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Roses et épines du tandem franco-allemand<br />
C’est sur ces facteurs que reposait le Traité de l’Élysée, qui envisageait des<br />
consultations régulières à différents niveaux sur les questions importantes de<br />
politique extérieure, d’économie et de culture, ainsi que la création d’un contexte<br />
favorable à des relations plus étroites entre la jeunesse des deux pays dans le cadre<br />
d’une organisation structurelle spécialement créée.<br />
Ainsi, du point de vue du droit international, le Traité franco-allemand de<br />
1963 n’était pas du tout une alliance classique stipulant pour les signataires des<br />
obligations claires sur les relations dans telles ou telles circonstances. Ce n’était<br />
qu’un pacte consultatif dont l’efficacité était définie par le niveau de convergence<br />
d’intérêts. Or c’est justement dans le type de procédures prévues par ce pacte que<br />
résidait son avantage principal, qui permettait d’adapter avec souplesse le texte au<br />
contexte de la situation internationale en évolution.<br />
On découvrit très vite ce mérite. Lors de sa ratification, le Bundestag ajouta au<br />
Traité un préambule confirmant le caractère inébranlable des obligations liées à<br />
l’Alliance Nord-Atlantique. De Gaulle, qui espérait à l’aide des Allemands obtenir<br />
une évolution de l’OTAN dans le sens d’une plus grande égalité de droits entre les<br />
alliés des deux côtés de l’Atlantique, ne cacha pas sa déception. « Les traités, voyezvous,<br />
sont comme les jeunes filles et les roses : ça dure ce que ça dure », persifla<br />
le président de la République française. Adenauer s’efforça d’adoucir l’amertume<br />
de son partenaire et, lors de sa visite d’État en France durant l’été 1963, il souligna<br />
dans un de ses discours : « Chaque jardinier sait que les roses sont les plantes les<br />
plus tenaces, les plus vivaces, capables, si on les entretient, de passer l’hiver. »<br />
Les cinquante ans d’histoire du Traité de l’Élysée confirment l’évaluation donnée<br />
par le chancelier : ce texte aura continué à servir de canal majeur pour le dialogue<br />
permanent entre ses signataires indépendamment de leurs opinions personnelles,<br />
des appartenances politiques des dirigeants et des changements radicaux de la<br />
situation en Europe et dans le monde. Par exemple, à la fin des années 1960 et<br />
au début des années 1970, les relations franco-allemandes connurent de sévères<br />
difficultés en raison de la méfiance de Georges Pompidou envers l’« Ostpolitik » du<br />
social-démocrate Willy Brandt ; le président français décide alors de se rapprocher<br />
de la Grande-Bretagne et de lui ouvrir les portes de la CEE, précédemment fermées<br />
à double tour par de Gaulle. Au contraire, le successeur de Pompidou, le libéral<br />
Valéry Giscard d’Estaing, établit les relations de coopération les plus étroites avec<br />
le chancelier social-démocrate Helmut Schmidt au prix d’efforts conjoints visant<br />
à faire de la CEE non plus une union douanière mais une union économique et<br />
monétaire.<br />
L’épreuve la plus grave pour la solidité du couple franco-allemand eut lieu à la<br />
fin des années 1980 et au début des années 1990, lorsqu’il était dirigé par le président<br />
socialiste François Mitterrand et le chancelier démocrate-chrétien Helmut Kohl.<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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