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Piotr Stegni<br />
islamistes se sont fermement installés au pouvoir au Caire, et donc dans le monde<br />
arabe dans son ensemble.<br />
Il s’agit d’une situation radicalement nouvelle. Elle est porteuse de risques<br />
évidents pour l’ordre régional et mondial, et affecte les intérêts de nombreux<br />
pays, et spécialement, en raison de la proximité géographique, de la Russie<br />
et de l’Europe. Comme l’a montré l’évolution des événements dans le monde<br />
depuis 1991, l’instauration de libertés politiques s’accompagne inévitablement<br />
de périodes de tension, de tendances centrifuges, d’exacerbation des conflits<br />
ethniques et interconfessionnels. Dans quelle mesure les nouvelles élites arabes,<br />
très hétérogènes dans leur composition, sauront-elles régler des problèmes qui se<br />
sont accumulés depuis des décennies ? Telle est la principale interrogation de la<br />
communauté internationale à la suite du « printemps arabe ».<br />
Il n’est pas aisé d’y répondre. Étant donné l’ampleur et la gravité des problèmes, ils<br />
devront être traités par un effort international commun tenant compte d’une réalité<br />
mouvante et d’intérêts individuels et collectifs en perpétuelle évolution. Et cela, dans<br />
un contexte géopolitique de concurrence internationale croissante au Moyen-Orient,<br />
une région qui renferme d’immenses ressources énergétiques — et qui présente donc<br />
un risque politique et stratégique de premier ordre pour la stabilité mondiale.<br />
TÂ C H O N S D’ Y VO I R P LU S C L A I R . . .<br />
Le « printemps arabe » n’a pas suscité la même interprétation à Moscou et dans les<br />
chancelleries occidentales. En Occident, il a été perçu comme une victoire de la<br />
démocratie ; en Russie, comme une victoire de l’Occident. C’est compréhensible :<br />
depuis la fin de la Guerre froide, l’Occident et la Russie jouent des rôles distincts<br />
dans le processus de reformatage du monde : schématiquement, l’Occident<br />
« démocratise » et la Russie « se fait démocratiser ». D’où des réactions fort<br />
différentes aux événements complexes du « printemps arabe ». Si les Américains<br />
ont salué sans équivoque les manifestations de masse placées sous le signe de<br />
slogans démocratiques, cela s’explique d’abord par des considérations idéologiques<br />
(et seulement ensuite par des raisonnements géopolitiques ou commerciaux).<br />
En Russie, en revanche, certaines peurs anciennes, parfois tout à fait justifiées,<br />
avaient été réveillées plusieurs années avant le « printemps arabe » par l’éclatement,<br />
dans les pays frontaliers, de « révolutions de couleur » soutenues plus ou moins<br />
ouvertement par des forces extérieures. C’est pourquoi dès mars 2011, après<br />
le début de l’intervention armée de l’OTAN en Libye, la Russie s’est fermement<br />
prononcée contre toute tentative d’imposer la démocratie par la force, y voyant<br />
non seulement la manifestation d’une concurrence déloyale sur les marchés du<br />
Proche-Orient mais aussi une nouvelle illustration des « doubles standards » qui<br />
compromettent le choix démocratique en tant que tel.<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013