L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal - Septembre 2005CHAPITRE IIId’échapper au caractère social <strong>de</strong>s grands <strong>en</strong>sembles pour initier une dynamiqued’investissem<strong>en</strong>t privé. La question du positionnem<strong>en</strong>t du c<strong>en</strong>tre commercial, <strong>de</strong>l’organisation <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssertes et du stationnem<strong>en</strong>t, la nécessité d’aller vite pour que le c<strong>en</strong>trecommercial s’installe bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> et non pas à côté sont <strong>de</strong>s données majeures <strong>de</strong>la constitution <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>. L’influ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> la matière <strong>de</strong>s théoriesaméricaines et <strong>de</strong> celles <strong>en</strong> particulier <strong>de</strong> l’urbaniste et spécialiste <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>trescommerciaux Victor Gru<strong>en</strong> sont très fortes, son interv<strong>en</strong>tion au colloque <strong>de</strong> 1969 sur lesprincipes d’urbanisation <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s américaines à partir exclusivem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> capitauxprivés apporte un éclairage nouveau par rapport aux principes d’aménagem<strong>en</strong>t découlant <strong>de</strong>la planification étatique <strong>de</strong>s quartiers <strong>de</strong> logem<strong>en</strong>t social <strong>en</strong> France 218 .- La question <strong>de</strong> la d<strong>en</strong>sification du bâti et <strong>de</strong> la forme urbaine est aussi une donnéeperman<strong>en</strong>te. Suivant le modèle <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres anci<strong>en</strong>s europé<strong>en</strong>s définis par opposition aumodèle américain <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> diffuse, il s’agit d’intégrer un habitat au c<strong>en</strong>tre c’est-à-dired’associer le regroupem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s services et <strong>de</strong>s commerces avec un habitat collectif d<strong>en</strong>se<strong>en</strong> superposant les fonctions, comme le font les immeubles urbains traditionnels avec leurlocaux d’activité à rez-<strong>de</strong>-chaussée. La recherche d’intégration physique <strong>de</strong>s activités dansl’habitat du c<strong>en</strong>tre s’applique aussi au c<strong>en</strong>tre commercial. Il s’agit <strong>de</strong> le relier à l’habitat pourpalier à la faiblesse <strong>de</strong> son architecture et aussi pour faire bénéficier à l’<strong>en</strong>semble du c<strong>en</strong>tre<strong>de</strong> son pouvoir attractif.- La question <strong>de</strong>s infrastructures, <strong>de</strong> l’accessibilité <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres par les transports <strong>en</strong> communet par l’automobile (réseau et stationnem<strong>en</strong>t) est le corollaire dans la conception <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> regroupem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s activités. La séparation <strong>de</strong>s flux piéton etautomobile est un préalable systématique à la conception <strong>de</strong>s premiers c<strong>en</strong>tres <strong>en</strong><strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>. Pour les équipes <strong>de</strong>s EPA, le fait <strong>de</strong> privilégier les liaisons piétonnes pourrelier <strong>en</strong>tre eux les équipem<strong>en</strong>ts correspond au choix « culturel » <strong>de</strong> la « rue » àl’Europé<strong>en</strong>ne par opposition au modèle américain du tout voiture. C’est à partir <strong>de</strong> cetespace piéton protégé rassembleur que s’affirme la notion d’ « espace public » associée à lanotion urbanistique d’intégration.L’intégration comme capacité d’évolution <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tresLa question du temps et <strong>de</strong> l’évolution dans le temps <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> est une <strong>de</strong>s données qui distingue le plusl’approche <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la planification <strong>de</strong>s grands <strong>en</strong>sembles. L’organisation <strong>de</strong> lac<strong>en</strong>tralité, la hiérarchisation <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres mais aussi la conception évolutive d’une structure urbaine etd’une structure du bâti sont étroitem<strong>en</strong>t liés à cette prise <strong>en</strong> compte du facteur temps dans laplanification urbaine.Cette notion d’évolutivité du c<strong>en</strong>tre est prise <strong>en</strong> compte à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés divers par les différ<strong>en</strong>tes équipesd’aménageurs. Elle est particulièrem<strong>en</strong>t argum<strong>en</strong>tée par l’équipe du Vaudreuil qui y apporte unedim<strong>en</strong>sion politique et sociale. Contre une conception figée du c<strong>en</strong>tre comme recette mêlant suivant unsavant dosage, habitat, équipem<strong>en</strong>ts et commerces, l’équipe du Vaudreuil emm<strong>en</strong>ée par Lacaze déf<strong>en</strong>dle principe d’un dispositif moins hiérarchique (<strong>en</strong>tre le c<strong>en</strong>tre et la périphérie), moins déterminé et moinslocalisé : « Pr<strong>en</strong>ez un dosage précis <strong>de</strong> chaque fonction c<strong>en</strong>trale, ajoutez la quantité nécessaire <strong>de</strong>places <strong>de</strong> parking et une <strong>de</strong>sserte <strong>en</strong> transport <strong>en</strong> commun, <strong>en</strong>veloppez le tout dans un plan massesans oublier <strong>de</strong> placer soigneusem<strong>en</strong>t un « magnet » à chaque bout du grand axe, coulez le tout dansdu béton et arrosez un peu <strong>de</strong> musique douce, <strong>de</strong> fleurs et <strong>de</strong> publicité. La c<strong>en</strong>tralité ne peutqu’apparaître. Le point faible <strong>de</strong> cette démarche paraît se trouver dans l’idée que le problème se poseuniquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> terme <strong>de</strong> combinaisons architecturales ou urbanistiques. Or, <strong>de</strong> par sa nature même, lec<strong>en</strong>tre d’une <strong>ville</strong> est le lieu privilégié <strong>de</strong>s conflits, <strong>de</strong>s concurr<strong>en</strong>ces qui sont la vie <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> et <strong>de</strong> lacollectivité qui l’habite. La c<strong>en</strong>tralité implique une possibilité perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> modification d’élém<strong>en</strong>ts dudécor, <strong>de</strong> création ou d’ext<strong>en</strong>sion d’activités, l’<strong>en</strong>semble échappant <strong>de</strong> toute évid<strong>en</strong>ce à une planificationrigoureuse» 219 .Cette approche s’appuie principalem<strong>en</strong>t sur trois notions :218 Interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> H. Victor Gru<strong>en</strong> au colloque « C<strong>en</strong>tres urbains » , op. cit.219 J.P. Lacaze, G. Thurnauer, C. Harris, “Recherche et stratégie <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> oeuvre d’une stratégie <strong>de</strong> la c<strong>en</strong>tralité dans la<strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> du Vaudreuil” in Colloque sur les c<strong>en</strong>tres et la c<strong>en</strong>tralité dans les <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s, Institut Françaisdu Royaume Uni, Londres, 13-14 octobre 1972.72
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal - Septembre 2005CHAPITRE III- la notion <strong>de</strong> « structure urbaine » comme support <strong>de</strong> l’évolution du cadre bâti,- la notion <strong>de</strong> réseau comme alternative à la conc<strong>en</strong>tration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts dans un c<strong>en</strong>treunique et comme alternative à une organisation hiérarchique <strong>de</strong>s fonctions <strong>en</strong>tre les quartiers etle c<strong>en</strong>tre principal,- <strong>en</strong>fin la notion <strong>de</strong> participation qui implique un processus <strong>de</strong> production <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t danslequel la population intervi<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> particulier dans le processus <strong>de</strong> localisation et <strong>de</strong>développem<strong>en</strong>t du ou <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres.Sur le modèle <strong>de</strong> l’organisation parcellaire <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> traditionnelle, l’intégration associée à l’évolutivitér<strong>en</strong>voie donc surtout à une capacité d’accueil d’activités diverses par une structure bâtie. La notiond’intégration est directem<strong>en</strong>t associée dans cette optique, comme nous le montrons plus loin, auxnotions <strong>de</strong> sol artificiel, <strong>de</strong> dalle et <strong>de</strong> mégastructure.L’intégration et la diversification <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tresLa stratégie <strong>de</strong> singularisation <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres est au cœur <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong>s équipesd’aménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s (<strong>de</strong>s neuf <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s labellisées mais aussi <strong>de</strong>s autres tellesque Créteil, La Vill<strong>en</strong>euve <strong>de</strong> Gr<strong>en</strong>oble, etc. 220 ). « Chaque <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> est spécifique » souligne R.Hirsch <strong>en</strong> préambule <strong>de</strong> son exposé sur le traitem<strong>en</strong>t du c<strong>en</strong>tre à Cergy-Pontoise dans le colloque <strong>de</strong>1969 sur les c<strong>en</strong>tres urbains 221 .Cet <strong>en</strong>jeu <strong>de</strong> singularisation qui concerne les <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>en</strong>tre elles mais aussi les différ<strong>en</strong>ts c<strong>en</strong>tresau sein d’une même <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> passe d’abord par la quête <strong>de</strong> nouveaux équipem<strong>en</strong>ts et par <strong>de</strong>sregroupem<strong>en</strong>ts « inédits »: il s’agit <strong>de</strong> « doter chaque gran<strong>de</strong> masse urbaine d’un c<strong>en</strong>tre secondaire qui,conformém<strong>en</strong>t à la morphologie du site, <strong>en</strong> affirme la cohésion et la relative indép<strong>en</strong>dance par rapport àl’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> (et prés<strong>en</strong>te par ailleurs <strong>de</strong> gros avantages pour la stratégie <strong>de</strong> développem<strong>en</strong>t), ona voulu saisir l’occasion d’<strong>en</strong>richir et <strong>de</strong> « personnaliser » certains c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> proximité afin <strong>de</strong> créer unestructure urbaine qui ne soit pas simplem<strong>en</strong>t hiérarchique, donc simpliste (Cf. « une <strong>ville</strong> n’est pas unarbre » <strong>de</strong> Christopher Alexan<strong>de</strong>r) » 222 .L’alternative pour traiter la c<strong>en</strong>tralité principale <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> <strong>en</strong>tre un c<strong>en</strong>tre dominant ou plusieursc<strong>en</strong>tres, question reliée à la précéd<strong>en</strong>te (ce choix participe <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong> chaque <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>)donne lieu à trois approches. La première consiste à favoriser un c<strong>en</strong>tre principal unique, un « cœur <strong>de</strong><strong>ville</strong> » (c’est la solution ret<strong>en</strong>ue à Evry), la <strong>de</strong>uxième consiste à planifier <strong>de</strong>ux c<strong>en</strong>tres principaux <strong>en</strong>s’appuyant sur le facteur temps. Le premier c<strong>en</strong>tre (c<strong>en</strong>tre secondaire) est adapté au démarrage <strong>de</strong> la<strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> dans son échelle, sa conc<strong>en</strong>tration <strong>de</strong>s services, le <strong>de</strong>uxième c<strong>en</strong>tre différé (futur c<strong>en</strong>treprincipal) est <strong>de</strong>stiné à répondre à la réalité future <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>. Cette approche dédoublée duc<strong>en</strong>tre est celle qui a été ret<strong>en</strong>ue à Cergy-Pontoise, à St Qu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong> Yvelines et aussi à l’Ile d’Abeau. Latroisième attitu<strong>de</strong> consiste à prôner un polyc<strong>en</strong>trisme plus radical. C’est la position déf<strong>en</strong>due auVaudreuil avec les notions <strong>de</strong> réseau et <strong>de</strong> « nodules » ou à Marne-la-Vallée avec l’organisation linéairele long du RER <strong>en</strong> quatre c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> secteurs.Ce sont donc quatre et non trois niveaux <strong>de</strong> c<strong>en</strong>tralité qui intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>, la notion <strong>de</strong>c<strong>en</strong>tre secondaire ou c<strong>en</strong>tre provisoire ou c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> secteur vi<strong>en</strong>t s’ajouter à la hiérarchie classique,c<strong>en</strong>tre principal ou « régional », c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> quartier et c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> voisinage. Si l’<strong>en</strong>jeu <strong>de</strong> conc<strong>en</strong>tration etd’intégration <strong>de</strong>s fonctions intervi<strong>en</strong>t à priori aux différ<strong>en</strong>ts niveaux comme ce fut le cas à Evry, que cesoit pour mettre <strong>en</strong> place d’emblée un c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> très attractif ou pour développer <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong>quartier 223 , c’est autour du niveau intermédiaire <strong>de</strong> c<strong>en</strong>tre secondaire ou <strong>de</strong> c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> secteur que le220 Le numéro 120-121 <strong>de</strong> la revue Urbanisme, déjà cité intitulé « C<strong>en</strong>tres », montre que la question peut être abordée dansd’autres opérations telles que la restructuration d’Arg<strong>en</strong>teuil, la Part-Dieu à Lyon ou <strong>en</strong>core Rou<strong>en</strong> Saint-Sever.221 Ministère <strong>de</strong> l’Equipem<strong>en</strong>t et du Logem<strong>en</strong>t - Direction <strong>de</strong> l’Aménagem<strong>en</strong>t foncier et <strong>de</strong> l’Urbanisme - Bureau <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s<strong>nouvelle</strong>s, Colloque « C<strong>en</strong>tres Urbains ». Texte <strong>de</strong>s confér<strong>en</strong>ces et débats. 2-3-4 juillet 1969. [Médiathèque du Val <strong>de</strong>Reuil]222 Clau<strong>de</strong> Vignaud (EPIDA), « Quels c<strong>en</strong>tres pour l’Isle d’Abeau ? ». Texte dactylo. mai 1979, p 3. In « Les Dossiers <strong>de</strong>sVilles Nouvelles. C<strong>en</strong>tres urbains <strong>en</strong> Villes Nouvelles ». SGGCVN, 19 juin 1979.223 « Dans une urbanisation aussi éclatée, composée <strong>de</strong> surcroît à plus <strong>de</strong> 50% <strong>de</strong> maisons individuelles, la notion <strong>de</strong>« c<strong>en</strong>tre » qui avait pu être contestée ailleurs (par exemple dans une expéri<strong>en</strong>ce aussi intéressante que le Vaudreuil)repr<strong>en</strong>d toute sa signification ici (…) Pour comp<strong>en</strong>ser le morcellem<strong>en</strong>t du tissu urbain et la faible d<strong>en</strong>sité <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble,on a donc choisi à l’Isle d’Abeau <strong>de</strong> conc<strong>en</strong>trer le plus possible ce que l’on nomme « les équipem<strong>en</strong>ts » dans lesc<strong>en</strong>tres ». Clau<strong>de</strong> Vignaud (EPIDA), texte dactylo, mai 1979, extrait <strong>de</strong> Les Dossiers <strong>de</strong>s Villes Nouvelles – C<strong>en</strong>tresUrbains <strong>en</strong> Villes Nouvelles, SGGCVN, colloque du 19 juin 1979.73