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Mais maintenant il se précipite vers el<strong>le</strong> avec une déraisonnab<strong>le</strong><br />

inquiétude. Comme s’il n’était retourné ici que pour el<strong>le</strong> et qu’el<strong>le</strong> pouvait<br />

manquer au rendez-vous. Comme si el<strong>le</strong> était l’identité d’une personne<br />

aimée, prise dans <strong>le</strong> cadre du miroir et qu’en sa disparition notre image<br />

s’y fût abîmée, annulant la garantie du regard. Comme si el<strong>le</strong> avait pu<br />

devenir la proie d’un si<strong>le</strong>nce glaçant, ayant pris froid une année dans<br />

l’hiver de la montagne, à l’intérieur des terres. Comme si lui-même, n’étant<br />

plus qu’à peine <strong>le</strong> même, était sur <strong>le</strong> point de partir loin d’ici et de tout,<br />

et qu’il fallût faire des adieux définitifs sur ce quai des images.<br />

Il monte <strong>le</strong>s marches du porche, dont la pierre est acérée, il<br />

franchit <strong>le</strong>s portes de bronze verdies, il est déconcerté par <strong>le</strong>s gardiens<br />

du Musée qui <strong>le</strong> laissent passer sans rien lui demander, avec son appareil<br />

de photo, sans l’interroger, car l’entrée est libre et gratuite et l’on ne<br />

craint rien pour <strong>le</strong>s œuvres exposées. Ils ignorent ce qu’il vient faire ici,<br />

ils n’ont pas pensé qu’il y avait encore des fous qui puissent entretenir<br />

un tel désir, une tel<strong>le</strong> angoisse, l’imagination de rapports aussi privés<br />

dans un lieu public. Et pour qui tout don et tout accès au monde, toute<br />

amitié des choses et toute oblation passent encore par l’impulsion et la<br />

timidité amoureuse. Il glisse sur <strong>le</strong>s dal<strong>le</strong>s de marbre brillant des nouvel<strong>le</strong>s<br />

sal<strong>le</strong>s qui l’aveug<strong>le</strong>nt, où <strong>le</strong>s grandes toi<strong>le</strong>s aux cou<strong>le</strong>urs vives des jeunes<br />

peintres audacieux l’égarent et <strong>le</strong> font tourner en rond, sans trouver<br />

l’issue. Comme si l’on ne voyait rien dehors, sous <strong>le</strong> ciel plat et rond où<br />

pointe la toupie dorée de Centrepoint et que la seu<strong>le</strong> fenêtre fût là, au<br />

fond de la sal<strong>le</strong> du tournant du sièc<strong>le</strong>, sous <strong>le</strong>s hautes verrières grises et<br />

poussiéreuses, et el<strong>le</strong> à la fenêtre fraîche par une grande cha<strong>le</strong>ur, tournée<br />

vers l’intérieur de son sourire. Ou bien <strong>le</strong>s gardiens, jamais <strong>le</strong>s mêmes,<br />

toujours semblab<strong>le</strong>s, étaient-ils complices de l’enfant aux cheveux gris<br />

qui entrait, ces hommes et ces femmes en uniforme, d’un âge quelconque,<br />

qui l’avaient vu grandir et vieillir d’un œil amusé, indulgent ?<br />

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