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Vu de Moscou<br />
tourner vers Bruxelles. Le temps des relations bilatérales privilégiées était révolu.<br />
Le coup était d’autant plus dur pour Eltsine que le rang de « suiveur » que lui<br />
attribuait l’Occident était incompatible aussi bien avec les exigences sécuritaires de<br />
la Russie qu’avec ses intérêts en matière de développement intérieur.<br />
Depuis la fin de la Guerre froide, la France s’était toujours montrée<br />
particulièrement préoccupée par l’état de la démocratie en Russie. Or, deux mois<br />
après la fin de l’opération au Kosovo, démarrait la seconde campagne militaire en<br />
Tchétchénie. Chirac devint le critique le plus implacable de Moscou, accusant le<br />
pouvoir russe de violations massives des droits de l’homme dans la république<br />
rebelle et menaçant le pays de sanctions économiques.<br />
La rupture personnelle définitive est intervenue lors du sommet de l’OSCE tenu<br />
à Istanbul fin 1999 : irrité par les critiques formulées par son « ami Jacques », Eltsine<br />
quitta la réunion. À la suite de cet esclandre, Paris cessa d’être un interlocuteur<br />
privilégié de la direction russe. Après son élection à la présidence, Vladimir<br />
Poutine a attendu dix mois avant de se rendre en France. Poutine ne souhaitait<br />
pas écouter les sermons du chef d’un État qui offrait l’hospitalité aux leaders<br />
séparatistes tchétchènes. Il dut finalement faire le voyage de Paris à l’occasion<br />
du sommet UE-Russie d’octobre 2000, la France exerçant alors la présidence de<br />
l’Union européenne.<br />
Les attentats du 11 septembre 2001 renforcèrent la détermination des États-<br />
Unis à exercer un leadership mondial ; mais, dans le même temps, ces attaques<br />
signifièrent la fin de l’« unipolarisation » du monde, dans la mesure où elles<br />
mirent en évidence les risques liés à la politique de puissance unilatérale conduite<br />
par Washington. Une nouvelle instance de collaboration fut créée à l’été 2002 :<br />
le Conseil de coopération franco-russe sur les questions de sécurité. En 2003,<br />
la France et l’Allemagne, ainsi que la Chine et la Russie, se prononcèrent contre<br />
un règlement par la force de la question irakienne. Dans le nouveau contexte<br />
géopolitique, Moscou et Paris se rapprochèrent autour d’une même stratégie visant<br />
à construire un monde multipolaire dont la stabilité reposerait sur le respect du<br />
droit international.<br />
Le milieu des années 2000 fut marqué par une nouvelle montée des tensions<br />
dans les relations entre les deux pays. La France appuyait la politique de « nouveau<br />
voisinage » de l’Union européenne — une politique obéissant au principe du<br />
« donnant-donnant ». Or, la Russie, pour citer Sergueï Lavrov, ne voulait « pas<br />
être le matériau qui servirait au nouveau projet occidental de remodelage de<br />
l’Europe orientale ». Après 2006, ayant remboursé ses dettes extérieures, la Russie<br />
se reconcentra sur la politique internationale. C’est précisément à cette époque<br />
qu’elle initia, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, les consultations des<br />
pays du groupe des BRICS. Cette combinaison diplomatique prometteuse allait<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013<br />
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