainsi trois volontés qui s’inscriv<strong>en</strong>t dans la continuité <strong>de</strong>s préconisations <strong>de</strong> l’ARESC :1. Revaloriser la fonction primaire d’animation <strong>de</strong> certains équipem<strong>en</strong>ts ;2. Constituer <strong>de</strong>s pôles forts d’animation au niveau <strong>de</strong>s quartiers ;3. Constituer <strong>de</strong>s réseaux complexes d’animation au sein <strong>de</strong> la <strong>ville</strong>, comportant différ<strong>en</strong>ts relais :Voisinage ; Quartier ; Secteur ; Ville Nouvelle 150 .En 1971, Ousset formalise dans un texte <strong>de</strong> cadrage, la conception <strong>de</strong> la MEA <strong>en</strong> matière d’intégration<strong>en</strong> vue <strong>de</strong> « la création d’une vie sociale animée ». Il id<strong>en</strong>tifie les moy<strong>en</strong>s concourant à ce but : « la mise<strong>en</strong> place <strong>de</strong> structures d’accueil et <strong>de</strong> pré-animation, comme la définition d’équipem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>stinés àpromouvoir l’éducation perman<strong>en</strong>te ». Les équipem<strong>en</strong>ts c<strong>en</strong>trés sur l’éducation perman<strong>en</strong>te permett<strong>en</strong>t« à la fois le brassage <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>tes catégories sociales et <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>tes classes d’âge, etl’animation sociale nécessaire à la vie d’un c<strong>en</strong>tre <strong>ville</strong> 151 . »Partant <strong>de</strong> la critique <strong>de</strong>s normes rigi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> la logique d’industrialisation régissant les programmesd’équipem<strong>en</strong>ts, Ousset a développé par la suite, le principe plus général selon lequel chaque équipem<strong>en</strong>trequiert une programmation spécifique, c’est-à-dire « une réflexion avec démarche d’innovationpossible » 152 . Cette ori<strong>en</strong>tation aboutit à la création d’une Direction <strong>de</strong>s Équipem<strong>en</strong>ts et <strong>de</strong>s ServicesCollectifs (DSC), service singulier dans l’univers <strong>de</strong>s Villes Nouvelles qui fait écho aux structures mises<strong>en</strong> place à l’IAURP.Le mouvem<strong>en</strong>t d’affirmation <strong>de</strong> la DSC par rapport à la discipline urbanistique est <strong>en</strong> fait double. Il s’agitbi<strong>en</strong> d’abord <strong>de</strong> l’acc<strong>en</strong>t mis sur la notion <strong>de</strong> service avec toute une démarche sociologique surl’appréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong>s habitants et sur l’organisation <strong>de</strong> synergies <strong>en</strong>tre acteurs sociaux,éducatifs et culturels 153 . La DSC « fait contrepoids au service <strong>de</strong> l’urbanisme et aux services techniqueset commerciaux » et elle « dépasse la rivalité <strong>en</strong>tre programmateurs et architectes-urbanistes » à traversles pratiques <strong>de</strong> travail pluridisciplinaire 154 .Mais il s’agit aussi <strong>de</strong> la valorisation du rôle <strong>de</strong> l’ingénieur pour superviser la réalisation <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts. Le rôle <strong>de</strong> maître d’ouvrage délégué qui lui revi<strong>en</strong>t conduit à la définition d’une ingénierie149 B. Ousset, Note sur l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts, juin 1971, [EPAMARNE 732w20].150 B. Ousset, Étu<strong>de</strong> pour une intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts dans trois quartiers <strong>de</strong> la Ville Nouvelle <strong>de</strong> la Vallée <strong>de</strong> laMarne, 11 juin 1970, [EPAMARNE 732w20].151 B. Ousset, Note sur l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts, op. cit.152 Ibid.153 Voir interview, annexe 02, p45.154 Boyer, op. cit., p. 202-203.55