L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportdéfinitif - Février 2005CHAPITRE II<strong>de</strong>ux approches, dans les faits c’est principalem<strong>en</strong>t la concertation <strong>en</strong>tre professionnels et acteursinstitutionnels qui est effective.De façon très liée au travail <strong>de</strong> reformulation <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités programmatiques, l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>tscollectifs induit une réflexion sur les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> planification, sur les « motivations profon<strong>de</strong>s » <strong>de</strong>saménageurs et <strong>de</strong>s institutions concernées, sur les t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre les professionnels impliqués. C’est ceà quoi vont s’attacher plusieurs bureaux d’étu<strong>de</strong>s <strong>en</strong> particulier le BERU et le CERFI. En préambuled’une étu<strong>de</strong> réalisée <strong>en</strong> 1975 sur le processus <strong>de</strong> conception <strong>de</strong> la « Piazza » à Marne-la-vallée, leBERU annonce ainsi que cette étu<strong>de</strong> « <strong>de</strong>vait permettre <strong>de</strong> reconnaître dans ce processus, à chaquedétour <strong>de</strong> la réflexion, les référ<strong>en</strong>ces consci<strong>en</strong>tes et inconsci<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s acteurs, les conflits<strong>de</strong> métho<strong>de</strong>, les rapports <strong>de</strong> force, les hésitations et les compromis dont l’objet était la réalisation d’un<strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts les plus importants d’une Ville Nouvelle (...) Il ne semble pas exister à ce jour <strong>de</strong> textesur une équipe pluridisciplinaire confrontée à un projet limité mais dont le cont<strong>en</strong>u est suffisamm<strong>en</strong>triche pour provoquer <strong>de</strong>s confrontations doctrinales dans les domaines les plus variés » 68Par contre la participation <strong>de</strong>s habitants à travers les procédures <strong>de</strong> concertation se heurte à la fois à<strong>de</strong>s difficultés d’ordre général et à <strong>de</strong>s problèmes spécifiques aux <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s dont le plus flagrant estl’abs<strong>en</strong>ce initiale d’habitants dans les nouveaux quartiers à concevoir.II.1.1 – Le groupe <strong>de</strong> travail comme outil <strong>de</strong> programmationLe principe du « groupe <strong>de</strong> travail » comme outil <strong>de</strong> programmation, dont on peut trouver les premiersexemples d’utilisation dans les années 50-60, notamm<strong>en</strong>t à l’occasion <strong>de</strong> l’élaboration <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong>la culture (à Gr<strong>en</strong>oble, à St Eti<strong>en</strong>ne), va être systématisé et théorisé comme métho<strong>de</strong> à l’occasion <strong>de</strong> laprogrammation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés. La Mission d’Aménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> du Vaudreuil aété particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> pointe sur le sujet. Les sociologues Anne Hublin et Gérard Héliot ont produitplusieurs textes <strong>de</strong> cadrage théorisant cette métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> programmation directem<strong>en</strong>t reliée à la formule<strong>de</strong> l’intégration <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts 69 .Le premier point qui mérite d’être souligné dans cet effort <strong>de</strong> théorisation du groupe <strong>de</strong> travail est le rôle<strong>de</strong> ce dispositif dans l’ouverture <strong>de</strong>s équipes d’aménageurs aux points <strong>de</strong> vue et compét<strong>en</strong>cesextérieurs : « Le groupe <strong>de</strong> travail fait appel à l’extérieur <strong>de</strong> la mission à <strong>de</strong>s personnalités dont lesstatuts sont extrêmem<strong>en</strong>t divers (pouvoir <strong>de</strong> décision, compét<strong>en</strong>ce technique, représ<strong>en</strong>tativité sont lescomposantes <strong>de</strong> ces statuts) 70 ».Le <strong>de</strong>uxième point concerne la différ<strong>en</strong>tiation <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong>s acteurs sollicités.L’équipe du Vaudreuil distingue ainsi les groupes <strong>de</strong> travail « techniques » et les groupes <strong>de</strong> réflexion 71 .On peut noter qu’une distinction similaire est formalisée à Vill<strong>en</strong>euve d’Ascq. D’un côté les « PHAR »consist<strong>en</strong>t dès le départ <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> <strong>en</strong> <strong>de</strong>s réunions <strong>de</strong> concertation <strong>en</strong>tre l’EPALE et leshabitants sur les projets <strong>en</strong> cours. Ces réunions font partie intégrante <strong>de</strong> la politique d’animation m<strong>en</strong>éepar l’EPALE. De l’autre les « GRIP » (Groupes <strong>de</strong> Réflexion Interdépartem<strong>en</strong>ts sur les Politiques)réuniss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manière horizontale et thématique les professionnels <strong>de</strong> l’aménagem<strong>en</strong>t : « Le contrôle<strong>de</strong>s opérations et le souci du détail pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t beaucoup <strong>de</strong> temps à la majorité d’<strong>en</strong>tre nous, et c’estparfaitem<strong>en</strong>t normal. Mais une somme <strong>de</strong> détails réussis ne crée pas toujours un <strong>en</strong>semble harmonieux,il est indisp<strong>en</strong>sable qu’un fil conducteur soit tracé. L’action <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> réflexion interdépartem<strong>en</strong>tssur les politiques (les GRIP) qui ont comm<strong>en</strong>cé à travailler à l’EPA il y a quelques mois vis<strong>en</strong>t àproposer certains <strong>de</strong> ces fils conducteurs. Cette réflexion est comme la coordination <strong>de</strong>s opérations un68 A. Zubl<strong>en</strong>a, BERU. Introduction <strong>de</strong> PIAZZA - Marne-la-Vallée, analyse d’un processus. E P A <strong>de</strong> la Ville Nouvelle <strong>de</strong>Marne-la-Vallée/Secrétariat à la culture, contrat CORDA, Février 1977 [EPAMARNE/EPAFRANCE : 2132/M08]69 Nous avons trouvé à ce sujet plusieurs textes aux Archives Départem<strong>en</strong>tales <strong>de</strong> l’Eure :- G. Héliot / MEVNV, « Les groupes <strong>de</strong> travail », note dactyl. n°316, 17 octobre 1969 [AD Eure, 1421W169]- A. Hublin / MEVNV, « L’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail fonctionnant à l’Isle d’Abeau », note dactyl., 5 octobre 1970[AD Eure, 1421W256]- A. Hublin / MEVNV, « Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs, la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail», note dactyl., 5 octobre 1970[AD Eure, 1421W256]70 A. Hublin / MEVNV, « Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs, la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail», op. cit., p2.71 Ville <strong>nouvelle</strong> du Vaudreuil, « Equipem<strong>en</strong>ts collectifs – Mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong>s groupes techniques », note dactylo., 25sept. 1972. [AD Eure, 1421W256]. Note établie à l’occasion d’une réunion <strong>de</strong> l’EPA au Rectorat et avec Jean Pellerano le15/11/1972.28
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportdéfinitif - Février 2005CHAPITRE IItravail d’équipe » 72 . L’action <strong>de</strong> ces GRIP va à l’<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s spécialisations et <strong>de</strong>s sectorisations ausein même <strong>de</strong> l’EPA pour retrouver une approche globale animée par la flamme humaniste : « Il n’existepas d’immersion pour l’EPALE. Terme à réserver au GRIP. L’immergé doit faire la part <strong>de</strong> l’êtreprofessionnel et la part <strong>de</strong> l’homme » 73 .II.1.2 – La démarche consultative modèle orchestrée au VaudreuilLa démarche orchestrée <strong>de</strong> juin 1971 à juin 1972 au Vaudreuil par la Mission d’aménagem<strong>en</strong>t avec leconcours <strong>de</strong> la SARS (bureau d’étu<strong>de</strong> filiale <strong>de</strong> OTAM spécialisé dans les techniques d’animationregroupant une équipe <strong>de</strong> sociologues et <strong>de</strong> psychologues) a été certainem<strong>en</strong>t la plus importante dug<strong>en</strong>re 74 . Elle est déjà décrite et valorisée comme processus attaché à la problématique <strong>de</strong> l’intégrationdès 1973 dans la somme réalisée par Rose Bergouignan et Simone Martin 75 . Néanmoins, il nous sembleutile d’<strong>en</strong> rappeler ici brièvem<strong>en</strong>t les principales caractéristiques :Cette démarche qui s’inscrivait dans une perspective plus large <strong>de</strong> remise <strong>en</strong> cause <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong>planification autoritaire habituellem<strong>en</strong>t associées à la création <strong>de</strong>s nouveaux <strong>en</strong>sembles urbains a aboutià un processus <strong>de</strong> consultations d’<strong>en</strong>viron 200 personnes sur le thème <strong>de</strong> la programmation <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts collectifs. On est là, suivant la terminologie utilisée par G. Héliot et A. Hublin, dans leregistre du groupe <strong>de</strong> réflexion poussé à son comble. La démarche a été m<strong>en</strong>ée avec une structuration<strong>en</strong> groupes <strong>de</strong> travail d’une quinzaine <strong>de</strong> personnes avec quatre étapes <strong>de</strong> discussion :- « discussion <strong>de</strong>s objectifs globaux <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>- réflexion sur la finalité <strong>de</strong>s services propres à chaque équipem<strong>en</strong>t- élaboration <strong>de</strong>s directives précises <strong>de</strong> conception <strong>de</strong>s services collectives- confrontation <strong>de</strong> ces directives sectorielles pour l’élaboration d’un programme d’<strong>en</strong>semblelocalisé » 76Le processus était sous-t<strong>en</strong>du par un objectif <strong>de</strong> participation <strong>de</strong>s habitants, <strong>de</strong> « conception collectiveurbaine» 77 . Cet objectif est associé à la notion <strong>de</strong> « germe » notion utilisée par l’équipe d’aménagem<strong>en</strong>tpour définir l’<strong>en</strong>tité urbaine initiale <strong>de</strong>vant servir d’amorce au processus d’urbanisation <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>:« La notion <strong>de</strong> germe consiste à privilégier l’analyse du court terme et même <strong>en</strong> ce qui concerne ladétermination initiale <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> à établir une proposition évolutive, qui ne soit que l’embryon <strong>de</strong> la future<strong>ville</strong>. Cette perspective <strong>de</strong> « développem<strong>en</strong>t ouvert » doit autoriser les premiers habitants à interv<strong>en</strong>irimmédiatem<strong>en</strong>t sur leur milieu <strong>de</strong> vie ».La traduction <strong>de</strong> cet objectif <strong>de</strong> participation <strong>de</strong>s habitants avait <strong>de</strong> fait <strong>de</strong>ux supports déclarés auVaudreuil:− le logem<strong>en</strong>t avec les possibilités constructives <strong>de</strong> déplacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s cloisonsintérieurs− les équipem<strong>en</strong>ts collectifs avec la possibilité d’une interv<strong>en</strong>tion dès le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> laconception et <strong>de</strong> la programmation.Si le domaine <strong>de</strong> l’habitation a pu donner lieu à quelques expéri<strong>en</strong>ces emblématiques (expéri<strong>en</strong>ce d’unprototype d’immeuble pour du logem<strong>en</strong>t «à la carte » suivie par Quaternaire Education <strong>en</strong> 1974),l’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s habitants dans la conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs est restée très théorique.Le processus ambitieux dont nous parlons relevait plutôt d’une démarche interprofessionnelle etinterinstitutionnelle, impliquant les catégories suivantes:− administrateurs <strong>de</strong>s services départem<strong>en</strong>taux et régionaux72 EPALE, « L’action <strong>de</strong>s Groupes <strong>de</strong> Réflexion Interdépartem<strong>en</strong>ts sur les Politiques », note dactylo, 15 mars 1973.[AM Vill<strong>en</strong>euve d’Ascq, 6EP 231]73 GRIP n°1, « Vie collective », texte dactyl.,1972 [AM Vill<strong>en</strong>euve d’Ascq, 6EP 231]74 Mission d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Ville Nouvelle du Vaudreuil, Réflexion collective sur la conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la <strong>ville</strong><strong>nouvelle</strong> du Vaudreuil, Lery, mars 1973, 167p.75 Rose Bergouignan et Simone Martin, Les équipem<strong>en</strong>ts intégrés, op. cit.76 Réflexion collective sur la conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> du Vaudreuil, op. cit. p13.77 « La réflexion sur la conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts publics s’inscrit donc dans un processus plus large <strong>de</strong> planificationouverte, elle n’est qu’un <strong>de</strong>s aspects d’une métho<strong>de</strong> d’<strong>en</strong>semble qui vise à substituer à l’urbanisme autoritaire <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> participation à la création collective du milieu urbain » Ibid., p10.29