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par une toi<strong>le</strong> honnête. Que seraient-el<strong>le</strong>s venues faire là, <strong>le</strong>s ombres féminines,<br />

comment auraient-el<strong>le</strong>s reconnu ce qui avait été <strong>le</strong>ur nid d’amour,<br />

<strong>le</strong>ur diversion, <strong>le</strong>ur hâvre, <strong>le</strong>ur parloir, ou <strong>le</strong>ur enfer de poche?<br />

Non, cel<strong>le</strong>s qui lui rendaient visite depuis son retour, c’étaient<br />

el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s vrais fantômes, si charmantes fussent-el<strong>le</strong>s, car il lui manquait<br />

à lui la consistance ou l’abandon, la liberté du regard et de la paro<strong>le</strong> qui<br />

permet de dire et d’éprouver, quel qu’en soit <strong>le</strong> sens : « C’est cela. En cet<br />

instant je ne voudrais être nul autre ni nul<strong>le</strong> part ail<strong>le</strong>urs, nous sommes<br />

en cet instant faits l’un pour l’autre. » À tel point que, déjà fui de la<br />

plupart, car el<strong>le</strong>s devaient sentir cette odeur de mort et de sécheresse<br />

sur lui, il évitait soigneusement, quant à lui, toutes cel<strong>le</strong>s qui eussent<br />

pu, en un autre temps, susciter une tel<strong>le</strong> instance du désir, un tel pardon<br />

du moi odieux. Mais comment, dans ce désarroi (« dry rot », se disait-il)<br />

qui s’aggravait de jour en jour, comment ne pas maintenir <strong>le</strong>s formes<br />

physiques de la compagnie, comment ne pas tromper la solitude, comme<br />

on trompe la faim, quitte à subir <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ndemains qui déchantent et la<br />

vengeance mesquine du moi b<strong>le</strong>ssé contre <strong>le</strong> moi odieux ?<br />

Il était impératif de quitter la vil<strong>le</strong> sur l’heure, de sortir avec<br />

quelqu’un même si l’on ne pouvait s’en sortir avec personne, de se distraire<br />

en somme. Mais pas moyen de trouver cette voiture. L’avait-il<br />

vraiment mise dans la rangée B13, ou bien était-ce la dernière fois qu’il<br />

s’était garé ici ? Me voici complètement désorienté dans <strong>le</strong> parking. On<br />

ne me l’a pas volée tout de même, je suis sûr de l’avoir fermée à c<strong>le</strong>f, j’ai<br />

<strong>le</strong> ticket sur moi. Colère. Pas envie de rester ici, pas envie d’al<strong>le</strong>r ail<strong>le</strong>urs.<br />

Mais al<strong>le</strong>r voir la mer, si, à défaut, par défaut. Me calmer. Tiens, une<br />

Holden Barina b<strong>le</strong>u métallisé comme cel<strong>le</strong> de Jill, dans la rangée B13 ;<br />

el<strong>le</strong> n’était pas là tout à l’heure, je l’aurais remarquée. Ah, enfin, la voilà,<br />

juste en face, imbéci<strong>le</strong> que je suis, à force de tourner en rond je suis passé<br />

trois fois devant sans la voir, cette vieil<strong>le</strong> Toyota orange, <strong>le</strong> clou de la<br />

nostalgie. Bon, mais maintenant, où vais-je ? Avec <strong>le</strong>s embouteillages<br />

du pont... Téléphoner à quelqu’un, à une femme, à des amis. Al<strong>le</strong>r à<br />

Newcast<strong>le</strong>, comme autrefois, du temps des Duplantier, avec une femme.<br />

Mais <strong>le</strong>s Duplantier ne sont plus à Newcast<strong>le</strong> ; y viennent-ils seu<strong>le</strong>ment<br />

encore de temps en temps ? Al<strong>le</strong>r chez Hubert Jeannot à Austinmer ?<br />

Il me verra déprimé, ça ne nous arrangera ni l’un ni l’autre. Et Jill ? Ce<br />

serait <strong>le</strong> comb<strong>le</strong>.<br />

Il jeta sur la banquette arrière <strong>le</strong> journal et <strong>le</strong>s deux livres qu’il<br />

avait à la main, referma la voiture, la rouvrit pour prendre son carnet<br />

d’adresses dans la boîte à gants, la referma encore, sortit du parking par en<br />

bas à la recherche d’une cabine téléphonique. Une fois traversées la marée<br />

et la contre-marée automobi<strong>le</strong> qui descendaient du Cahill Expressway ou<br />

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