L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportdéfinitif - Février 2005CHAPITRE IIComme on peut le constater, l’objectif large <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> est très proche <strong>de</strong> celui visé par la réflexionm<strong>en</strong>ée au Vaudreuil :« D’une façon générale, le prés<strong>en</strong>t contrat était conçu à l’origine comme l’introduction à une rechercheméthodologique sur l’appréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sociale d’équipem<strong>en</strong>ts collectifs, première phase quiviserait à expliciter les fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts théoriques <strong>de</strong> ce que nous avons désigné et pratiqué sousl’appellation <strong>de</strong> « Programmation institutionnelle » 86 .Mais là où l’équipe du Vaudreuil se limite à une démarche consultative visant à infléchir à la marge leprocessus décisionnel institutionnel, le CERFI se propose <strong>de</strong> modifier plus radicalem<strong>en</strong>t et concrètem<strong>en</strong>tle processus <strong>de</strong> planification.La démarche qui s’attaque «au niveau profondém<strong>en</strong>t inconsci<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’institution administrative » 87 vise àdégager les conditions concrète d’une interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> programmation institutionnelle, ce que F. Guattarirésume ainsi:« -Comm<strong>en</strong>t faire pour que la programmation d’une <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong>, qui pourrait être à la pointe <strong>de</strong>l’innovation, ne se fon<strong>de</strong> pas sur <strong>de</strong>s formules déjà périmées <strong>de</strong>puis 10 ou 15 ans ?- Comm<strong>en</strong>t vous, programmistes, pouvez-vous être branchés sur <strong>de</strong>s interlocuteurs réels ? » 88La démarche du CERFI repose sur un double choix : d’une part le choix du terrain <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>scomme terrain propice à l’expérim<strong>en</strong>tation et d’autre par le choix <strong>de</strong> l’hygiène m<strong>en</strong>tale comme champd’interv<strong>en</strong>tion privilégié à partir duquel peuv<strong>en</strong>t être mis <strong>en</strong> place <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> concertation et <strong>de</strong>sprincipes <strong>de</strong> programmation susceptibles d’être exploités dans d’autres domaines 89 .Pour approfondi les motivations communes <strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>tes Villes Nouvelles <strong>en</strong> s’attachant àdégager <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue « l’idéologie <strong>de</strong> la Ville Nouvelle » et pour cerner les possibilités <strong>de</strong>programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts d’hygiène m<strong>en</strong>tale, un cycle <strong>de</strong> réunions interdisciplinaires est organiséavec les différ<strong>en</strong>ts programmateurs <strong>de</strong>s Villes Nouvelles (réunions organisées <strong>en</strong> 71-72 à l’EcoleFreudi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> Paris 90 ). Ces réunions animées pour le CERFI par F. Guattari, par Fourquet, H. Maury etL. Mozère, sont l’occasion d’expliciter les critères, les « grilles d’interprétations » dont se serv<strong>en</strong>t lesprogrammeurs pour définir leurs marges <strong>de</strong> liberté par rapport aux normes nationales. Elles s’intéress<strong>en</strong>taussi aux conflits, aux t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts corps <strong>de</strong> métier qui compos<strong>en</strong>t les équipespluridisciplinaires. Dans son appréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> programmation <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t collectif <strong>en</strong>Ville Nouvelle, le CERFI valorise le dispositif <strong>de</strong>s équipes pluridisciplinaires permettant « une planificationglobale et à long terme du un territoire donné » 91 , il valorise aussi la démarche <strong>de</strong> contestation <strong>de</strong>snormes quantitatives et d’introduction <strong>de</strong> critères qualitatifs déjà <strong>en</strong>treprise dans le domaine <strong>de</strong>séquipem<strong>en</strong>ts éducatifs et socio-culturels.La réflexion est m<strong>en</strong>ée à partir <strong>de</strong>s cas concrets <strong>de</strong> Marne-la-Vallée, <strong>de</strong> Evry et <strong>de</strong> Saint-Qu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong>Yvelines. M. Salesse expose le 23/11/1971 le cas <strong>de</strong> Marne-la-Vallée et la politique d’intégration <strong>de</strong>s86CERFI, « La programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs dans les Villes Nouvelles. Les équipem<strong>en</strong>ts d’hygiènem<strong>en</strong>tale » Conv<strong>en</strong>tion d’étu<strong>de</strong> <strong>en</strong>tre le CERFI et la Direction <strong>de</strong> l’Aménagem<strong>en</strong>t Foncier et <strong>de</strong> l’Urbanisme (Ministère <strong>de</strong>l’Equipem<strong>en</strong>t) - 4 mai 1971. Introduction, p2.87 Ibid., p58.88 CERFI, Programmation, <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s et hygiène m<strong>en</strong>tale, Compte-r<strong>en</strong>du <strong>de</strong> la réunion du mardi 25 janvier 1972 t<strong>en</strong>ue àl’Ecole Freudi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> Paris, «Exposé <strong>de</strong> ma<strong>de</strong>moiselle Bacot sur le <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> <strong>de</strong> St Qu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong> Yvelines ». [ADEssonne, 1523W630]89 « Deux voies se proposai<strong>en</strong>t pour les abor<strong>de</strong>r :- Soit que nous pr<strong>en</strong>ions les problèmes dans leur plus gran<strong>de</strong> ext<strong>en</strong>sion <strong>en</strong> y intégrant les questions <strong>de</strong>Neuropsychiatrie Infantile, les problèmes d’hygiène scolaire et d’animation <strong>de</strong> la cité, etc… (comm<strong>en</strong>t vivre dansune <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> ? etc…)- Soit que nous délimitions notre objet à la psychiatrie et à l’Hygiène M<strong>en</strong>tale « adulte » <strong>en</strong> n’<strong>en</strong>visageant qu’à titre<strong>de</strong> prolongem<strong>en</strong>ts annexes ses rapports avec l’hôpital général, les équipem<strong>en</strong>ts culturels, sportifs, etc…Nous vous proposons la secon<strong>de</strong> voie, peut-être moins captivante, mais pourtant déjà fort ambitieuse. Il nous sembleurg<strong>en</strong>t d’essayer <strong>de</strong> marquer <strong>de</strong>s points sur le terrain concret et <strong>de</strong> ne pas nous cont<strong>en</strong>ter d’élaborations tropgénérales. Il faut faire la preuve que le dialogue est possible, que dans un secteur délimité, on peut infléchir lesprojets existants, qu’il n’y a pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>stin irrémédiable qui fasse que toujours on construise <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts, audépart périmés <strong>de</strong> vingt ans ou plus»Félix Guattari, in Recherches, « Programmation <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s et hygiène m<strong>en</strong>tale », CR <strong>de</strong> la réunion du 26 octobre1971 t<strong>en</strong>ue à l’Ecole Freudi<strong>en</strong>ne – Paris, [AD Essone, 1523W630], p2-3.90 Plusieurs comptes-r<strong>en</strong>dus <strong>de</strong> ces réunions sont conservés dans les archives <strong>de</strong> l’EPEVRY [AD Essonne, 1523W630].91 CERFI, «Programmation <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s et hygiène m<strong>en</strong>tale », CR <strong>de</strong> la réunion du 26 octobre 1971 t<strong>en</strong>ue à l’EcoleFreudi<strong>en</strong>ne, op. cit. p 3-4.32
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportdéfinitif - Février 2005CHAPITRE IIéquipem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>gagée par l’EPAMARNE. Mlle Bacot expose le cas <strong>de</strong> Saint-Qu<strong>en</strong>tin <strong>en</strong> Yvelines le25/01/1972 . Ces exposés font ressortir la nécessité <strong>de</strong> création d’une instance <strong>de</strong> médiation et <strong>de</strong>coordination, pour traiter l’articulation <strong>en</strong>tre la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sociale et la programmation, pour traiter aussiles multiples problèmes administratifs et financiers posés par le caractère intercommunal, voireinterdépartem<strong>en</strong>tal (dans le cas <strong>de</strong> MARNE-LA-VALLEE) <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s.L’analyse par le CERFI <strong>de</strong>s conditions d’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s programmateurs <strong>en</strong> <strong>ville</strong> <strong>nouvelle</strong> introduit unvocabulaire et <strong>de</strong>s notions psychologiques ; elle repose sur la distinction <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux types d’objets <strong>de</strong>sprogrammeurs :− les « objets <strong>de</strong> travail » issus d’un découpage, fonction d’une division dutravail et <strong>de</strong> la division d’un territoire− les « objets érotiques » r<strong>en</strong>voyant à la subjectivité <strong>de</strong>s programmeurs et àleur désir.Autour <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux pôles, l’étu<strong>de</strong> met <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce une série d’oppositions (principe <strong>de</strong>s couplesdiffér<strong>en</strong>tiels comparable à celui utilisé pour analyser le discours <strong>de</strong>s Plans).− L’opposition architectes-urbanistes et programmateurs:« L’opposition architectes / programmeurs semble jouer un rôle important : elle est marquée parl’imaginaire et l’illimité du côté <strong>de</strong>s architectes/urbanistes, la prise sur le réel, l’efficacité et lacastration du côté <strong>de</strong>s programmeurs » 92 .− L’opposition quantitatif (aspect financier, normes) / qualitatif (formes urbaines et architecturales).− L’opposition activités (domaine du privé, du non normalisable) / équipem<strong>en</strong>ts (« le normalisable, l<strong>en</strong>écessaire et le maîtrisable, contrainte <strong>de</strong> la tâche à accomplir pour le programmeur »).L’équipem<strong>en</strong>t intégré comme « objet érotique » dérivant d’un autre « objet érotique » qui est le « c<strong>en</strong>tre »est abordé ici comme production qui répond surtout à la dialectique <strong>de</strong>s équipes d’aménageurs, produitassocié au « mythe <strong>de</strong> l’unité », à la mise <strong>en</strong> place « d’un narcissisme <strong>de</strong> groupe » qui vise à surmonterles divisions, les t<strong>en</strong>sions et les <strong>en</strong>jeux <strong>de</strong> pouvoir auxquels sont soumis les équipes. Il s’agit <strong>de</strong> sebattre, <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s ruses, <strong>de</strong>s biais, <strong>de</strong> mobiliser une gran<strong>de</strong> quantité d’énergie pour convaincre oucontourner les administrations récalcitrantes.C’est le produit <strong>de</strong> la dialectique <strong>en</strong>tre «conserver » c'est à dire partir <strong>de</strong>s besoins supposés <strong>de</strong>shabitants et innover, promouvoir une vie future, ce qui suppose <strong>de</strong> permettre d’<strong>en</strong>courager <strong>de</strong> nouveauxmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> ne pas figer dans <strong>de</strong>s formes rigi<strong>de</strong>s.L’étu<strong>de</strong> du CERFI souligne ainsi le li<strong>en</strong> très fort existant <strong>en</strong>tre la programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>tsintégrés, l’effort <strong>de</strong> cohér<strong>en</strong>ce, la recherche d’unité, la vision communautaire et la situation <strong>de</strong>s équipesd’aménageurs, leur isolem<strong>en</strong>t, leur démarche d’affirmation face aux différ<strong>en</strong>tes instances politiques etadministratives, ministères, communes, SAN.Face à cette logique interne qui conduit à une forme d’auto-alim<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> programmation<strong>de</strong>s EPA à partir <strong>de</strong>s normes existantes, la réflexion m<strong>en</strong>ée sur le domaine <strong>de</strong> la psychiatrie conduit leCERFI à préconiser la création d’une <strong>nouvelle</strong> instance qui soit à la fois une instance <strong>de</strong> médiation et <strong>de</strong>concertation vis-à-vis <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> réelle et une instance <strong>de</strong> coordination. Cette instance, ce« collectif » pour utiliser un terme très prisé à l’époque, pr<strong>en</strong>d le nom <strong>de</strong> « promoteur institutionnel ».« En résumé, cette première phase a permis, à la suite <strong>de</strong> nombreux tâtonnem<strong>en</strong>ts, <strong>de</strong> dégager uncertain nombre <strong>de</strong> conditions d’une interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> programmation institutionnelle, parmi lesquelles <strong>en</strong>particulier :− connexion <strong>de</strong> l’équipe interv<strong>en</strong>ante à un réseau <strong>de</strong> personnes et d’institutionsimplantées dans la pratique concernée− formation d’un lieu d’interlocution, point d’accueil et <strong>de</strong> redistribution <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s quifon<strong>de</strong>ront l’interv<strong>en</strong>tion » 9392 CERFI, Programmation, <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s et hygiène m<strong>en</strong>tale, Compte-r<strong>en</strong>du <strong>de</strong> la réunion du mardi 25 janvier 1972 t<strong>en</strong>ue àl’Ecole Freudi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> Paris, op. cit., p12.93 CERFI, « La programmation <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts collectifs dans les Villes Nouvelles. Les équipem<strong>en</strong>ts d’hygiènem<strong>en</strong>tale », op. cit., p3.33