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Iouri Roubinski<br />
Entre temps, les approches des partenaires concernant la façon de résoudre la crise<br />
divergèrent nettement. Pour Merkel, la condition sine qua non pour la surmonter était<br />
avant tout la stabilité financière sur la base du Pacte de discipline budgétaire signé dans<br />
le cadre de l’Union européenne à son initiative avec le soutien actif de l’ancien président<br />
Sarkozy. Sans renoncer à fournir une aide aux pays connaissant une situation tragique, la<br />
chancelière exigea de leurs gouvernements des garanties sous forme de plans de rigueur.<br />
De là découle l’opposition déterminée de la partie allemande à l’attribution<br />
automatique de cette aide, opposition, par exemple, à l’émission d’eurobonds – ces<br />
obligations garanties par tous les pays de la zone euro et avant tout par le plus<br />
solvable d’entre eux, l’Allemagne – par la Banque centrale européenne,. « Tant que<br />
je serai en vie, il n’y aura pas d’eurobonds ! » affirmait Merkel d’un ton péremptoire.<br />
La même logique présidait à son souhait de donner une nouvelle impulsion à<br />
l’intégration européenne en complétant l’union financière et économique existante<br />
d’une dimension fiscale et de crédit et en attribuant de nouvelles prérogatives aux<br />
organes de supervision du système bancaire de l’Union européenne.<br />
En même temps, le point central du programme électoral de Hollande consistait<br />
en une stimulation de la croissance économique en vue de régler le problème<br />
social le plus important de la France, c’est-à-dire le chômage. Dans la mesure où<br />
cela présupposait un rôle actif de l’État, y compris dans le domaine financier, le<br />
candidat socialiste critiqua les concessions, trop importantes à ses yeux, de son<br />
prédécesseur à l’Allemagne, et promit de reprendre les négociations sur le Pacte de<br />
discipline budgétaire afin d’y intégrer des mesures de relance.<br />
Ces divergences ne s’expliquaient pas du tout par des motifs idéologiques ou<br />
d’appartenance politique, qui n’avaient d’ailleurs pas le moins du monde gêné l’action<br />
de Giscard d’Estaing et de Schmidt ou de Mitterrand et de Kohl, mais plutôt par des<br />
facteurs objectifs. L’évolution de l’équilibre des forces entre les membres du tandem,<br />
déterminée par la réunification de l’Allemagne, s’accéléra sensiblement sur fond de<br />
crise mondiale naissante en 2008. La France se révéla plus sensible que l’Allemagne<br />
aux conséquences de cette crise, non seulement d’ailleurs en raison d’un potentiel<br />
démographique ou matériel plus limité mais pour des raisons structurelles. Les<br />
échanges commerciaux de la France sont en déficit chronique alors que ceux<br />
de l’Allemagne sont positifs et inspirent l’optimisme, reflétant la différence de<br />
compétitivité entre les deux plus grandes économies de l’Union européenne. La part<br />
de la production industrielle dans le PIB de l’Allemagne est de 27%, alors qu’il est deux<br />
fois moindre pour la France. Améliorer l’efficacité de l’économie de marché sociale<br />
de l’Allemagne a été possible grâce à la modernisation des relations sociales et de la<br />
politique fiscale entreprise sous le chancelier Schröder et poursuivies par Merkel.<br />
En France, de telles réformes en faveur desquelles se prononçait la droite à<br />
l’époque du président Sarkozy se sont heurtées à la résistance farouche des socialistes<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013