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Anne de Tinguy<br />
et en perte de vitesse. Quelques exemples. Dans le classement de Reporters sans<br />
frontière sur la liberté de la presse, elle est en 2011-12 à la 142ème place. Dans<br />
celui de Transparency International, elle figure en 2012 au 133ème rang des<br />
176 États étudiés. Dans le Global Competitivness Report 2011-12 publié par le<br />
World Economic Forum, elle est au 66e rang des 142 pays répertoriés, au 128e<br />
pour la qualité de ses institutions. Ces données ne permettent pas d’appréhender<br />
qualitativement les situations russes. Mais elles ne sont guère éclairées, voire<br />
tempérées par une compréhension des dynamiques en cours, que peu de Français<br />
ont les moyens d’avoir.<br />
La connaissance de la Russie est en effet limitée. Les évolutions russes de ces deux<br />
dernières décennies ont été rapides et elles sont difficiles à appréhender, surtout sans<br />
aller sur place. De plus, en dehors de Moscou et de Saint Pétersbourg (plus de 90 %<br />
des voyages touristiques en Russie ont ces deux villes pour destination), la Russie<br />
est peu et mal connue. Et cette tendance risque de s’accentuer : la désaffection pour<br />
la langue russe (selon l’Association française des russisants, les effectifs de ceux qui<br />
l’apprennent dans les collèges et les lycées de France ont diminué de moitié dans<br />
les années 1990, « plafonnant désormais à 14-15 000 élèves ») est un signe parmi<br />
d’autres d’un moindre intérêt pour la Russie et sa culture.<br />
Les relais de la connaissance sont en outre moins nombreux qu’ils ne l’ont<br />
été. Les enseignants-chercheurs et autres spécialistes de la Russie jouent un rôle<br />
fondamental par le biais de leurs enseignements, de leurs publications et de leurs<br />
interventions dans les médias et ils sont à l’origine d’une expertise souvent de<br />
grande qualité ; mais ils sont peu nombreux, et pas connus du grand public pour<br />
la plupart d’entre eux. Les écrivains ont eux aussi une influence, nous l’avons déjà<br />
évoquée. À titre d’exemple, Limonov d’Emmanuel Carrère (prix Renaudot 2011)<br />
a donné à un large public des clefs de compréhension de la complexité du paysage<br />
socio-politique russe de ces dernières années. Mais ces écrivains sont eux aussi<br />
trop peu nombreux pour renverser une tendance. Beaucoup de ceux qui étaient<br />
traditionnellement des relais de la connaissance de l’URSS et de la Russie ne sont<br />
plus aujourd’hui en mesure de jouer ce rôle. Les communistes, qui ont longtemps<br />
été des acteurs de la relation avec Moscou, ne représentent plus grand-chose dans<br />
le paysage politique. L’Association France-URSS a disparu. Les « Russes blancs »,<br />
qui constituaient une Russie « hors frontières » (Nikita Struve), sont âgés, de moins<br />
en moins nombreux et plusieurs des institutions qu’ils avaient créées n’existent<br />
plus. « Les grands partis politiques s’intéressent peu aux affaires russes, souligne<br />
par ailleurs Arnaud Dubien dans une récente note de l’Observatoire franco-russe,<br />
et ils ne disposent d’aucune expertise propre, à la différence par exemple de leurs<br />
homologues allemands ou suédois dont les fondations (Ebert, Adenauer, Palme) ont<br />
de longue date des bureaux à Moscou. » D’autres populations pourraient prendre le<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013