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Jean-Pierre ne crut pas un mot non plus de l’histoire des poèmes publiés<br />
sous pseudonyme, mais Maureen, lancée sur une piste policière, alla<br />
vérifier, et justement, c’était bien là, dans <strong>le</strong> numéro de mars 1991 : « 5<br />
Glimpses of Port Jackson before the Storm, » by James Neighbour. Évidemment,<br />
el<strong>le</strong> dut l’avouer, rien ne prouvait que ce ne fût pas Jacques<br />
lui-même qui avait profité de cette occasion inespérée pour <strong>le</strong>ur monter<br />
un canular par l’intermédiaire d’une amie australienne. Mais, dans ce<br />
cas, que cherchait-il ? Voulait-il utiliser <strong>le</strong>s Duplantier pour se rapprocher<br />
de son fils Joël, à qui il n’avait pratiquement jamais fait signe depuis sa<br />
naissance et pour qui il avait très vite refusé de payer une pension alimentaire<br />
? Cherchait-il à savoir ce que la petite Clotilde, <strong>le</strong>ur fil<strong>le</strong>, était<br />
devenue, et à quel<strong>le</strong> fin ? Ou bien — et ce serait encore plus tortueux —,<br />
espérait-il, par un jeu de boomerang, retrouver une personne dont il aurait<br />
perdu la trace : Matilda Jones, par exemp<strong>le</strong> ? Pour <strong>le</strong> coup, Jean-Pierre<br />
s’employa à redorer l’image de Jacques, il ne <strong>le</strong> croyait pas capab<strong>le</strong> d’un<br />
tel calcul, et pourquoi maintenant ? Pourquoi de tels moyens ? Il était<br />
certainement devenu indifférent à <strong>le</strong>ur égard, mais pas muf<strong>le</strong>. Il laissa<br />
Maureen conclure que cette fil<strong>le</strong> devait être un peu fol<strong>le</strong> et que, si un jour<br />
ils revoyaient Jacques, ce qui était de plus en plus improbab<strong>le</strong>, ils lui<br />
passeraient <strong>le</strong> message. Quant aux poèmes, en effet, toute ressemblance<br />
avec <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> de Jacques était purement fortuite ; d’ail<strong>le</strong>urs, Jacques<br />
n’avait jamais, quand il vivait à Sydney, assez maîtrisé la langue anglaise,<br />
ni acquis des connaissances suffisantes sur la peinture australienne pour<br />
écrire quelque chose d’aussi fluide et d’aussi habi<strong>le</strong>ment allusif. Il était<br />
peu vraisemblab<strong>le</strong> qu’une tel<strong>le</strong> transformation de son panorama mental<br />
se fût opérée justement dix ans après son départ, orienté comme il l’était<br />
désormais, d’après Sacha Troubetzkoï, vers <strong>le</strong>s études romanes.<br />
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<br />
FOR JILL, IT was so confusing. She remained word<strong>le</strong>ss,<br />
whi<strong>le</strong> knowing all too well that the thick curtain which<br />
had fal<strong>le</strong>n between them was largely a web of words that<br />
she had woven herself, a net of negative interpretations which reused<br />
Jacques’ inner discourse, distorting it, colorizing the trees acrid blue<br />
and the cars olive green. The only way of restoring a space of fresh