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dangereusement sa Corvette toute neuve dans <strong>le</strong>s environs de Las Vegas,<br />
il avait un très grave accident, à la suite duquel son frère jumeau, simp<strong>le</strong><br />
employé de bureau d’une compagnie de câb<strong>le</strong> de télévision, qui avait appris<br />
la tragédie par la presse, venait <strong>le</strong> voir, paralysé sur son lit d’hôpital, et<br />
l’accompagnait dans ses derniers moments. Serge et Clotilde riaient comme<br />
des petits fous, ils accusaient Sacha (qui était <strong>le</strong> parrain de Clotilde, et<br />
el<strong>le</strong> était très familière avec lui) d’avoir inventé cette histoire à l’instant<br />
et de ne pas écrire de roman du tout, pris comme il était par son travail<br />
universitaire à N.Y.U. Ils <strong>le</strong> mettaient au défi d’écrire trois cents pages<br />
sur ce sujet. Jean-Pierre s’exclama que c’était un magnifique scénario<br />
de film, à moins que ça n’ait déjà été tourné : est-ce qu’il n’y avait pas eu<br />
quelque chose d’analogue de produit à la fin des années 50 ou au début<br />
des années 60 ? L’un dit que ça lui faisait penser à un film avec Bogart, il<br />
ne se souvenait plus <strong>le</strong>quel ; l’autre que non, Bogart n’avait jamais joué<br />
ce genre de rô<strong>le</strong>. Fina<strong>le</strong>ment on allait en rester là quand Maureen glissa<br />
qu’il y avait des gens qui n’avaient pas besoin d’avoir un frère jumeau<br />
pour avoir une doub<strong>le</strong> vie, ou même plusieurs vies parallè<strong>le</strong>s ; puis, se<br />
disant que Sacha risquait de prendre la remarque pour lui, el<strong>le</strong> s’empressa<br />
d’ajouter : « Jacques Voisin, par exemp<strong>le</strong>, » car c’était là qu’el<strong>le</strong> voulait en<br />
venir de toute façon et el<strong>le</strong> n’avait pas trouvé l’occasion de <strong>le</strong> mentionner<br />
de toute la soirée. « Savez-vous, dit-el<strong>le</strong> aux Troubetzkoï, qu’il nous a<br />
envoyé, ou fait envoyer de Paris, deux photos récentes de notre ancienne<br />
maison et de notre rue, Perkins St., à Newcast<strong>le</strong>, avec trois lignes où il<br />
disait “Ces vues vous disent-el<strong>le</strong>s quelque chose ? Amitiés, etc.” » « Estce<br />
que vous savez ce qu’il fait, Voisin, depuis que vous l’aviez vu à New<br />
York ? » Sacha ne <strong>le</strong> savait pas, il se contenta de répéter qu’à l’époque<br />
il lui avait proposé de se retrouver un jour tous ensemb<strong>le</strong> à Paris, et que<br />
Jacques avait l’air très bien disposé à <strong>le</strong>ur égard. Avec <strong>le</strong> temps et <strong>le</strong>s liqueurs,<br />
<strong>le</strong> centre d’intérêt se déplaça petit à petit. Les Duplantier, cette<br />
année, allaient avancer <strong>le</strong>ur voyage annuel en Australie, ils iraient dès <strong>le</strong><br />
mois de juil<strong>le</strong>t, si Clotilde avait passé son bac sans encombre. Pourquoi<br />
Sacha, qui n’avait jamais visité ce pays, ne profiterait-il pas de son<br />
dernier sabbatique avant la retraite pour y faire un tour avec Rachel ; il<br />
y aurait certainement deux ou trois universités au moins qui pourraient<br />
lui offrir des conférences, lui qui était si célèbre, voire même <strong>le</strong> H.R.C.,<br />
s’il s’en occupait dès maintenant ? Qui sait s’ils ne tomberaient pas un<br />
beau matin sur Jacques Voisin déambulant dans Hunter Street. Un vrai<br />
« break in the traffic », pour <strong>le</strong> coup. Ce serait drô<strong>le</strong>, tout de même, de <strong>le</strong><br />
prendre en flagrant délit.<br />
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