L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal - Septembre 2005CHAPITRE IIIIII.2 – AGORA VERSUS SHOPPING MALL: La conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés c<strong>en</strong>traux <strong>de</strong>sVilles Nouvelles face aux c<strong>en</strong>tres commerciauxCette partie <strong>de</strong> la recherche est consacrée à l’approfondissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s relations <strong>en</strong>tre les équipem<strong>en</strong>tsintégrés et les c<strong>en</strong>tres commerciaux régionaux dans le cadre <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tres UrbainsRégionaux <strong>de</strong>s Villes Nouvelles. Il s’agit <strong>en</strong> particulier <strong>de</strong> montrer comm<strong>en</strong>t la formalisation <strong>de</strong>s modèlesarchitecturaux <strong>de</strong>s premiers est issue <strong>en</strong> partie <strong>de</strong> l’exist<strong>en</strong>ce au départ d’un modèle correspondant aux<strong>de</strong>rniers.L’analyse <strong>de</strong>s premières actions <strong>de</strong> l’Institut d’Aménagem<strong>en</strong>t et d’Urbanisme <strong>de</strong> la Région Parisi<strong>en</strong>nepour les questions relatives aux équipem<strong>en</strong>ts c<strong>en</strong>traux doit nous permettre <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t cesquestions ont été divisées <strong>en</strong> <strong>de</strong>ux : <strong>de</strong>ux fonctions et <strong>de</strong>ux types d’acteurs. A partir <strong>de</strong> là nousétudierons plus <strong>en</strong> détail dans ce chapitre les acteurs qui fur<strong>en</strong>t liés à l’équipem<strong>en</strong>t commercial afin <strong>de</strong>compr<strong>en</strong>dre leurs mo<strong>de</strong>s d’action, leurs cadres <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce et les modèles dont ils sont porteurs.Ensuite nous reconstituerons l’action <strong>de</strong> ces acteurs dans la conception <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tres Urbains Régionauxafin <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t cette action a pu alim<strong>en</strong>ter la conception <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrésc<strong>en</strong>traux.III.2.1 - La double ori<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> l’IAURPLa question <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la région parisi<strong>en</strong>ne ne date pas <strong>de</strong> l’époque <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s<strong>nouvelle</strong>s mais est au contraire aussi vieille que l’accélération <strong>de</strong> l’urbanisation <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière à partirdu début du siècle.Dès l’après-guerre première guerre mondiale, alors que la France est <strong>en</strong> train <strong>de</strong> passer d’un pays rural àun pays urbain, l’ext<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la banlieue parisi<strong>en</strong>ne se signale par son caractère désordonné et <strong>en</strong>particulier son sous-équipem<strong>en</strong>t chronique faute <strong>de</strong> l’exist<strong>en</strong>ce d’un urbanisme digne <strong>de</strong> ce nom. L’aprèssecon<strong>de</strong> guerre mondiale qui voit la naissance d’une véritable politique d’état <strong>en</strong> matière d’urbanismeavec l’établissem<strong>en</strong>t du PADOG pour la Région Parisi<strong>en</strong>ne ne parvi<strong>en</strong>t pourtant pas à contrôler ledéveloppem<strong>en</strong>t urbain ni à réduire ce sous-équipem<strong>en</strong>t. Lorsqu’une <strong>nouvelle</strong> équipe se met <strong>en</strong> place pourfaire passe la politique urbanistique à une autre échelle, une question c<strong>en</strong>trale se pose donc, celle <strong>de</strong>l’équipem<strong>en</strong>t.Equipem<strong>en</strong>t commercial et équipem<strong>en</strong>t socio-culturelOn peut donc voir la politique <strong>de</strong> l’IAURP comme une réponse à ce défit qu’a exacerbé la construction<strong>de</strong>s Grands Ensembles. Qu’est <strong>en</strong> effet le SDAURP <strong>de</strong> 1965, sinon la programmation à gran<strong>de</strong> échelled’un vaste équipem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la Région Parisi<strong>en</strong>ne ? Mais si dans les objectifs duSDAURP la question <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts est abordée comme problème principal, ell<strong>en</strong>’est pas pour autant approfondie :« Il indique les élém<strong>en</strong>ts majeurs d’équipem<strong>en</strong>t qui seront nécessaires pour que cesfonctions [transports, activités, loisirs] soi<strong>en</strong>t assurées conformém<strong>en</strong>t aux besoins. Mais ilne constitue pas un plan d’équipem<strong>en</strong>t, avec ce que cette expression impliqued’énumération exhaustive, <strong>de</strong> chiffrage rigoureux et d’échéancier précis. » 256Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la question <strong>de</strong>s prévisions quantitatives difficiles à définir à l’échéance 2000, ce qui frappe lelecteur du SDAURP est l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> réflexion sur la notion d’équipem<strong>en</strong>t. Elle semble évid<strong>en</strong>te et ne faitl’objet d’aucune définition, ni développem<strong>en</strong>t. C’est à travers <strong>de</strong>s docum<strong>en</strong>ts annexes et progressivem<strong>en</strong>tque la question <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts doit être précisée. Il ne semble donc pas exister <strong>de</strong> p<strong>en</strong>sée unifiée àpropos <strong>de</strong> cette question. Au contraire, très tôt on assiste à sa fragm<strong>en</strong>tation <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>ts mo<strong>de</strong>sd’étu<strong>de</strong> qui va se traduire dans un affrontem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s modèles proposés.256 Schéma Directeur d’Aménagem<strong>en</strong>t et d’Urbanisme <strong>de</strong> la Région <strong>de</strong> Paris, Paris, District <strong>de</strong> la Région <strong>de</strong> Paris, 1965, p.37. Néanmoins, un docum<strong>en</strong>t annexe est prévu. Nommé « Objectifs 1975 », il doit répercuter les besoins <strong>de</strong> l’époque et lesori<strong>en</strong>tations définies dans le SDAURP pour une planification à une échéance courte (dix ans).84
L’INTERACTION VILLE - EQUIPEMENT EN VILLE NOUVELLE - RECEPTION ET ADAPTATION DE LA FORMULE DE L’EQUIPEMENT SOCIO-CULTUREL INTEGRE Rapportfinal - Septembre 2005CHAPITRE IIIUn <strong>de</strong>s premiers docum<strong>en</strong>ts publiés <strong>en</strong> matière d’équipem<strong>en</strong>t est la «Programmation <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tresCommerciaux Régionaux et Intercommunaux <strong>en</strong> Région Parisi<strong>en</strong>ne » 257 qui définit une armaturecommerciale pour l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la Région Parisi<strong>en</strong>ne basée sur un modèle particulier d’architecturecommerciale, le C<strong>en</strong>tre Commercial traduction littérale du Shopping C<strong>en</strong>ter américain, proposé à <strong>de</strong>uxéchelles, régionale et intercommunale. Dans ce docum<strong>en</strong>t, l’équipem<strong>en</strong>t commercial est explicitem<strong>en</strong>tp<strong>en</strong>sé comme la locomotive indisp<strong>en</strong>sable <strong>de</strong> la restructuration et <strong>de</strong> l’aménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la RégionParisi<strong>en</strong>ne : ainsi la plupart <strong>de</strong> sites d’implantation <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tres d’échelle régionale suiv<strong>en</strong>t la structuredéveloppée par le SDAURP et <strong>en</strong> particulier les <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s programmées : Créteil, Noisy, Cergy,Evry, Trappes, Tigéry-Lieusaint, etc 258 .Face à cette prise <strong>en</strong> compte très tôt <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t commercial dans la mise <strong>en</strong> place du SDAURP et<strong>de</strong> la politique <strong>de</strong>s Villes Nouvelles qui lui est attachée, la question <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> matière socioculturellesemble plus diffuse. Ainsi, l’IAURP ne produira pas <strong>de</strong> programmation du même type maiss’attachera plus tard (<strong>en</strong> 1969) et poussé par le SGGCVN à développer un programme d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>sexemples d’équipem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce type <strong>en</strong> France et <strong>en</strong> Europe.Consultants contre missionsCette différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> régime <strong>en</strong>tre équipem<strong>en</strong>t commercial et équipem<strong>en</strong>t socio-culturel est r<strong>en</strong>forcée parle mo<strong>de</strong> d’étu<strong>de</strong> et donc les acteurs mobilisés. Ainsi afin <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s plus ponctuelles etplus précises <strong>de</strong>vant permettre la mise <strong>en</strong> œuvre <strong>de</strong> la programmation <strong>en</strong> équipem<strong>en</strong>ts commerciaux <strong>de</strong>1965, l’IAURP choisit <strong>de</strong> faire appel à <strong>de</strong>s consultants américains qui ont été les principaux théorici<strong>en</strong>sdu modèle du Shopping C<strong>en</strong>ter dit « <strong>de</strong> troisième génération » 259 . Face à ces étu<strong>de</strong>s externes portant surl’armature commerciale, c’est <strong>en</strong> interne que la question <strong>de</strong> l’équipem<strong>en</strong>t socio-culturel sera étudiée avec<strong>en</strong> particulier comme nous l’avons signalé la mission m<strong>en</strong>ée par D<strong>en</strong>ise Ragu et Jacques Lécureuil 260 .On voit donc que les réflexions sur <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts principaux <strong>de</strong> la programmation <strong>de</strong>s VillesNouvelles sont portées par <strong>de</strong>ux groupes d’acteurs différ<strong>en</strong>ts. D’un côté on recherche l’efficacité du côtédu savoir-faire américain, <strong>de</strong> l’autre on recherche les démarches expérim<strong>en</strong>tales <strong>en</strong> ori<strong>en</strong>tant son regardsur l’Europe.La dichotomie <strong>en</strong>tre commerce à l’américaine et socio-culturel à l’europé<strong>en</strong>ne va se poursuivre et ser<strong>en</strong>forcer lorsque la conception <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong>s <strong>ville</strong>s <strong>nouvelle</strong>s <strong>en</strong>tre dans sa phase opérationnelle.Ainsi la conception <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres commerciaux reste confié à <strong>de</strong>s acteurs externes et privés, lespromoteurs commerciaux, alors que celle <strong>de</strong>s équipem<strong>en</strong>ts intégrés est prise <strong>en</strong> charge par <strong>de</strong>s acteurspublics issus <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> l’IAURP, les Missions d’Aménagem<strong>en</strong>t puis Etablissem<strong>en</strong>t Publicd’Aménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> chaque Ville Nouvelle.Cette division <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong>s grands équipem<strong>en</strong>ts c<strong>en</strong>traux <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux types d’acteurs bi<strong>en</strong>différ<strong>en</strong>ciés n’est pas équilibrée, bi<strong>en</strong> au contraire. Tout d’abord, les acteurs externes privés sont dès ledépart structurés et formalisés. Les consultants américains sont <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises existant <strong>de</strong>puis ledébut <strong>de</strong>s années 1950. Les promoteurs commerciaux français se constitu<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre le milieu <strong>de</strong>sannées 1950 et la fin <strong>de</strong>s années 1960. Les Missions sont par contre peu formalisées et peu structuréesau début <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong>s Villes Nouvelles. Surtout, ils sont porteurs <strong>de</strong> modèlesarchitecturaux dont la formalisation est très différ<strong>en</strong>te. D’un côté, avec les consultants et les promoteurs,nous trouvons un modèle <strong>de</strong> c<strong>en</strong>tre commercial très clairem<strong>en</strong>t défini dès le départ, celui du shoppingc<strong>en</strong>ter américain. De l’autre, avec les missions, nous trouvons au départ une abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> modèle pourl’équipem<strong>en</strong>t intégré c<strong>en</strong>tral.257 S. Goldberg & G. Edouard, Programmation <strong>de</strong>s C<strong>en</strong>tres Commerciaux Régionaux et Intercommunaux <strong>en</strong> RégionParisi<strong>en</strong>ne, Paris, IAURP, 1965.258 Il est clair que la question du commerce <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t cruciale à cette époque. Les aménageurs voi<strong>en</strong>t la mise <strong>en</strong> placeprogressive d’équipem<strong>en</strong>ts commerciaux dans la Région Parisi<strong>en</strong>ne leur échapper totalem<strong>en</strong>t. On peut citer l’ouverture dès1963 aux portes du territoire <strong>de</strong> la Ville Nouvelle d’Evry du premier hypermarché, celui <strong>de</strong> Sainte G<strong>en</strong>eviève <strong>de</strong>s Bois, puisl’ouverture <strong>en</strong> 1965 du premier C<strong>en</strong>tre Commercial Régional, Parly 2. Le fait <strong>de</strong> faire appel à <strong>de</strong>s spécialistes procè<strong>de</strong> <strong>de</strong> cetteinquiétu<strong>de</strong>, il faut réagir vite et fortem<strong>en</strong>t, d’où le souci d’efficacité qui gui<strong>de</strong> les décisions <strong>de</strong> l’IAURP.259 Au mom<strong>en</strong>t où la formule <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres commerciaux régionaux est importée <strong>en</strong> France, ceux-ci ont déjà connu outre-Atlantique plusieurs évolutions successives. Le modèle dit <strong>de</strong> troisième génération comporte <strong>de</strong>ux grands magasins reliés<strong>en</strong>tre eux par un mail fermé dit mall et accompagné d’une architecture luxueuse. Voir à ce sujet, Anne Fournié,Planification et production <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres commerciaux régionaux <strong>en</strong> France <strong>de</strong> 1965 à 1981, Thèse <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong>3 ème cycle, Université Paris XII, 1982, p. 27.260 Voir supra « Le rôle <strong>de</strong> l’IAURP ». L’équipem<strong>en</strong>t socio-culturel qui reste <strong>en</strong>core du domaine <strong>de</strong> l’action publique n’est passoumis aux mêmes impératifs que l’équipem<strong>en</strong>t commercial. D’où une approche plus expérim<strong>en</strong>tale.85