L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal – Septembre 2005CHAPITRE Id’Evry dénoncée avec virul<strong>en</strong>ce par la gauche locale et aussi pour le c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> l’Arche Guédon à Marnela-Vallée).Dans le meilleur <strong>de</strong>s cas, comme dans le quartier <strong>de</strong>s pyrami<strong>de</strong>s à Evry ou aux 7 mares à StQu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong> Yvelines, la politique <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés s’articule avec le développem<strong>en</strong>t dans unesprit pionnier <strong>de</strong> la« société civile » et <strong>de</strong>s associations, relayant ainsi ce que Pierre Moulinier appellela méfiance <strong>de</strong> l’Etat Gaulli<strong>en</strong> vis-à-vis <strong>de</strong>s « intérêts mesquins <strong>de</strong> la société locale » et vis-à-vis <strong>de</strong>snotables 56 .Une mobilisation à rebours <strong>de</strong>s communes traditionnellesLe phénomène <strong>de</strong> rejet, la réaction <strong>de</strong>s édiles traditionnelles, se manifest<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manière particulièrem<strong>en</strong>tvirul<strong>en</strong>te lors du changem<strong>en</strong>t politique consécutif aux élections <strong>de</strong> 1977.L’exemple le plus connu <strong>de</strong> ce phénomène est celui d’Evry. Les témoignages <strong>de</strong> M. Mottez et <strong>de</strong> A.Darmagnac sur le sujet sont éloqu<strong>en</strong>ts. L’opposition <strong>en</strong>tre la MJC du vieil Evry, bastion <strong>de</strong> la gauche etles nouveaux équipem<strong>en</strong>ts socio-culturels produit par la droite technocratique va neutraliser la réflexionsur la programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts socio-culturels. Arrivée au pouvoir <strong>en</strong> 1977, la gauche vas’appliquer à dénoncer systématiquem<strong>en</strong>t ces équipem<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> utilisant <strong>de</strong>s argum<strong>en</strong>ts parfois àl’opposé <strong>de</strong> ceux qui ont pu <strong>en</strong>gager ailleurs certains maires progressistes dans l’av<strong>en</strong>ture <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts intégrés (comme à Gr<strong>en</strong>oble par exemple).Le rejet <strong>de</strong>s solutions jugées technocratiques est aussi souv<strong>en</strong>t le rejet <strong>de</strong>s solutions jugées tropmo<strong>de</strong>rnistes. La commune qui préexiste à la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> incarne alors la tradition, le modèle patrimonialet villageois. Ainsi à l’Isle-d’Abeau, l’évolution <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> force <strong>en</strong>tre communes appart<strong>en</strong>ant auterritoire <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> s’accompagne d’une évolution idéologique très marquée dans l’approche <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts socioculturels (voir interview <strong>de</strong> Bernard Millerioux <strong>en</strong> annexe) :- la situation initiale <strong>de</strong>s années 75-85 correspond au développem<strong>en</strong>t d’une commune neuve,Villefontaine. Le champ politique est dominé par les nouveaux élus <strong>de</strong> cette commune dont lesélus prédominant au syndicat d’agglomération sont <strong>en</strong> phase avec la politique expérim<strong>en</strong>tale surl’urbanisation et sur les équipem<strong>en</strong>ts collectifs que préconise l’EPIDA.- La situation change à partir <strong>de</strong>s années 85 avec une <strong>nouvelle</strong> commune <strong>en</strong> développem<strong>en</strong>tdominante l’Isle-d’Abeau, qui va développer une approche radicalem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong> la question<strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts. Cette <strong>nouvelle</strong> approche se caractérise par les traits suivants :- La valorisation du «village » et du patrimoine anci<strong>en</strong>. Alors que les élus <strong>de</strong>Villefontaine avai<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>u à ce que leur nouvel hôtel <strong>de</strong> <strong>ville</strong> soit construit dansles quartiers neufs, à l’Isle-d’Abeau, le village avec sa Mairie Ecole reste lec<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> gravité du développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la commune et il conc<strong>en</strong>tre la plupart<strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts sociaux et culturels.- La mise à l’écart <strong>de</strong> l’EPIDA <strong>en</strong> ce qui concerne la programmation <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts atypiques ayant une forte charge idéologique à savoir leséquipem<strong>en</strong>ts sociaux et culturels sans qu’il y ait véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> relais dans larecherche <strong>de</strong> nouveaux lieux à même <strong>de</strong> dynamiser la vie sociale 57 .En même temps cette mobilisation à rebours <strong>de</strong>s communes est loin d’être systématique et certainescommunes ont pu emboîter le pas <strong>de</strong>s EPA. Car 1977 c’est aussi le mom<strong>en</strong>t où les premiers habitants<strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s élus. Comme nous l’ont rappelé M. Mottez et H-L Jarrige, ceshabitants, y compris les professionnels <strong>de</strong>s EPA qui s’install<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Ville Nouvelle sont aussi <strong>de</strong>smilitants imprégnés d’idéal socioculturel. Ils contribu<strong>en</strong>t à alim<strong>en</strong>ter une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong> matière <strong>de</strong>programmation innovante et s’investiss<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>t dans les démarches <strong>de</strong> concertation (exemplesdu quartier <strong>de</strong>s Aunettes à Evry ou <strong>de</strong> Villefontaine à l’Isle d’Abeau que nous abordons plus loin).56 Pierre Moulinier, « L’Etat et les équipem<strong>en</strong>ts culturels (1959-1995) » in Les annales <strong>de</strong> la recherche urbaine, mars1996, n°70.57 « J’ai le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t qu’ici du côté <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> et <strong>de</strong> l’EPA, il a eu un appauvrissem<strong>en</strong>t sur ces sujets là. Moi je metsça un peu sur le compte du poids <strong>de</strong> l’opérationnel, <strong>en</strong> même temps du fait que si on s’avance sur ces terrains là, on estassez rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t barré par les élus qui nous dis<strong>en</strong>t : « mêlez-vous <strong>de</strong> ce qui vous regar<strong>de</strong> ». Mais <strong>en</strong> même temps lesélus <strong>de</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> ne rempliss<strong>en</strong>t pas le créneau. J’ai le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t quand même que le système <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> tel qu’il aété bâti a eu comme sous-produit négatif <strong>de</strong> mettre les élus <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> dans une espèce <strong>de</strong> cocon qui fait que pourcertains d’<strong>en</strong>tre eux, les choses leurs sont dues. Ca va v<strong>en</strong>ir comme ça, c’est soit à l’Etat <strong>de</strong> donner, soit à l’Etat <strong>de</strong> dire cequ’il faudrait faire, soit à d’autres <strong>en</strong> tous cas d’inv<strong>en</strong>ter les concepts, d’inv<strong>en</strong>ter les projets. Alors qu’<strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>de</strong> droitcommun les élus sav<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis toujours qu’il faut se pr<strong>en</strong>dre par la main, que la production d’idées c’est à eux <strong>de</strong> l’initier,d’aller chercher les solutions. »Interview <strong>de</strong> Bernard Millerioux par A. Korganow, le 22/11/2004, annexe 02, p85.22
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal – Septembre 2005CHAPITRE ILa mobilisation <strong>de</strong>s syndicats d’agglomérationLes syndicats d’agglomération (SCAAN puis SAN) constitu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> théoriel’instance politique locale à priori idéale pour développer la politique <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés à partirnotamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la problématique <strong>de</strong> l’intercommunalité. Un <strong>de</strong>s objectifs premiers du CEC <strong>de</strong> Yerresétait, rappelons-le, <strong>de</strong> mutualiser pour un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> communes <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts que chacune neserait pas <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> se payer.De fait et comme nous le décrivons plus loin à partir <strong>de</strong> l’exemple <strong>de</strong> l’Isle d’Abeau, les syndicatsd’agglomération vont s’efforcer <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge les politiques globales d’animation culturelle <strong>de</strong>s<strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s. A travers la constitution <strong>de</strong> services spécifiques et <strong>de</strong> commissions qui récupèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sactivités auparavant assurées par les EPA, ces <strong>nouvelle</strong>s instances locales vont s’impliquer <strong>de</strong> plus <strong>en</strong>plus dans la programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs.Mais le schéma idéal d’une <strong>nouvelle</strong> <strong>en</strong>tité politique intercommunale pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> charge la productiond’équipem<strong>en</strong>ts collectifs multifonctionnels capable d’incarner l’id<strong>en</strong>tité <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> peine às’imposer face à <strong>de</strong>s communes qui souhait<strong>en</strong>t d’abord conforter leur propre id<strong>en</strong>tité. C’est le constatque fait J.P. Quiles: « Comme l’intégration pour les équipem<strong>en</strong>ts, l’intercommunalité est trop artificiellepour se concrétiser spontaném<strong>en</strong>t et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un effort particulier, un exercice du pouvoir plussouple… » 58 . La définition <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t collectif est prise alors dans un système <strong>de</strong> rapports <strong>de</strong> force<strong>en</strong>tre l’EPA, le SAN et les communes, ce qui fait que personne ne se risque à expérim<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> <strong>nouvelle</strong>sformes <strong>de</strong> programmation (voir à ce sujet le témoignage <strong>de</strong> G. Machu <strong>en</strong> annexe).De ce point <strong>de</strong> vue, la difficulté prés<strong>en</strong>tée par la formule <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t intégré est aussi d’associerdans une même <strong>en</strong>tité <strong>de</strong>s programmes correspondant à <strong>de</strong>s échelles urbaines différ<strong>en</strong>tes, un c<strong>en</strong>tresocial s’adressant au quartier avec un c<strong>en</strong>tre culturel à vocation intercommunale par exemple. Larépartition <strong>de</strong>s compét<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les syndicats d’agglomération et les communes finit par conforter ladivision sectorielle antérieure <strong>en</strong>tre les équipem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> diffusion culturelle et les équipem<strong>en</strong>ts socioéducatifs.Aux SAN revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les scènes nationales, les médiathèques, les écoles nationales <strong>de</strong>musiques, les gran<strong>de</strong>s salles <strong>de</strong> rock, aux communes revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les maisons <strong>de</strong> quartier, les MJC, lesbibliothèques, les salles polyval<strong>en</strong>tes.C’est ce phénomène que souligne G<strong>en</strong>eviève Machu dans le cas <strong>de</strong> Marne-la-Vallée. L’équipem<strong>en</strong>tcollectif pâtit <strong>de</strong> l’apparition dans les <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> nouveaux clivages qui succèd<strong>en</strong>t ou s’ajout<strong>en</strong>taux précéd<strong>en</strong>ts. Cette sectorisation r<strong>en</strong>force la désaffection dans les années 80 pour le principed’intégrationPour l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> ces acteurs c<strong>en</strong>traux et locaux que nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> décrire rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, nous voyonsque l’équipem<strong>en</strong>t intégré constitue d’abord un lieu <strong>de</strong> débat. Ces acteurs se retrouv<strong>en</strong>t lors <strong>de</strong>s grandmessesqui <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t cette « mobilisation » <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>, les colloques <strong>de</strong> Yerres <strong>en</strong> 1970, lecolloque <strong>de</strong> Marly-le-Roi <strong>en</strong> 1973, ainsi que les grands concours d’urbanisme au premier rang <strong>de</strong>squelsle concours d’Evry I <strong>en</strong> 1971.Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> cet <strong>en</strong>jeu <strong>de</strong> débat, l’équipem<strong>en</strong>t intégré va constituer le premier support <strong>de</strong> développem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> d’une activité relativem<strong>en</strong>t neuve, celle <strong>de</strong> la programmation. Comm<strong>en</strong>t s’articul<strong>en</strong>t ces<strong>de</strong>ux champs d’innovation rev<strong>en</strong>diqués comme tels par les promoteurs <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, c’est ce qu<strong>en</strong>ous allons examiner maint<strong>en</strong>ant.58 Jean-Pascal Quilès, « Villes <strong>nouvelle</strong>s, culture et intercommunalité. La création <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, un champ privilégiépour l’action culturelle ? », DESS « direction <strong>de</strong> projets culturels » université Pierre M<strong>en</strong>dès-France, IEP <strong>de</strong> Gr<strong>en</strong>oble, 1994,p172.23