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Iouri Roubinski<br />
Avec la fin de la Guerre froide et de la bipolarisation du monde, les objectifs fixés<br />
en leur temps par les signataires du Traité de l’Élysée finirent par relever du passé.<br />
La réunification de l’Allemagne changea radicalement l’équilibre des forces entre les<br />
membres du couple, la chute de l’URSS en constituant la dimension géopolitique.<br />
Cependant, le dialogue ne cessa pas, il devient au contraire bien plus actif.<br />
Consentant, après quelques hésitations, à l’inévitable réunification de l’Allemagne,<br />
Mitterrand opta pour une politique donnant une dimension européenne à ce<br />
dialogue. « Rendre européenne l’Allemagne pour que l’Europe ne devienne pas<br />
allemande », résuma le président à propos de sa stratégie. Les jalons les plus<br />
importants sur cette voie furent les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de<br />
Nice, puis, après l’échec du projet de Constitution européenne en 2005, celui de<br />
Lisbonne.Le partenariat franco-allemand continua à jouer un rôle de catalyseur<br />
dans l’approfondissement et l’extension de l’intégration européenne. Le mécanisme<br />
du Traité de l’Élysée s’est développé progressivement ; à partir de 1988, aux deux<br />
sommets annuels et rencontres des ministres des Affaires étrangères furent ajoutés<br />
des conseils pour les questions de défense et de sécurité et pour les questions<br />
financières et monétaires. Les contacts intergouvernementaux furent renforcés<br />
par des liens entre parlements, entre associations, et par des échanges pour les<br />
étudiants et la jeunesse. La coopération militaire connut aussi un coup de pouce<br />
déterminant avec la création d’une brigade franco-allemande, étendue par la suite<br />
à l’Eurocorps avec un état-major basé à Strasbourg et appelé à devenir le modèle<br />
d’une future « identité européenne de défense ». Mitterrand et Kohl participèrent à<br />
des manœuvres communes avec la participation d’unités militaires des deux pays<br />
à Mourmelon, champ de batailles sanglantes lors de la Première Guerre mondiale.<br />
Le dialogue permanent entre les fonctionnaires et les représentants de la société<br />
civile à tous les niveaux permit petit à petit de s’habituer à prendre en compte la<br />
position du partenaire pour minimiser les divergences d’intérêts en validant au<br />
préalable les décisions à prendre. Les perceptions mutuelles des peuples évoluèrent<br />
aussi. Bien que demeurent beaucoup de stéréotypes négatifs anciens, Allemands et<br />
Français ont perdu leurs réflexes de méfiance et d’inimitié relevant du passé.<br />
En même temps, le tandem issu du Traité de l’Élysée a donné des résultats<br />
concrets dans de nombreux domaines. Durant la période des deux mandats<br />
présidentiels du néo-gaulliste Jacques Chirac (1995-2007), la coopération de ce<br />
dernier avec le chancelier Gerhard Schröder laissa parfois à désirer. D’un autre<br />
côté, l’élection en 2007 de Nicolas Sarkozy comme président de la République<br />
et l’arrivée au pouvoir d’Angela Merkel pouvaient donner l’impression que les<br />
relations franco-allemandes avaient non seulement retrouvé leurs sommets de<br />
l’époque de Gaulle – Adenauer, Giscard d’Estaing – Schmidt ou Mitterrand – Kohl,<br />
mais qu’elles avaient atteint un niveau résolument nouveau.<br />
RUSSIA IN GLOBAL AFFAIRS • VOL. 11 • NUMERO SPECIAL • 2013