Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
168<br />
Piotr Stegni<br />
extrémistes de tout poil — des djihadistes rejetant les valeurs de la « civilisation<br />
occidentale corrompue » aux activistes d’Al-Qaïda, désireux d’instaurer un califat<br />
islamique mondial.<br />
Prenons le cas de la Syrie. Dans ce pays, c’est la « classe créative » qui s’oppose<br />
politiquement au régime de Bachar el-Assad, mais les opérations militaires sont<br />
conduites par un conglomérat hétéroclite dominé par les islamistes. Dans le contexte<br />
extrêmement tendu de la guerre civile, Assad avait paru satisfaire les exigences de<br />
l’opposition concernant la démocratisation du pays, et avait clairement indiqué<br />
qu’il était prêt à entamer un dialogue de grande ampleur fondé sur la plateforme<br />
définie dans le communiqué de Genève. Mais étant donné la force d’inertie de la<br />
lutte armée en Syrie et l’entrelacement des intérêts des islamistes des pays voisins,<br />
on ne voit guère poindre à l’horizon un règlement de crise centré sur la préservation<br />
de la sécurité régionale et mondiale.<br />
Par quels facteurs l’expliquer ? Peut-être par le fait que ceux qui instrumentalisent<br />
la démocratie et les droits de l’homme à des fins politiques refusent d’attribuer le<br />
rôle du « pécheur repenti » à Assad, de même qu’à d’autres symboles du passé<br />
soviétique. Peut-être, plus simplement, par le fait que l’opposition syrienne — qui<br />
considère dans sa majorité les slogans démocratiques comme rien de plus qu’une<br />
obligation conjoncturelle — joue efficacement des divergences existant entre les<br />
acteurs extérieurs…<br />
Si ces questions paraissent tout à fait rhétoriques, leurs enjeux sont cependant<br />
cruciaux. Après avoir patiné en Libye, le « printemps arabe » s’est retrouvé, en<br />
Syrie, à la croisée des chemins. Il est évident que la suite des événements dépend<br />
largement de la façon dont le conflit sera réglé dans ce pays clé. Se dirige-ton<br />
vers un scénario « yéménite », ouvrant la voie à un changement de régime<br />
dans la douceur, ou va-t-on assister à la répétition du modèle libyen, qui s’est<br />
accompagné, entre autres, de l’assassinat de l’ambassadeur américain à Tripoli<br />
et d’une « piste libyenne » dans la prise d’otages perpétrée par des islamistes<br />
maliens en Algérie ?<br />
Une chose est sûre : le renversement d’Assad (avec la participation directe ou<br />
indirecte de forces étrangères) faciliterait sensiblement la tâche des extrémistes<br />
qui aspirent à une « talibanisation » du Proche-Orient. Inversement, l’absence<br />
d’ingérence étrangère dans les affaires syriennes contribuerait au maintien de la<br />
situation dans le champ du droit international et pourrait permettre de rationaliser<br />
la transition de la région de l’autoritarisme à la démocratie.<br />
Mais pour faire le bon choix, les acteurs extérieurs doivent repenser<br />
fondamentalement leur approche des événements se produisant dans le cadre du<br />
« printemps arabe ». Il est impératif d’élaborer un programme collectif constructif visant<br />
à résoudre les problèmes stratégiques, au premier rang desquels les deux principales<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013