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Nicolas Tenzer
notamment émergents, les grandes collectivités territoriales et les agences d’aide
bilatérale. Ils concernent des sujets aussi variés que le développement urbain, la
lutte contre le changement climatique, le développement touristique, la réforme
de l’État, le secteur financier et celui des PME, la justice et la police, etc. Leur
montant sur cinq ans s’élève à plus de 600 milliards de dollars et les marchés
d’infrastructures et de matériel qui en découlent à plus de 30 000 milliards de
dollars. Non seulement ces programmes vont exercer un effet structurant sur
le développement de ces pays et déterminer les marchés futurs, non seulement,
bien sûr, ils ont une conséquence directe sur la croissance et l’emploi des pays
qui réussissent à vendre leur expertise, mais ils ont aussi un effet normalisateur.
Ceux qui remportent plusieurs marchés d’un même type et, en plus, sont capables
de communiquer sur ces projets dans les cénacles et les médias spécialisés
internationaux finissent par fixer les normes, les règles, les standards et les bonnes
pratiques. Nulle stratégie d’influence ne peut passer sous silence cette dimension
qui a des retombées à la fois diplomatiques, économiques, doctrinales et même
de sécurité.
Ces changements dessinent une cartographie complètement originale et
beaucoup plus difficile à saisir. On assiste ainsi à une sorte de combinatoire où
s’entremêlent les influences économique, politique et intellectuelle et où même
l’influence bilatérale classique passe aussi en partie par les canaux multilatéraux.
Bien sûr, ces influences sont en compétition exacerbée tant les considérations de
puissance économique, d’accès aux marchés et aux ressources rares deviennent
déterminantes tant comme moyen que comme objet de la diplomatie. Très
logiquement aussi, on a assisté au surgissement d’une grande diversité d’acteurs
de l’influence.
L E S N O U V E AU X A C T E U R S D E L’ I N F LU E N C E
Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, pour l’essentiel, l’acteur primordial de
l’influence était la puissance publique, essentiellement les ministères des affaires
étrangères et les services de renseignement, ainsi qu’un petit nombre de sociétés
déjà multinationales, qui s’efforçaient de défendre des intérêts commerciaux et
avaient une stratégie diplomatique propre à laquelle plusieurs gouvernements
n’étaient pas insensibles. Pendant la Guerre froide, pour schématiser, se sont ajoutés
les services de propagande, tant dans le camp de l’Union soviétique que dans
celui du Monde libre, dont Radio Free Europe et Voice of America constituaient
l’une des faces les plus visibles. S’est progressivement immiscée dans ce jeu une
tierce partie, venue des Non-Alignés et du mouvement décolonisateur, là aussi
par la diffusion et la valorisation mondiales de leurs idées et le recours au monde
intellectuel. Depuis une vingtaine d’années, ces acteurs se sont incroyablement
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013